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L’exc`es syst´ematique d’alignement tangentiel des arclets porte commun´ement le nom de cisaillement gravitationnel ou d’effet de “shear”. L’hypoth`ese sous-jacente pour la mise en œuvre de l’interpr´etation du “shear” est qu’en moyenne les galaxies d’arri`ere-plan n’ont pas d’orientation privil´egi´ee et sont d´ecorr´el´ees les unes des autres (isotropie du plan source). Nous discuterons plus loin la validit´e de cette hypoth`ese. Il se peut aussi que l’orientation des galaxies soit artificiellement polaris´ee par des effets observationnels parasites coh´erents. De tel effets sont en fait pr´esents et une grande partie du travail de r´eduction de donn´ees effectu´e actuellement a pour objectif de les contrˆoler et les corriger. Ces probl`emes techniques sont abord´es dans l’appendice D. L’identification des sources et des lentilles est une difficult´e additionnelle li´ee `a la mesure du signal de cisaillement gravitationnel. Pour cela, on est contraint d’avoir une information relativement pr´ecise sur la distribution en d´ecalage spectral des galaxies afin de d´eterminer “lesquelles cr´eent et lesquelles portent le signal”. C’est pour cela que le d´eveloppement des techniques li´ees au cisaillement gravitationnel s’est rapidement rapproch´e de l’essor des m´ethodes de “red-shifts photom´etriques” car la plupart des objets faibles qui portent le signal de cisaillement sont hors de port´ee des mesures spectroscopiques.

Il est possible de relier le cisaillement gravitationnel `a la distribution de masse qui l’a g´en´er´e. Kaiser & Squires (1993) ´etablissent la relation entre la distribution

bidimension-2il s’agit d’une limite sup´erieure car les effets observationnels li´es `a la difficult´e de d´etecter un arc ne sont pas prises en compte ici (faible brillance de surface, encombrement du aux galaxies dans l’amas d´eflecteur...).

nelle de masse κ(~θ) et le cisaillement γ(~θ) et reconstruisent la premi`ere carte de masse `a partir des ellipticit´es induites sur les objets d’arri`ere-plan. A partir de ce moment, il de-vient possible de mesurer le contenu total en masse des amas de galaxies ind´ependemment de la nature et de l’´etat dynamique de cette masse. Les reconstructions de masse ont connu un important d´eveloppement tant au niveau des observations qu’au niveau th´eorique. Dans le dernier cas citons l’´emergence de m´ethodes plus sophistiqu´ees qui tiennent compte de la taille finie des champs sur lesquels on reconstruit la carte de masse, mais aussi des effets non-lin´eaires4. D’importants efforts th´eoriques ont ´et´e entrepris pour minimiser le bruit des reconstructions (r´egularisation, maximum de vraisemblance, maximum d’entro-pie, filtrages de Wiener, etc...). Outre la m´ethode originale de Kaiser & Squires, citons les travaux de Bartelmann et al. (1996), Seitz et al. (1998), Lombardi & Bertin (1998b,a) ou encore Marshall et al. (2002). D’un point de vue des observations, depuis la d´etection pionni`ere de Tyson et al. (1990), un grand nombre de cartes de masse ont ´et´e construites dans des amas de galaxies avec des donn´ees sol (e.g. Clowe & Schneider 2001, 2002) ou spatiales (Hoekstra et al. 1998, 2000), mais aussi dans des champs en apparence vides (Wilson et al. 2001) ou dans des superamas de galaxies (Kaiser et al. 1998; Gray et al. 2002). Dans tous ces cas et dans bien d’autres non cit´es ici, les auteurs se sont efforc´es de comparer la distribution de mati`ere, sombre pour l’essentiel, `a la distribution de mati`ere baryonique visible trac´ee par les galaxies appartenant aux structures. Nous reviendrons longuement sur cet aspect au chapitre 3. Quand cela est possible, il est utile aussi de comparer les reconstructions de masse obtenues `a la distribution en ´emissivit´e X. Cette derni`ere se r´eduit n´ecessairement aux r´egions centrales avec les contrastes de densit´e les plus forts alors que les cartes de masse peuvent tracer la masse jusqu’`a quelques mega-parsecs du centre d’un amas (Kneib et al. 2003).

Sous l’hypoth`ese de lentilles `a sym´etrie circulaire, Fahlman et al. (1994) introduisent la ζ-statistique qui n’est autre que l’expression du contraste de densit´e (densitom´etrie) en fonction de la composante tangentielle du cisaillement (voir appendice D). Ceci permet de mesurer le profil radial de masse et de le comparer par exemple `a la distribution de lumi`ere des galaxies de l’amas mais aussi `a la distribution en masse d´eduite des observations X. Allen (1998) et Wu (2000) montr`erent qu’il y a en g´en´eral un bon accord entre ces deux types de mesures, les quelques d´esaccords pouvant venir de mauvaises hypoth`eses pour la physique du gaz intra-amas et son ´equilibre dynamique (courants de refroidissements, chocs) (Clowe & Schneider 2001, 2002; Kneib et al. 2003; Markevitch et al. 2004). Mellier (1999) fait un inventaire des mesures de masse d’amas d´eduites du cisaillement gravita-tionnel. Sur un ´echantillon d’environ 20 amas, un rapport masse sur luminosit´e moyen semble converger sur des valeurs entre 150 et 300 h70(M/L)¯. Ce qui a pour cons´equence, entre-autres, de confirmer le faible contenu en masse de l’univers Ωm .0.3 si, bien-sˆur, le rapport M/L des amas de galaxies est repr´esentatif de celui de l’univers dans son ensemble. Deux d´eveloppements de l’analyse du cisaillement faible ont connu un essor exceptionnel ces derni`eres ann´ees. Tous deux se situent `a la limite du p´erim`etre de cet expos´e mais ont inspir´e ce travail tant par les techniques d’analyse des catalogues de galaxies avec mesure

4lorsqu’on essaie de reconstruire la distribution de masse pr`es des zones centrales des amas o`u la relation entre cisaillement et densit´e de masse projet´ee n’est plus lin´eaire

d’ellipticit´es, correction d’effets observationnels li´es `a la PSF, la photom´etrie, mesures de corr´elations que par le sujet cosmologique abord´e.

Le premier s’attache `a mesurer le signal de cisaillement gravitationnel du aux galaxies d’avant-plan sur les galaxies plus lointaines. Il s’agit l`a d’un effet extr`emement faible qu’il convient de traiter de fa¸con statistique. Le nom consacr´e pour d´esigner ce type d’analyse est le “Galaxy-Galaxy Lensing”. Nous parlerons ici de corr´elation cisaillement-galaxie. En mesurant l’exc`es de polarisation des galaxies lointaines perpendiculairement `a l’axe qui les relie `a une galaxie proche, on parvient `a contraindre le profil de densit´e des galaxies. Plus rigoureusement, on mesure en fait la fonction de corr´elation cisaillement - densit´e d’objets d’avant-plan convolu´ee par le profil de densit´e des galaxies lentilles. La premi`ere d´etection est due `a Brainerd et al. (1996). Les r´esultats les plus probants `a ce jour sont ceux de Hoekstra et al. (2004); Kleinheinrich et al. (2004); Seljak et al. (2004). Ils posent des contraintes fortes sur le profil de densit´e des halos de galaxies, sur leur forme5 et sur leur relation avec la lumi`ere et/ou la densit´e num´erique de galaxies. En d’autres termes, la corr´elation cisaillement-galaxie est capable de donner des contraintes fortes sur le biais des galaxies. Elle permet, par l`a-mˆeme, de tester les mod`eles non-lin´eaires (mod`eles de halos entre-autres) de croissance des structures et de formation des galaxies. Nous serons donc amen´es `a reparler de corr´elations cisaillement-galaxies au chapitre 3.

Enfin le second champ d’´etude qui s’ouvre `a l’analyse du cisaillement gravitationnel faible s’oriente vers les ´echelles plus grandes que les amas de galaxies ou les superamas. En mesurant la coh´erence des champs de cisaillement gravitationnels sur des ´echelles angu-laires d´epassant bientˆot quelques degr´es, on parvient `a contraindre le spectre de puissance des fluctuations de densit´e de mati`ere noire sans avoir `a se soucier d’une quelconque re-lation de biais (Blandford et al. 1991; Miralda-Escud´e 1991b; Kaiser 1992; Jain & Seljak 1997; Bernardeau et al. 1997). Les contraintes sur les param`etres cosmologiques peuvent ˆetre fortes et compl´ementaires des mesures sur le fond diffus cosmologique (cf section 1.1). Les mesures de cisaillement cosmique (“cosmic shear”) font en effet intervenir tous les contrastes de densit´e entre les galaxies sources (`a zs ≈ 1) et l’observateur. Les derniers ´etats d’avancement de la croissance des structures sont ainsi sond´es. Voir van Waerbeke & Mellier (2003) ou R´efr´egier (2003) pour de revues r´ecentes. L’int´erˆet majeur que sus-citent ces questions justifie l’important effort observationnel et informatique pour traiter des images toujours plus profondes et couvrant une zone du ciel toujours plus grande. Les derniers r´esultats de van Waerbeke et al. (2004) sur le relev´e VIRMOS-DESCART donnent pour les param`etres cosmologiques les mieux contraints σ8 = (0.83 ± 0.07)¡m

0.3 ¢−0.49

, avec σ8 l’amplitude du spectre de puissance. Le relev´e CFHTLS, en cours de r´ealisation, s’ins-crit parfaitement dans cette optique et devrait donner prochainement des contraintes fortes sur la normalisation du spectre de puissance σ8, sur Ωm ainsi que sur l’´equation d’´etat de l’´energie noire.

Notons cependant qu’une condition pr´ealable `a l’interpr´etation des observations de ci-saillement gravitationnel, est la compl`ete maˆıtrise des effets syst´ematiques jusqu’`a des valeurs tr`es inf´erieures au pourcent. Plus les signaux que l’on esp`ere mesurer sont faibles

5Hoekstra et al. montrent que l’ellipticit´e des halos de mati`ere noire n’est pas nulle et que son orien-tation est corr´el´ee `a celle de la galaxie contenue dans le halo.

plus le contrˆole des syst´ematiques est pr´epond´erant. A l’heure actuelle ces effets sont dominants puisque la profondeur et la taille des catalogues, et encore plus les observa-tions spatiales viendront `a bout du bruit statistique. Les effets syst´ematiques peuvent ˆetre class´es en deux cat´egories : une polarisation coh´erente d’origine instrumentale ou la corr´elation intrins`eque et physique des ellipticit´es des galaxies dans les grandes structures de l’univers. La premi`ere source pose les plus gros probl`emes. En d´ecomposant le champ de cisaillement en une partie issue d’un gradient (mode E) et une autre issue d’un rotationnel (mode B), lequel ne peut pas avoir une origine gravitationnelle, on peut quand-mˆeme se rendre compte de la quantit´e d’effets syst´ematiques non-maˆıtris´es dans le champ ´etudi´e. Plusieurs origines possibles de ces biais sont en cours d’´etude. On r´eussit `a en supprimer une partie. Ces probl`emes impliquent l’optique et le guidage des t´elescopes, les condi-tions atmosph´eriques pour les donn´ees sol, la taille du champ, la qualit´e photom´etrique des d´etecteurs CCD, le masquages des d´efauts sur les images (´etoiles brillantes satur´ees, ast´ero¨ıdes...), les m´ethodes de coaddition des poses individuelles en une image finale `a haut rapport signal/bruit, l’astrom´etrie, la connaissance et la correction de la PSF, etc... L’autre source de syst´ematiques est la possible corr´elation intrins`eque entre les ellipti-cit´es de galaxies physiquement proches. Cette hypoth`ese a ´et´e avanc´ee pour expliquer la pr´esence de modes B dans les images grand champ destin´ees `a la mesure du cisaillement cosmologique (Jing 2002; King & Schneider 2003; Heymans et al. 2004). Apr`es une ´etude plus quantitative de ces effets, on s’est rendu compte qu’ils sont faibles `a petite ´echelle angulaire et n´egligeables `a plus grande ´echelle. Notons qu’une m´ethode simple pour mi-nimiser encore ces effets de corr´elations intrins`eques, est de sous-pond´erer les paires de galaxies physiquement proches l’une de l’autre. Il faut pour cela avoir une information sur le d´ecalage spectral des sources et des lentilles. On met `a nouveau le doigt sur l’int´erˆet des d´ecalages spectraux photom´etriques.