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A travers l’ensemble de ce chapitre, nous avons pu constater plusieurs aspects des nom-breuses potentialit´es du cisaillement gravitationnel pour ´etudier la structuration de l’uni-vers. Parce que le cisaillement donne directement acc`es `a la distribution de mati`ere noire, il permet une comparaison unique avec la distribution des composantes visibles depuis quelques dizaines de kiloparsecs jusqu’`a une dizaine de megaparsecs. Cette cartographie a un caract`ere unique dans le sens qu’elle n’est pas biais´ee par le contenu en baryons des structures et encore moins par leurs propri´et´es ´emissives.

Une fois le travail de pr´eparation des catalogues de sources accompli dans le champ du superamas MS0302+17 et dans le champ F0226-04 du relev´e CFH12k-VIRMOS, nous avons r´ealis´e des reconstructions de masse `a partir du champ de polarisation coh´erent observ´e sur les galaxies d’arri`ere-plan.

Nous avons men´e une analyse de la corr´elation mati`ere – lumi`ere dans le superamas de galaxies MS0302+17. Cette derni`ere a montr´e qu’une relation de biais lin´eaire (ou de rapport M/L constant) reproduisait bien les observations. Il semblerait qu’une valeur M/LB ≈ 300 h70(M/L)¯ ´emerge de l’analyse. En d’autre termes, “la distribution des galaxies E/SO semble tracer fid`element la masse”.

Outre l’analyse de la corr´elation masse – lumi`ere, nous avons conduit dans MS0302+17 une ´etude topologique in´edite des propri´et´es du champ de convergence d´eduit des galaxies d’arri`ere-plan et de la distribution de lumi`ere. Le but poursuivi est de mettre en ´evidence la structuration type “cosmic web” de la distribution de masse elle-mˆeme. L’analyse du

squelette des cartes conduite `a la section 3.2.3 confirme que la structuration en amas, filaments et vides bien connue dans la distribution des galaxies est bien traduite dans la distribution de la mati`ere noire. Ce r´esultat donne une bien meilleure l´egitimit´e `a l’assertion “la distribution des galaxies trace la masse” et l’assertion inverse “la masse trace la distribution de galaxies E/SO ”. Cela peut ne pas paraˆıtre surprenant au vu de l’´etude de la corr´elation mais il n’en est rien car une excellente corr´elation n’implique pas une similitude morphologique.

Cette comparaison mati`ere – lumi`ere dans le champ de MS0302+17 n’inclue pas la contribution des galaxies spirales. Cette derni`ere reste `a d´eterminer pr´ecis´ement. N´eanmoins, il est clair qu’elle doit rester sous-dominante sur des ´echelles inf´erieures `a 2 − 3 h−170 Mpc. L´egitim´es par une analyse de la topologie, les d´eveloppements de l’´etude de la corr´elation des cartes de masse et de lumi`ere sont nombreux et promus `a un avenir certain. Avec une statistique meilleure (un champ plus large que celui de MS0302) et la connaissance des distributions des galaxies E/SO et spirales, il est possible de contraindre des mod`eles plus compliqu´es de biais non-lin´eaire du type κL= bκM(1 + κM0) par exemple. Gray et al. (2002) affirment avoir observ´e des indications de stochasticit´e dans le rapport mati`ere – lumi`ere dans le superamas Abell 901/902. Notre ´etude de MS0302+17 ne donne aucun in-dice d’un tel ind´eterminisme. A titre d’exemple aussi, nous avons montr´e que les fonctions de corr´elation contiennent une information exploitable sur le profil de densit´e des galaxies lentilles. Cette approche s’apparente aux techniques de type galaxy-galaxy lensing certai-nement plus appropri´ees `a l’´etude du profil des halos de galaxies. A la fin de la section 3.2.2, nous avons signal´e que les zones les moins denses du champ de MS0302+17 pou-vaient pr´esenter des propri´et´es de biais sensiblement diff´erentes des zones les plus denses que constituent les amas, lesquels dominent l’ensemble du signal. Ce r´esultat d´epend du contenu en galaxies spirales de ces r´egions. Le champ est de toute fa¸con trop petit pour une investigation plus fine.

Enfin, sur le champ F0226-04 du relev´e CFH12k-VIRMOS, nous avons montr´e la via-bilit´e de relev´es d’amas de galaxies en cisaillement faible. Cette analyse montre que les comptages d’amas sont en tr`es bon accord avec les attentes th´eoriques. Ce travail en est encore `a ses d´ebuts et le relev´e n’a pas encore r´ev´el´e tous ses potentialit´es. Etant donn´ee la petitesse du champ, ce travail de permettra pas une exploitation directe des comptages. A terme, il aidera `a comprendre les effets de s´election des amas men´es avec des observations X ou optiques en se basant sur un ´echantillon homog`ene d’amas de galaxies situ´es entre z ≈ 0.05 et z ≈ 0.6. Les comptages attendus par le relev´e XMM-LSS (Refregier et al. 2002) semblent plus performants que le cisaillement, en particulier entre z ∼ 0.6 et z ∼ 1.1. Au-del`a les relev´es SZ prendront certainement le relais dans le futur15. N´eanmoins, il est essentiel de r´ealiser de tels relev´es en cisaillement et d’´etudier les propri´et´es d’optique gra-vitationnelle des amas d´etect´es par d’autres m´ethodes. On pourra ainsi contrˆoler le biais et s’assurer par exemple que les relations masse – temp´erature et/ou masse – luminosit´e X sur lesquelles reposent les relev´es sont v´erifi´ees `a grand d´ecalage spectral. L’analyse de la relation mati`ere – lumi`ere men´ee tout au long de ce chapitre a clairement montr´e

15voir par exemple les projets AMiBA http://www.asiaa.sinica.edu.tw/amiba, SPT http:// astro.uchicago.edu/spt/ou Planck Surveyor http://astro.estec.esa.nl/Planck/

Profil des halos

4.1 Introduction

En introduction, nous avons soulign´e l’importance de valider observationnellement les pr´edictions th´eoriques du mod`ele CDM. Dans le chapitre pr´ec´edent, nous avons commenc´e par ´etudier quelques aspects de la distribution de la mati`ere noire `a grande ´echelle. Il se trouve que les simulations num´eriques `a N-corps sont maintenant capables de pr´edire la forme et le profil de densit´e des halos de toutes tailles, depuis la masse des galaxies naines (quelques 109M¯) jusqu’aux amas de galaxies (quelques 1014− 1015M¯). Ce formidable progr`es en r´esolution de masse nous conduit naturellement `a ´etudier la structure des halos individuels avec la pr´ecision atteinte par les simulations.

Le chapitre 1 a pr´esent´e un inventaire des tests observationnels possibles mais en laissant de cˆot´e ceux faisant intervenir les lentilles gravitationnelles que nous allons aborder en d´etail maintenant. Nous avons vu que la mesure de la pente du profil de densit´e au centre des halos est un des tests les plus importants pour les r´esultats des simulations. Par exemple, les courbes de rotation des galaxies naines `a faible brillance de surface (LSB) semblent favoriser des cœurs plats alors que les simulations pr´evoient une pente r−α avec α ∼ 1 − 1.5. Cet apparent d´esaccord du CDM, parfois appel´ee le “cusp/core debate” dans la litt´erature, peut aussi ˆetre ´etudi´e avec les lentilles gravitationnelles sur d’autres types de halos. Si les observations des courbes de rotation se sont pr´ef´erentiellement focalis´ees sur les galaxies naines, cela est du au fait que la contribution des baryons (gaz+´etoiles) est quasi n´egligeable dans ces syst`emes au point que les pr´evisions des simulations faisant intervenir exclusivement la mati`ere noire deviennent moins d´ependantes de la distribution des baryons. Comme nous allons le voir par la suite, les amas de galaxies satisfont aussi `a ce crit`ere au-del`a des 30 kiloparsecs et ce n’est qu’en de¸ca que la contribution des baryons peut dominer.

Le r´egime des distorsions fortes au centre des amas de galaxies peut donner des contraintes pr´ecises sur le profil de densit´e `a diff´erentes distances radiales. La section 4.2 et l’annexe C montrent comment on parvient `a d´eduire la distribution de masse dans une lentille

forte capable de cr´eer plusieurs images tr`es d´eform´ees de la mˆeme source d’arri`ere-plan. La section 4.2 pr´esente une ´etude d´etaill´ee de MS2137-23, qui est un amas de galaxie par-ticuli`erement bien adapt´e `a l’analyse du profil radial de densit´e du halo de mati`ere noire (Gavazzi et al. 2003,not´e G03 par la suite). Dans ce travail, je mets l’accent sur la force de la contrainte apport´ee par l’existence simultan´ee d’un arc radial et d’un arc tangentiel (et leurs contre-images respectives) pour d´eterminer le profil radial de densit´e. Je fais aussi ´etat d’une possible premi`ere d´etection de la “cinqui`eme” image centrale associ´ee au syst`eme tangentiel et discute ses implications sur le profil de densit´e pour r . 5 kpc. Cet ensemble de contraintes, issues directement des distorsions fortes, est utilis´e pour mener une ´etude comparative de la qualit´e des ajustements de mod`eles NFW et de mod`eles plus g´en´eraux avec des pentes internes et externes libres.

Le cisaillement faible peut ´evidemment fournir des informations compl´ementaires sur le profil de densit´e des amas aux plus grandes ´echelles, typiquement 100 ≤ r . 1000 kpc. Outre une pente caract´eristique au centre, les simulations num´eriques pr´edisent que les halos de mati`ere noire ont un profil ρ(r) ∝ r−3 au-del`a d’un rayon caract´eristique rs de l’ordre de 100 `a 400 kpc. Les mesures en cisaillement faible ´etant beaucoup plus bruit´ees que les mesures des distorsions fortes, l’approche standard est de comparer statistique-ment les r´esultats d’ajustestatistique-ments de profils universels sur un nombre important d’amas (e.g. Clowe & Schneider 2001, 2002; Dahle et al. 2003). Il peut s’av´erer n´eanmoins plus int´eressant pour un amas donn´e de coupler une mesure externe du cisaillement faible avec les donn´ees issues des arcs g´eants multiples. Dans l’article G03, nous avons conduit une telle analyse conjointe sur MS2137-23 et en pr´esentons les r´esultats `a la section 4.3. En utilisant une mosaique d’images HST dans l’amas de galaxies CL0024+26, Kneib et al. (2003) parviennent `a mesurer le profil de cisaillement de cet amas jusqu’`a environ 5 mega-parsecs. Combin´ees `a la connaissance d’un arc g´eant `a environ 30 minutes d’arc du centre de l’amas, ces auteurs parviennent `a discriminer entre divers profils et affirment qu’un profil NFW semble mieux s’ajuster aux donn´ees.

Par ailleurs, Sand et al. (2002, 2004) (S0204 par la suite) ont r´ecemment men´e une analyse des distorsions fortes de six amas de galaxies dont MS2137-23. Sur la base d’une m´ethode propos´ee par Miralda-Escud´e (1995) combinant distorsions fortes et cin´ematique interne des ´etoiles dans la galaxie cD au centre des amas, ces auteurs affirment que le profil de densit´e des amas est moins piqu´e que les pr´edictions des simulations num´eriques et favorisent une pente centrale proche de r−1/2. Leurs r´esultats concernant MS2137-23 sont en apparente contradiction avec notre analyse d´etaill´ee men´ee dans G03, laquelle montre qu’un profil NFW est tout `a fait compatible avec les donn´ees. En ne consid´erant que les distorsions fortes dans MS2137-23 et dans A383, qui fait aussi partie de l’´echantillon de S0204, Dalal & Keeton (2003) et Bartelmann & Meneghetti (2003) ont montr´e que l’ana-lyse de S0204 souffre d’hypoth`eses simplificatrices qui limitent la port´ee de leur conclusion. Ces auteurs pr´etendent que les donn´ees de S0204 ne supportent pas leurs conclusions et ils affirment qu’au contraire les amas1ont un profil raisonnablement proche du mod`ele NFW. Dans la section 4.4, je pr´esente donc une nouvelle analyse en distorsions fortes et en ci-saillement faible de l’amas MS2137-23 incluant aussi une analyse conjointe et d´etaill´ee des

donn´ees cin´ematiques de S0204. Ce travail fera l’objet d’une publication en pr´eparation (Gavazzi & Miralda-Escud´e 2004). Il montre qu’une utilisation correcte des donn´ees de cin´ematique des ´etoiles dans les amas de galaxies n´ecessite d’aller au-del`a d’une simple int´egration de l’´equation de Jeans si l’on veut des r´esultats robustes.