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Mode d’action des molécules odorantes :

Dans le document Les parfums : fabrication et santé. (Page 123-129)

Huile déterpenée

V. Perception des molécules odorantes :

5.2. Les molécules odorantes :

5.2.3. Mode d’action des molécules odorantes :

Une des propriétés remarquables du système olfactif est sa très grande capacité de reconnaissance de molécules différentes. On estime à 400 000, le nombre de composés ayant un pouvoir odorant et détectable par le système olfactif humain. La grande diversité des molécules odorantes constituant un sérieux problème dans l’analyse des réponses des récepteurs protéiniques [21].

Les études modernes sur les mécanismes biologiques de l’olfaction n’ont pris leur essor que dans les années 1980 et ont entamé une ère nouvelle, sanctionnée par le prix Nobel de médecine et de physiologie, attribué à Linda Buck et à Richard Axel en 2004 pour la découverte des récepteurs olfactifs marquant ainsi clairement les progrès décisifs accomplis. Il a ainsi été formellement démontré que la perception des molécules odorantes implique des interactions biochimiques reposant sur la complémentarité structurale de molécules, contrairement à la vision et à l’audition, qui procèdent de phénomènes de nature vibratoire.

La question est donc de comprendre comment l’odorant, qui est une molécule chimique pénétrant dans la cavité nasale, induit une sensation, qui est l’odeur. Avant que l’information soit traitée par le système nerveux central, ce qui implique un passage par les bulbes olfactifs et différentes aires corticales, la première étape concerne le codage dit périphérique, qui a lieu au niveau des cils des neurones sensoriels de l’épithélium olfactif. Cette première étape de la détection olfactive réside dans l’interaction des odorants avec des protéines enchâssées dans la membrane de ces cils, les récepteurs olfactifs. Le neurone olfactif transforme le signal chimique en un signal biochimique, puis, finalement, en signal électrique (influx nerveux) [69].

Linda Buck et Richard Axel ont été à l’origine de la démonstration que les RO appartiennent à la grande famille des protéines de type GPCR (« G protein-coupled receptor ») (figure 35). Ces protéines sont connues pour permettre la communication chimique entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule [23]. La surprise de leur découverte fut moins la nature que le nombre de gènes de récepteurs olfactifs, un millier chez les Rongeurs, qui constituent la plus grande famille multigénique, représentant de 2 à 4% du génome. Ce nombre d’environ 350 seulement chez l’être humain est cependant bien inférieur à celui des molécules odorantes [69].

Les GPCR constituent une très vaste famille de protéines membranaires qui partagent un mécanisme de transduction commun, impliquant une protéine G hétérotrimérique et une enzyme effectrice (phospholipase C, adénylate cyclase, etc.) [70]. Elles reçoivent le « signal chimique » à l’extérieur de la cellule et le transfèrent à l’intérieur en activant la protéine G

ioniques de la cellule. Le flux d’ions qui en résulte entraîne une modification de l’état de polarisation de la membrane. Lorsque cette dépolarisation est suffisante, elle provoque la transmission de l’influx nerveux par l’intermédiaire de l’axone vers les glomérules qui constituent, le premier niveau d’intégration du signal olfactif (figure 36).

Certaines protéines de liaisons des odeurs « odorant binding proteins » (OBP) ou « odorant transport proteins » (OTP), sont capables de se lier à certaines molécules odorantes et faciliteraient le transport des moins hydrosolubles d’entre elles dans le mucus. Ces protéines, présentes dans le mucus qui recouvre l’épithélium olfactif, font partie de la famille plus générale des protéines de transport que l’on retrouve notamment dans de nombreux fluides physiologiques. Au-delà de ce rôle de solubilisation des odorants et de leur transport, les OTP pourraient jouer un rôle dans l’interaction proprement dite entre l’odorant et le récepteur, par exemple comme filtre, afin d’éviter une saturation des récepteurs, ou encore en menant les odorants vers les récepteurs pour lesquels leur affinité est la plus grande.

De par leur nature transmembranaire, les récepteurs olfactifs sont difficiles à identifier lors de l’analyse de tissus biologiques. En conséquence, Axel et Buck ont utilisé une approche détournée qui repose sur l’identification des séquences d’ADN susceptibles de produire ce type de protéines dans l’épithélium olfactif. La séquence typique des GPCR étant connue, l’ADN codant pour ce type de protéines peut en être déduit et ainsi décelé lors de l’analyse. L’existence d’une grande famille de gènes exprimant cette nouvelle famille de protéines appartenant à la classe des GPCR a donc été identifiée, révélant de facto la présence de ces protéines dans l’épithélium olfactif. Les bases moléculaires des phénomènes de l’olfaction se trouvaient ainsi posées, ouvrant la voie à d’autres études plus précises sur la localisation, la structure et l’affinité des récepteurs olfactifs vis-à-vis de différents ligands [23].

Figure 35 : Schéma simplifié d’une protéine

transmembranaire [23].

Les GPCR sont des protéines insérées dans la membrane cellulaire, d’où leur nom de protéines transmembranaires. L

a membrane, représentée en bleu, est constituée d’une double couche de molécules à longues chaînes hydrophobes et têtes hydrophiles. Les GPCR ont une structure formée de sept hélices α reliées entre elles par six boucles, dont trois sont situées à l’extérieur et trois autres à l’intérieur de la cellule. L’extrémité N terminale se trouve à l’extérieur de la cellule. Elles sont associées à une protéine intracellulaire dite protéine G.

Figure 36 : Description simplifiée du processus

de transduction au niveau transmembranaire [23].

Les molécules odorantes (o), présentes dans l’air, sont captées par les protéines de transport (OT), puis conduites à travers le mucus vers le récepteur olfactif transmembranaire (OR). Ce récepteur active alors une protéine G* intracellulaire (G) qui libère sa sous-unité activée (Ga). Celle-ci va initier la production de messagers chimiques, notamment l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc*) à partir de l’adénosine triphosphate (ATP), via l’activation de l’adénylate cyclase* (AC et sa forme activée ACa). La cascade d’événements se poursuit par la modification de l’état de polarisation de la membrane, effectuée par échange d’ions Cl-,Na+ et Ca2+.

Bien que seuls quelques RO aient été étudiés, ces différentes études ont permis de proposer un modèle de codage combinatoire (figure 36) dans lequel un récepteur donné reconnaît de nombreux odorants et un odorant est capable d’activer différents récepteurs [69].

Figure 37 : Modèle de codage combinatoire dans lequel un odorant est reconnu par de multiples

récepteurs et un récepteur reconnaît une large gamme d’odorant [70].

Il s’avère que le codage olfactif est encore plus complexe, car l’activation par les agonistes peut être perturbée par des odorants, qui se comportent comme des inhibiteurs. En étudiant les ligands du récepteur humain hOR1G1 (Figure 38), on peut constater que des molécules dotées des mêmes fonctions chimiques que les activateurs forts, mais comportant six carbones au lieu de neuf, inhibent les réponses du récepteur : tout se passe comme si ces molécules se fixaient à l’entrée d’un site actif sans être suffisamment volumineuses pour provoquer le changement de conformation nécessaire à la transduction du signal. Certaines molécules peuvent avoir un rôle activateur sur un récepteur et inhibiteur sur un autre [70].

Figure 38 : Représentation schématique de l’activation d’un récepteur olfactif par un odorant (O),

agoniste entraînant un changement de conformation permettant l’interaction avec la protéine G, et de son inhibition par un antagoniste. Les odorants qui activent le récepteur hOR1G1 (RO) et ses

inhibiteurs (i) illustrent, à titre d’exemple, la parenté structurale entre ces deux ensembles de molécules [69].

L’élaboration de l’odeur repose donc sur l’interaction odorant–récepteur, fondée sur une reconnaissance de taille, de forme et de fonction chimique, point de départ du codage de l’information sensorielle. Le système repose ainsi nécessairement sur un codage combinatoire, puisqu’il n’y a que 350 RO pour des myriades d’odorants : un récepteur donné reconnaît de nombreux odorants et tout odorant peut servir de ligand pour de nombreux récepteurs. Ce système permet la détection de molécules qui n’ont jamais encore existé dans la nature, ce qui est notamment le cas des nouvelles molécules produites par la chimie de synthèse [70].

neurones qui expriment le même récepteur. Il existe donc une carte d’activation neuronale propre à chaque molécule ou mélange d’odorants au niveau du bulbe olfactif [23].

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