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Planche III.2 : Etude des résolutions optimales sur images aéroportées : recherche de la

3.4. EFFETS GEOMETRIQUES ET SEMANTIQUES DU CHANGEMENT D’ECHELLE

Les effets géométriques du changement d’échelle se rapprochent de considérations sur la théorie des fractales (Mandelbrot, 1989). Toutefois la théorie hiérarchique vient bousculer cette vision en présentant l’évolution entre les échelles comme une suite de discontinuités. Avec l’évolution de la résolution, on observe de forts effets géométriques qui touchent :

- La possibilité de voir l’objet à travers la grille de résolution donnée.

- L’évolution de la valeur numérique locale avec la résolution.

- L’évolution de la variabilité globale sur une zone quand on change la résolution et donc le nombre de pixels.

Ces évolutions géométriques sont attendues et ont fait l’objets de nombreux travaux.

Le cas des images où les objets d’étude ont une radiométrie fortement différente du contexte - plans d’eau, plaques d’érosion, plaques de sol nu, zones incendiées … - est intéressant car on peut « binariser » les images : l’analyse des effets d’échelle y est plus simple. Par exemple Maurel (1988) montre que la condition pour une détection correcte d’un objet à radiométrie tranchée (besoins de comptage et d’inventaire) est la présence d’au moins un pixel « pur » à l’intérieur de l’objet, condition satisfaite dès que la taille de l’objet atteint 2

pixels, soit O = 2*R. Ce qui est en conformité avec la condition de bonne localisation

énoncée par Townsend et al. (1981) : O = R*(1+2e) , où e est la précision du positionnement en pixel. On retrouve ici l'importance du rapport R/O.

Les mêmes effets s’observent lors de cartographie de paramètres continus : température, pente, indice topographique.

Ainsi Saulnier (1996) a montré une forte évolution de l’indice topographique (Beven et Kirkby, 1979) avec la résolution du MNT. Toute utilisation de cet indice est donc elle-aussi sensible à la résolution du MNT : en particulier le calage de la modélisation hydrologique Topmodel est perturbé et toute modification de résolution rejaillit sur les valeurs des paramètres restant à caler. Afin de stabiliser l’utilisation de ce type d’indice, Saulnier propose de calculer une courbe d’indice topographique équivalente, par extrapolation vers la résolution nulle. Becker et Braun (1999), proposent d’utiliser une courbe équivalente en utilisant les lois fractales et la dimension fractale des réseaux de rivières.

Laurent et al. (1996) montrent la perte de variabilité de ce même indice topographique pour un bassin versant quand la résolution du MNT passe de 50 à 400 m : l’information de variabilité (indice de Shannon) chute au-delà d’une résolution de 200m, ce qui conduit à une baisse du critère de Nash de la modélisation.

Ces solutions supposent une certaine continuité ou répétition quand changent les échelles. Or, en accord avec la vision hiérarchique du paysage, ces évolutions peuvent être décrites comme effets du changement de niveau d’organisation, donc de nomenclature. Lorsque l’objet change tout en gardant une même appellation, des effets sémantiques moins attendus apparaissent.

Evolution de la signification des objets (exemple des plaques de sol nu)

L‘effet géométrique dû au changement de résolution a été étudié dans le cas de la cartographie de plaques de sol nu en zone sahélienne à partir d’image de télédétection, en relation avec le CEREG de Strasbourg (Bechler, 1992 ; Puech et al., 2000). Dans le contexte des bassins versants d’Imiga (zone soudano sahélienne du Burkina) (Mietton, 1988), les plaques de sol nu expliquent une grande partie des écoulements rapides de surface. Leur densité, position et distance au « marigot » (rivière) sont alors une clé utile pour la compréhension de la genèse des crues. Toutefois pour analyser l’évolution ce cet impact au cours du temps, par exemple à l’aide d’un mélange de photos aériennes et

Partie II Echelles et changement d’échelle

Chapitre 3 Vision et échelles

d’images satellitales, il est important de mettre au point une technique de mesures comparables.

Or ces plaques sont très morcelées et très dentelées : taille et formes très variables. Toute approche spatiale est donc vouée à une perte d’information si l’on cherche à définir les plaques en forme, nombre et superficie ; des travaux spécifiques sur la vision dégradée des données et sur leur caractérisation montrent la perte d’information quand on passe d’une vision 5 m à une vision 100 m : les plaques changent d’orientation, se regroupent ou se scindent, bref n’ont une réalité que sous une vision donnée.

On a proposé une hiérarchisation et un comptage de type granulométrique en commençant par les plus grosses plaques (figure 3.7) rendant possible une comparaison des estimations entre dates ou à l’aide de supports différents (données de terrain ou images SPOT par exemple, cf. figure 3.6), ce qui permet un suivi de la dynamique des plaques.

Figure 3.6 : repérage des plaques de sol nu sur le bassin d'Imiga (image SPOT XS du 12.12.1986)

Figure 3.7 : nombre cumulé de plaques en fonction de leur taille

.

Evolution de la signification des paramètres (exemple sur les MNT)

Le même effet peut être analysé sur les variables issues de MNT qui changent de signification avec la résolution sans changer de nom.

Une analyse de la stabilité des valeurs d’altitude, pentes et azimuts quand on change la résolution du MNT montre le peu d’influence de la résolution sur l’altitude – corrélation proche de 1 - mais un effet extrême sur les plans dérivés : la corrélation entre pentes ou entre azimuts devient non significative quand le rapport de résolutions devient supérieur à 5 (figure 3.8.et tableau 3.2). La résolution a peu d’influence sur les altitudes car c’est une variable d’état. Mais sur les plans dérivés, on assiste à un effondrement des pentes et une instabilité des azimuts.

Tableau 3.2 Coefficients de corrélation entre mesures à résolutions différentes.

Comparaison par rapport à une référence de résolution 40m (Bassin du Réal Collobrier).

Résolution Altitude Pente Azimut

40 m 80m 200m 500 m 1 0.99 0.98 0.96 1 0.90 0.62 0.41 1 0.78 0.51 0.22 Forêt galerie Cultures Savane Plaques de sol nu 0 1km 1 10 100 1000 10 1 0.1 0.01 0.001 TAILLE DE LA PLAQUE (Ha)

5 m 30 m 100 m

1990 (saison des pluies) Données de terrain à diverses résolutions

1986 (saison sèche) Classifications image SPOT

NO M B RE CUM UL E DE PL AQ UES

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Figure 3.8 Influence numérique de la résolution sur les paramètres du MNT En ordonnée calcul avec une résolution 40m,

En abscisse, calcul avec une résolution de 80m (série 1), 200 m (série 2) et 500 m (série 3) Cet effet numérique est attendu et peut sembler anodin.

Or, cette même influence conduit à un effet beaucoup plus pernicieux du changement de résolution, à savoir un changement de signification des variables étudiés (Puech, 1994). Pour mettre en évidence cet effet analysons la vision d'un MNT calculé sur des vallons parallèles à flanc de montagne (figure 3.9) ou, ce qui revient au même, sur une tôle ondulée. A basse résolution (BR), la vision intègre le versant (l'ensemble de la tôle) si bien que la pente calculée est la pente générale du versant et que la direction calculée est peu variable. A très haute résolution (HR), la vision s'intéresse aux ondulations (vallons) elles-mêmes, si bien que les pentes sont celles des facettes des vallons, beaucoup plus variables, avec deux directions privilégiées perpendiculaires à la direction (BR).

Figure 3.9 : tôle ondulée et vallons

Les histogrammes comparés (figure 3.10) sont donc très différents Pour les azimuts, l'histogramme unimodal (BR) devient bimodal (HR) avec un décalage des modes de ± 90%. . Pour les pentes, les histogrammes donnent des modes indépendants : le mode BR caractérise la pente globale du versant, le mode HR caractérise la pente des vallons. La pente HR n’est pas dépendante de la pente du versant, mais elle dépend de la profondeur des cannelures.

Figure 3.10 : histogrammes comparés en basse (BR) et haute (HR) résolution sur une tôle ondulée

HR

BR

Valeur des PENTES (°) Nb de valeurs de pente Mode BR Mode HR Nb de valeurs d ’azimut

Valeur des AZIMUTS (°)

Mode BR Mode HR Mode HR -90° +90° AZIMUTS 0 50 100 150 200 250 300 350 0 50 100 150 200 250 300 350 Série1 Série2 Série3 ALTITUDES (m) 0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300 Série1 Série2 Série3 PENTES (%) 0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25 Série1 Série2 Série3

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Le point important à noter est que non seulement les valeurs numériques des pentes et azimuts ont changé mais surtout que leur signification même a changé. On se trouve dans un cas de changement de niveau d'organisation pour les objets du paysage.

La difficulté majeure est que ce changement de niveau d'organisation se fait en conservant la même dénomination (« pente », « azimut ») pour les variables étudiées. Ainsi, avec le changement de résolution, le terme "pente" change progressivement de signification : pente de la région, pente du versant, du vallon, des ravines, des cailloux … selon une succession de valeurs numériques absolument indépendantes.

Cet effet sémantique est des plus importants en changement d'échelle. Il montre une dérive progressive de la signification des variables par changement de niveau d’organisation, ce qui est extrêmement dangereux quand elle s'opère sans changement de vocabulaire avec un grand risque de confusions ou d’erreurs : comparaisons incorrectes de documents de nature différente ou introduction dans les modèles de variables non adaptées. On peut être tenté d’introduire dans des modèles de simulation, « LA pente » ou « L’indice topographique » issu du MNT disponible, sans prendre soin à sa signification.

On trouve de nombreux cas illustrant ces effets, et nous en reparlerons lors de l’analyse des distances au réseau hydrographique (chapitre 7a).

Un point important à noter est la forte analogie entre "vision" et "hydrologie" sur ces évolutions : le changement de résolution en vision implique qu’on ne peut plus s’intéresser aux mêmes objets ou paramètres ; de même, en hydrologie, le changement d’échelle implique un changement de variables ou de d’indicateurs de fonctionnement. Un exemple simple est celui de la loi de Darcy : à échelle locale, l’écoulement à travers le milieu poreux est très lent, dicté par le type de sol et sa texture, à échelle d’un versant, les vitesses moyennes sont beaucoup plus élevées, et dépendent des fissures, macropores et autres écoulements préférentiels. Marsily (1994) relève les mêmes divergences en citant comme exemple les paramètres de perméabilité introduits dans les équations de Richard : entre la maille du modèle 100*100m et l'échantillon de diamètre 5 cm du laboratoire, " le changement d'échelle fait que les deux paramètres, qui pourtant portent le même nom, n'ont entre eux, que de lointains rapports".

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Chapitre 4 Agrégation

CHAPITRE 4

AGREGATION

Quand on s’intéresse au fonctionnement hydrologique, un élément nouveau et important apparaît : comment relier les fonctionnements élémentaires aux fonctionnements globaux. De nombreux documents font un point intéressant sur ces problèmes d’échelle, d’agrégation et désagrégation, en lien avec les modèles hydrologiques ou écologiques. On peut citer : Beven, 1989 ; King, 1989 ; Burel et al., 1992 ; Blösch et Sivapalan 1995 ; Seyfried et Wilcox, 1995 ; Maidment 1995 ; Bormann et al., 1999 …

Nos travaux en mode agrégatif sont montrés au Sahel sur des bassins versants gérés par l’IRD ex ORSTOM. Ils concernent d’abord les possibilités de cartographie des « états de surface » à partir d’images satellitales. Suit une réflexion sur le passage du m² au bassin versant et ses limites, qui rejoint des préoccupations de changement d’échelle en lien avec l’utilisation de modélisations déterministes.

4.1. CARTOGRAPHIE DES ETATS DE SURFACE AU SAHEL PAR COUPLAGE DE