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Les images radar fournissent des cartographies potentielles de l'humidité dans l'ensemble du bassin versant. Jusqu'à présent les travaux effectués dans le domaine considéraient le bassin versant comme un tout et cherchaient à relier le signal rétrodiffusé moyen σo à l'évolution de l'humidité globale. Les travaux du Cemagref d'Antony et du CEFE (Normand, 1990 ; Loumagne et al., 1991 ; Cognard et al., 1995) ont développé ce domaine.

Or si cette approche est intéressante pour mettre en œuvre des modèles opérationnels, elle néglige la richesse des informations satellitales disponibles à l’intérieur du bassin versant, ce qui peut aider à la compréhension des mécanismes et à la validation d’hypothèses. En effet, l'intérêt pour les questions de développement de modèles augmente, en relation avec les mécanismes élémentaires à l'origine des écoulements (Abdul and Gillham, 1984). De grands progrès ont été obtenus à propos de la genèse des débits, mettant en évidence le rôle des zones saturées dans les bassins de climat humide ou tempéré, mais la télédétection a peu été utilisée pour cela jusqu'à présent.

Avec les campagnes de simulations des satellites ERS1 (1992, 1994) puis ERS1/ERS2 (1996) l'opportunité d'un suivi opérationnel était proposée. L'origine du travail présenté était l'idée d'utiliser les images satellitales radar pour la confrontation entre l'humidité observée sur image et les zones contributives saturées issues des modélisations de type TOPMODEL (Beven, 1989). Au départ donc il s'agit d'une validation d'hypothèses de fonctionnement sur le bassin versant : TOPMODEL donne t-il des résultats localement cohérents avec l'observation ?

Trois sous questions ont été abordées à travers la thèse de Gineste (1998), le bassin versant d’étude étant le Coët Dan à Naizin (Bretagne) :

Capacité des satellites ERS à détecter les zones saturées

Capacité de TOPMODEL à prédire une extension raisonnable des zones saturées

Assimilation de l’information radar susceptible d’améliorer les prédictions du modèle

8b.1. CAPACITE DES SATELLITES ERS A DETECTER LES ZONES SATUREES

Le radar imageur est un instrument d'observation de la terre très particulier. Les images ont les spécificités suivantes : domaine des hyperfréquences (1-15 Ghz) ; propre source d'illumination (système actif) ; sensibilité aux propriétés diélectriques du milieu ausculté. Ainsi il apparaît comme instrument privilégié d'une mesure de l'humidité.

Cependant le coefficient de rétrodiffusion σ0 dépend des éléments suivants :

Humidité superficielle des sols (qq. cm)

Humidité du couvert végétal

Micro-relief de la cible

Caractéristiques de l’onde émise (fréquence, polarisation)

Angle d’incidence par rapport à la cible

Ainsi l'image contient des éléments autres que l'humidité des sols.

Enfin le signal radar, est également sensible aux effets spéculaires d'une cible, ce qui peut apparaître lors de la présence d'eau libre. Dans le cas des bassins testés cette eau libre apparaissait sous forme de flaques discontinues de faibles dimensions par rapport au pixel radar (12.5m).

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

Les données disponibles étaient plusieurs séries d'images radar ERS

15 images sur traces ascendantes ERS-1 en 1992 (cycle de 3 jours) du 28/01/92 au

28/03/92

25 images ascendantes ERS-1 en 1994 (cycle de 3 jours), du 02/01/1994 et le

27/03/1994

8 images en 1996 (4 couples ascendant descendant tandem à 24h ERS 1 ERS2) entre le

6/02 et le 20/04

Nous disposions aussi de 5 relevés de terrain donnant l’extension des zones saturées par la méthode "splash" 1sur une zone amont de 100 ha, dite "le Mercy" : deux relevés en 1992, SAT46 et SAT87, correspondant respectivement à l’extension des zones saturées aux jours juliens 46 et 87 (origine : INRA rennes) et trois relevés en 1996, SAT02, SAT03, SAT04 (origine : LCT), (Cf. Tableau 8.3).

1 Parcours en bottes de la zone étudiée pour repérer les zones saturées

Année Identifiant des observations Surface saturée (pixels - hectares - %) 1992 1992 1996 1996 1996 SAT46 SAT87 SAT02 SAT03 SAT04 1315 643 1904 824 422 20,5 ha 10,1 ha 29,8 ha 12,9 ha 6,6 ha 20,5 % 10,0 % 29,6 % 12,8 % 6,5 % Tableau 8.3 Surfaces saturées observées lors

des campagnes de terrain

(surface totale du Mercy : 100,6 ha) Figure 8.6 : Extensions des zones saturées observées sur la zone du Mercy en 1996 La première constatation a été l’impossibilité d’utiliser chaque image directement dans la caractérisation de la saturation, par suite des éléments suivants :

Le fait que les essais de détection des flaques par effets spéculaires n'aient pas abouti : la proportion des flaques était trop minime pour que leur présence devienne prépondérante par rapport aux effets diélectriques : l'effet spéculaire semble totalement masqué par l’effet diélectrique (Gineste, 1998).

Le fait que les images radar soient très brouillées et affectées d'un scintillement (speckle) qui rend chaque image difficilement utilisable : il faut auparavant éliminer le speckle.

Le fait que le signal ne soit pas sensible qu'à la seule humidité mais également à la

présence de la végétation et à la rugosité des sols.

Tout cela a conduit à proposer un indice de saturation potentielle SPI, extrait par une méthode basée sur des variations entre images et défini par :

SPI = écart type temporel (σ°) [8.10]

On obtient donc un seul indice par campagne d'images : SPI92, SPI94 et SPI96.

I

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

Figure 8.7 : indice SPI sur les

15 images de 1992 (valeurs relatives) Bassin du Coët Dan à Naizin

Cet indice est censé représenter tout ce qui a trait aux capacités d'évolution de l'humidité des sols. Le travail en temporel pendant une période courte (2 à 4 semaines), et hors période végétative, est supposé éliminer les variations dues à la rugosité et à la végétation. La variation du signal est alors reliée aux seuls phénomènes de variation d'humidité donc au ressuyage des sols.

Le choix d'un méthode temporelle permet de s'affranchir des effets de speckle, mais aussi donne l'opportunité d'observer des variations significatives du signal.

De fait, une seule image n'est pas capable de fournir une information utilisable.

L'indice temporel utilise l'idée que la saturation se développe sur des parties de bassin maintenues humides plus longtemps que les autres, autrement dit que l'on doit observer une persistance de l’humidité dans les zones les plus propices à se saturer.

8b.2 CAPACITE DE TOPMODEL A PREDIRE UNE EXTENSION RAISONNABLE DES ZONES SATUREES

Nous avons présenté, chapitre III, les MNT et leur aptitude à cartographier des indices relatifs au relief, notamment l'indice topographique IT (Beven et Kirkby, 1979) censé exprimer les potentialités de saturation :

IT = Ln (Sd)/ tg(θ). T indice topographique [8.11]

Le plan "indice topographique" utilisé sur le Naizin a été obtenu à partir d'un MNT à 30 m fourni par l'INRA de Rennes, partenaire de l'étude.

Trois cartographies d'une zone saturée sont donc disponibles : celle issue des campagnes de terrain, celle issue des images radar (indice SPI) et celle issue des hypothèses de modélisation TOPMODEL (indice topographique IT).

La comparaison de ces 3 sources a été effectuée en ajustant au terrain les indices SPI et IT: on choisit une valeur seuil qui fournit la même superficie que l'observation de terrain ; par exemple, pour 02.1992 (SAT46) , la même superficie saturée est atteinte pour IT > 10.7 et pour SPI < 0.90 (figure 8.8).

On compare ensuite les formes : parties communes en trop ou en moins, le critère d'ajustement étant défini par :

Acc = 100* (surface commune) /(surface totale) [8.12]

Bien que les formes ne soient pas identiques, les deux indices donnent des taux de conformités très proches, variables dans la gamme 50-70% sauf pour la dernière date, date très sèche, de 1994 (SAT04).

SPI92

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

Figure 8.8 : Ajustement des indices au terrain (zone Le Mercy)

Par exemple pour 02/1992 (SAT46), le critère de qualité atteint 61 % pour les deux indices. Gineste propose également un indice couplé, mélange a priori des deux informations (IT et SPI), pour améliorer le critère de qualité. Pour cela, il considère une mesure "floue" de la "propension à la saturation" Fn (x) qui donne des valeurs comprises entre 0 et 1.

β α+ α β

= ( ') ( ')

)

'

,

'

(IT SPI F IT F SPI

I

mix n n [8.13] avec Fn (x) = (1 + tanh x) / 2 [8.14]

IT' et SPI' étant les valeurs centrées réduites des indices sur le bassin versant.

La qualité de détermination s'en ressent. Par exemple pour des poids identiques α=β=1, on obtient des critères de qualité augmentés et plus stables (figure 8.9).

Figure 8.9 : combinaison des informations radar et topographiques

C’est un mélange a priori, et il permet l’amélioration des prédictions spatialisées de TOPMODEL. Par ailleurs cette information spatialisée « floue » peut être utilisée dans l’assimilation de TOPMODEL pour en améliorer les prédictions numériques, comme indiqué ci-après. 57 % 61 % 63 % Indice topographique Indice radar 1992 α =β poids identiques 27/03/92 15/02/92 Terrain IT SPI IT > 10,70 IT > 12,05 SPI < 0,90 SPI < 0,74 SAT 46 SAT 87 IT et SPI IT > 9.9 et SPI <1.30

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

8b.3 ASSIMILATION DE L’INFORMATION RADAR SUSCEPTIBLE D’AMELIORER LES PREDICTIONS DU MODELE.

La partie la plus originale de cette recherche est certainement celle qui correspond à l'assimilation de l’information zone saturée dans TOPMODEL.

Une des réflexions de base concerne la paramétrisation des modèles. On sait que les modèles hydrologiques peuvent donner des résultats de qualité numérique comparables avec des jeux de paramètres complètement différents. TOPMODEL, malgré son faible nombre de paramètres, n'échappe pas à la règle. On parle alors d'équifinalité des jeux-solutions, ensemble de paramétrisations de même qualité numérique (Beven, 1989).

Sur le bassin du Coët Dan, en réduisant les plages de paramètres aux valeurs physiquement raisonnables (tableau 8.4) ont été définis 10000 jeux aléatoires par une méthode de Monte Carlo. Ces jeux ont donné lieu à 10000 simulations de TOPMODEL, classées avec le critère d'efficience de Nash selon un travail en commun réalisé à l'université de Lancaster (Franks et al., 1998).

Paramètres Min Max

symbôle unité signification

T0 m1 m2 SRMAX Td CHV (loge - m²h -1 ) (m) (m) (m) (hm-1) (mh-1) Transmissivité latérale

Pente de récession (si Q<seuil) Pente de récession (si Q>seuil Déficit maximal de la zone racinaire Constante de temps

Vitesse de l'eau dans le ruisseau -1 0,001 0,015 0,0 0 1000 5 0,015 0,035 0,2 50 7000 Tableau 8.4. plages de variation des paramètres

On remarque que les saturations effectives sur le bassin ne sont pas liées au critère de Nash : un excellent résultat (Nash > 0.85) peut être obtenu aussi bien avec des saturations de 10% (valeurs proches du terrain) qu'avec seulement 2% (figure 8.10).

Figure 8.10 Fraction saturée prédite par TOPMODEL et efficience de Nash (bassin du Coët Dan à Naizin)

Les questions de recherche visent à réduire la gamme des solutions possibles en s'intéressant à la cohérence interne entre prédictions et observations hydrologiques locales. Un travail en ce sens est effectué à l'université de Lancaster, à travers la Méthode GLUE Generalised Likelihood Uncertainty Estimation (Beven et Binley, 1992). Cette méthode donne une alternative stochastique à la calibration pour la validation des modèles.

Elle permet de gérer la multiplicité des jeux-solutions acceptables, en particulier d'affecter à chaque jeu solution Θi un intervalle de confiance.

0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.83 0.84 0.85 0.86 0.87 0.88 efficience

III Relations spatiales et évolutions temporelles

Chapitre 8b Dynamique de l’humidité des sols

Le travail en commun (Franks et al., 1998) sur le Naizin a été basé sur la recherche d'une meilleure prédiction du modèle par assimilation des zones saturées : ce travail suit les étapes suivantes :

sélection des meilleures paramétrisations en termes de critère de Nash (10% soit 1000

jeux solutions)

assimilation les zones saturées par la formule de Bayes avec

Y superficie du terrain saturé au 15.02.1992

Lo(Θi ) : mesure de vraisemblance initiale associée à la paramétrisation Θi

L1(Yi ) : mesure de vraisemblance concernant la simulation de Y par la paramétrisation Θi L1(Θi|Y) : mesure de vraisemblance finale associée à la paramétrisation Θi compte tenu de Y C constante de normalisation

Figure 8.11 : réduction de la plage du paramètre To

On retient donc uniquement les paramétrisations de meilleure vraisemblance.

Ceci permet en particulier de réduire considérablement la variabilité du paramètre To (figure 8.11).

L'utilisation d'un grand nombre de jeux solutions permet de caractériser chaque point de l'espace par une mesure floue donnant sa probabilité d'être saturée ; on peut en particulier comparer les solutions sans apprentissage (toutes les meilleures paramétrisations) et celles retenues après apprentissage et assimilation de la superficie saturée (figure 8.12).

Figure 8.12. Effet de l'assimilation de la superficie saturée sur la mesure de la probabilité de saturation

Ces solutions permettent une avancée intéressante dans le domaine de la compréhension de phénomènes et des modélisations par deux aspects : la caractérisation spatiale des processus hydrologiques ainsi que l'apport d'une réponse spatialisée au problème d’équifinalité.

( Y) L(Y ) ( )L C

LΘ

i

| =

1

i 0

Θ

i

/

ln T0 (m²/h)

Vraisemblance

normalisée Assimilation des

zones saturées ln T0 (m²/h) efficience Après assimilation des zones