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4.2 Distorsions fortes & profil dans MS2137-23

4.2.2 Mod´elisation des arcs multiples

La mod´elisation des syst`emes d’arcs multiples est bas´ee sur l’unicit´e de la source respon-sable des images multiples ponctuelles. En utilisant un mod`ele de lentille ψ(~θ; P) fonction d’un vecteur de param`etres P, on peut d´efinir un χ2 `a minimiser dans le plan image (ou dans le plan source). La d´efinition du χ2, les ´etapes de la minimisation et les m´ethodes d’estimation des erreurs sur la valeur des param`etres du meilleur mod`ele sont pr´esent´es dans l’appendice C.1.

Je pr´esente toutefois dans l’appendice C.2 une m´ethode qui permet d’exploiter l’infor-mation sur la brillance de surface de chaque pixel pour d´eduire `a la fois le mod`ele de la lentille et la brillance de surface de la source. Une telle technique n’a pas encore ´et´e utilis´ee dans toute sa g´en´eralit´e dans MS2137-23 car `a l’´epoque de ce travail je n’avais pas encore developp´e un tel outil de mod´elisation. Nous avons plutˆot essay´e d’associer des points conjugu´es plus brillants `a l’int´erieur des arcs. Plus pr´ecis´ement, en identifiant des zones caract´eristiques dans les arcs (r´egions Hii, bulbe, trous...), nous sommes capables de traiter chacune d’elles comme une source nouvelle. Le panneau en-bas `a gauche de la figure 4.1 montre l’ensemble des 26 points caract´eristiques r´epartis entre le syst`eme radial et et le syst`eme tangentiel. Dans ce cas, on peut dire qu’il y a dans le syst`eme tangentiel 13 points imag´es 5 fois (dans A01, A02, A2, A4 et une hypoth´etique cinqui`eme image au centre (cf section 4.5)) et 6 points imag´es 3 fois (dans A2, A4 et la cinqui`eme image). De plus, les correspondances dans le syst`eme radial donnent 6 points imag´es 3 fois5.

Dans notre premier travail (G03), nous avons utilis´e le programme lensmodel6 pour inverser le probl`eme et d´eterminer le meilleur ajustement P0du potentiel. Plus r´ecemment, j’ai impl´ement´e la plupart des mod`eles propos´es par lensmodel dans mon propre code. Ses principales caract´eristiques sont pr´esent´ees dans l’annexe C.1. Mon programme est utilis´e dans les sections 4.3 et 4.4.2 lorsque nous couplons les contraintes fournies par les arcs multiples aux donn´ees de cisaillement faible et la cin´ematique respectivement.

Le nouveau choix de la mod´elisation de MS2137-23 s’´ecarte sensiblement de la mod´elisation initiale dans G03 car nous sommes oblig´es de consid´erer deux composantes : la masse stel-laire et la masse noire (+X). Dans les deux mod`eles consid´er´es, nous int´egrons la galaxie cD centrale `a travers un profil de Hernquist dont le rayon caract´eristique est fix´e par le profil de brillance rs∗ = 11.1 h−170 kpc = 2.4′′. Pour les ´etoiles, le seul param`etre libre est le rapport mass/luminosit´e stellaire tel que M ≡ ΥVLV. Nous consid´erons successivement les deux profils de densit´e suivants pour la mati`ere noire :

– un profil NFW de la forme ρ(r) = ρsx−1(1 + x)−2 avec x = r/rs (cf annexe B.3). Dans G03, nous avions consid´er´e une distribution de masse projet´ee elliptique κ(~θ) = κ(ξ) avec ξ2 = θ2

1 + θ2

2/q2 alors qu’ici, nous utilisons directement un potentiel elliptique ψ = ψ(ξ). La premi`ere m´ethode est plus r´ealiste car la seconde peut conduire `a une convergence κ non-physique si l’ellipticit´e du potentiel est trop importante. Cepen-dant, nous allons v´erifier que celle-ci est suffisamment faible pour que l’approximation soit raisonnable (Golse & Kneib 2002; Meneghetti et al. 2003). Cette seconde approche

5Une grande partie de l’arc A5 n’est en fait imag´ee qu’une fois et ne peut pas ˆetre exploit´ee.

est justifi´ee car l’introduction d’un potentiel elliptique est num´eriquement beaucoup moins lourde que l’utilisation d’un κ elliptique dans le cas des profils NFW. Outre le rapport d’axe q et l’orientation du potentiel P A, le profil NFW a deux autres param`etres libres : κs et rs que nous reconvertirons en quantit´es plus famili`eres : la masse viriel M200, le param`etre de concentration c et le rayon de viriel r200.

– un profil plus g´en´eral que nous appellerons “cusp” de la forme ρ(r) = ρsx−α¡

1 + x2¢(α−β)/2

, (4.3)

qui inclue le profil isotherme adouci utilis´e dans G03. Ce profil diff`ere l´eg`erement des profils universels du type NFW ou Moore (Moore et al. 1998) `a cause de la rapide transition (r2) entre une pente interne α et une pente externe β. Mu˜noz et al. (2001) donnent les principales propri´et´es de lentille d’un tel profil. Les calculs num´eriques deviennent assez simples grˆace `a des approximations efficaces (Chae et al. 1998; Chae 2002). Ce profil poss`ede lui aussi un rayon d’´echelle rs et une convergence caract´eristique κs = ρsrscrit.

En r´esum´e, le mod`ele NFW de r´ef´erence poss`ede 5 param`etres libres : κs, rs, q, P A et M. Le mod`ele “cusp” poss`ede ces mˆemes param`etres auxquels s’ajoutent les pentes interne α et externe β. Le mod`ele isotherme adouci ´etudi´e dans G03 correspond au cas α = 0 et β = 2.

Le tableau 4.1 pr´esente les param`etres les plus int´eressants qui optimisent l’ajustement aux donn´ees issues des 26 points multiples dans les arcs et leurs contre-images respectives. Les erreurs (pour un niveau de confiance de 95.4%) sont d´eduites de l’analyse de chaˆınes de Markov (cf annexe C.1). ΥV est d´eduit de Met de la valeur LV = 4.77±0.44×1011h−270 L¯. Le panneau en-bas `a droite de la figure 4.1 ainsi que la figure C.2 dans l’annexe C.1 illustrent la qualit´e de l’ajustement avec le mod`ele NFW. Pour les deux mod`eles, on trouve une orientation de la composante mati`ere noire l´eg`erement d´ecal´ee par rapport `a la lumi`ere (∆PA ≈ 11 deg, voir fin de la section 4.2.1). Dans le cas NFW, on trouve un rapport d’axe pour le potentiel q = 0.899 ± 0.004 et dans le cas “cusp” on obtient q = 0.765 ± 0.007. Ces deux valeurs diff`erent car l’ellipticit´e du potentiel n’est pas ´egale `a celle de la distribution de masse projet´ee7.

rs M∗ ΥV α β r200 M200 c χ2/ν h−170 kpc 1012h−170 h70(M/L)¯ h−170 kpc 1014h−170 “cusp” 56+16 −10 3.4 ± 0.6 7.2+2.0 −1.6 0.89+0.10 −0.08 2.26+0.22 −0.14 - - - 0.9 NFW 126+14−12 1.1+0.3−0.4 2.3 ± 0.9 - - 1239+68−60 2.2+0.4−0.3 9.9 ± 0.5 1.2

Tab. 4.1: R´esultats de l’ajustement des mod`eles NFW et “cusp” sur les donn´ees de distorsions fortes seulement (les images multiples). Les erreurs sont donn´ees `a 2σ. Les d´eg´en´erescences entre les param`etres sont illustr´ees dans la figure 4.5.

Les r´esultats de l’ajustement pour les deux types de profil sont repr´esent´es sur la figure 4.4. Les deux profils de masse projet´ee sont similaires entre 10 et 200 h−170 kpc, c’est-`a-dire sur la zone converte par les arcs multiples. Evidemment, cela signifie que le potentiel est

7En toute rigueur, quand l’un est elliptique, l’autre ne l’est pas strictement (Kneib 1993; Golse & Kneib 2002; Meneghetti et al. 2003).

bien mod´elis´e dans les r´egions qui sont sond´ees par les arcs. Les deux profils donnent un ajustement de qualit´e comparable avec χ2/ν = 0.9 pour le profil “cusp” et χ2/ν = 1.2 pour le profil NFW. Il n’est cependant pas ´etonnant que le profil NFW aie un χ2 sup´erieur puisque le profil “cusp” a deux param`etres libres de plus. Les diff´erences entre les deux mod`eles apparaissent en-de¸ca de 10 h−170 kpc (2.4′′) et au-del`a du megaparsec (3.6). Cela illustre bien qu’il faut compl´eter la mod´elisation par d’autres informations au centre ou `a grand rayon. Je propose donc dans la section 4.3 d’utiliser le cisaillement faible `a grand rayon 200 ≥ r ≥ 1000 h−170 kpc pour mesurer le profil de densit´e dans les zones externes. Dans le mˆeme esprit, la section 4.4 montre comment on peut utiliser la dynamique des ´etoiles au centre de la galaxie cD pour contraindre les r´egions les plus centrales. Egalement, la section 4.5 propose d’utiliser la cinqui`eme image d´esamplifi´ee associ´ee au syst`eme tangentiel comme une information originale sur le profil de densit´e dans les quelques kiloparsecs centraux.

Fig. 4.4: Profil de masse projet´e pour les deux mod`eles “cusp” (noir) et NFW (rouge). En trait plein le profil de masse totale et en tirets la composante mati`ere noire seulement. La position des arcs radiaux et tangentiels est repr´esent´e par un R et un T respectivement. Les 2 profils sont ressemblants sur la zone sond´ee par les arcs, i.e. de 20 `a 200 kpc. Les barres d’erreur vertes illustrent les contraintes issues du cisaillement faible. Les param`etres du mod`ele ne sont cependant pas ajust´es sur ces mesures. Ces points repr´esentent la ζ-statistic et sont en fait une limite inf´erieure au profil de masse. Noter enfin que les barres d’erreur sont corr´el´ees. Voir texte `a la section 4.3.

Le mod`ele NFW est consistant avec les ajustements des donn´ees X de Allen et al. (2001). Ces auteurs trouvent c = 8.71+1.22−0.92, rs = 160 ± 30 h−170 kpc et r200 = 1390+490−380. Les valeurs report´ees dans le tableau 4.1 sont statistiquement consistantes avec celles de Allen et al. On remarque cependant que les incertitudes “lentille” sont beaucoup plus petites que les incertitudes X. Ce qui est une illustration de la pr´ecision des observations d’arcs multiples au centre des amas. Le mod`ele donne une masse stellaire M = 1.1 ± 0.4 × 1012h−170M¯ ou encore un rapport M/L visible ΥV = 2.3 ± 0.9 h70(M/L)¯. Cette valeur est en bon

accord avec un scenario d’´evolution stellaire classique pour une population d’´etoiles ag´ees de 3.5 `a 5 milliards d’ann´ees.

Le mod`ele “cusp” pr´esente une pente centrale α = 0.89+0.10−0.08. Cette valeur est en accord avec le profil universel NFW, quoique les profils ne soient pas strictement ´equivalents : la transition entre la pente interne α et la pente externe β est plus rapide avec le profil “cusp”. On observe aussi une forte contribution de la composante stellaire au centre. Toutefois, pour le mod`ele “cusp”, le rapport masse/luminosit´e stellaire atteind ΥV = 7.2+2.0−1.6h70(M/L)¯, difficilement conciliable avec une population d’´etoiles ag´ees de moins de 14 milliards d’ann´ees. Dans ce mod`ele, la pente externe, β = 2.26+0.22−0.14 est presque isotherme. Noter toutefois que le profil NFW, avec une variation externe en r−3, est aussi compatible avec les observations.