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4.4 Couplage distorsions fortes/faibles & dynamique

4.4.2 Application `a MS2137-23

Dans la suite de cette analyse, j’applique le mˆeme calcul de la fonction de distribution des vitesses p(R, vq) dans le cas des observations men´ees par S0204 dans l’amas MS2137-23. On s’attend `a des ´ecarts `a une distribution gaussienne encore plus marqu´es que dans l’exemple de la galaxie de la section pr´ec´edente. Il est important de les quantifier avant d’interpr´eter dynamiquement les donn´ees cin´ematiques. S0204 ont observ´e au Keck le spectre de la galaxie cD de MS2137 et reportent le profil radial de dispersion de vitesse qu’ils ont tent´e d’interpr´eter comme une contrainte sur la distribution de masse dans l’amas. Il faut noter que S0204 ne rapportent pas de d´etection d’´ecart des profils de raies `a une gaussienne. Une telle mesure est d´elicate et g´en´eralement observable sur des spectres `a tr`es haut rapport signal/bruit (van der Marel & Franx 1993; Rix & White 1992). En partant des meilleurs mod`eles NFW et “cusp” d´eduits de l’analyse des distorsions fortes, je calcule le profil de distribution en vitesse p(R, vq) en reproduisant les conditions d’observations de S0204, `a savoir une PSF de largeur 0.6 arcsec FWHM et une fente de spectrographe de largeur δ = 1.25′′. Il est important de noter que je ne r´ealise ici aucun ajustement sur les donn´ees cin´ematiques. Je ne fais que projeter les r´esultats de notre analyse “lentille” sur des observations cin´ematiques.

Les r´esultats de diff´erents calculs de p(R, vq) sont r´esum´es sur les figures 4.11 et 4.12. Dans le cas du mod`ele NFW, j’ai repr´esent´e la distribution en vitesse p(Ri, vq) pour trois rayons Ri = 1, 8, 70 h−170 kpc sur le panneau de gauche de la figure 4.11. Le tenseur des vitesses est pour le moment suppos´e isotrope. Pour comparaison, j’ai aussi trac´e des distributions gaussiennes ayant la mˆeme dispersion ou la mˆeme largeur `a mi-hauteur.

Fig. 4.11:Gauche : (trait plein) trac´e de p(Ri, vq) pour trois valeurs Ri= 1, 8, 70 h−1

70 kpc (noir, rouge,

bleu respectivement). Sont superpos´ees des distributions gaussiennes ayant la mˆeme dispersion de vitesse (pointill´es) et la mˆeme largeur `a mi-hauteur (tirets). On voit nettement que les distributions ne sont pas gaussiennes. Les ´ecarts r´eduisent lorsque R augmente. Nous avons utilis´e le mod`ele NFW d´eduit de la mod´elisation des arcs multiples. Les conditions d’observation de S0204 (seeing 0.6” FWHM, et largeur

de la fente du spectrographe : δ = 1.25′′ = 5.8 h−1

70 kpc) sont reproduites. Droite : Pour ces mˆemes

conditions, ´elargissement Doppler d’une raie d’absorption infiniment finie. Nous avons int´egr´e toute la lumi`ere dans les 2 kiloparsec les plus centraux. La distribution p(R < 2 h−170 kpc, vq) est bien approxim´ee par une loi exponentielle plutˆot que par une loi gaussienne.

On voit clairement que des ´ecarts `a une distribution gaussienne (ou maxwellienne) sont importants. Ces ´ecarts d´ecroissent lorsque R augmente. Sur la partie de droite, j’ai trac´e le profil d’une raie d’absorption tel qu’on l’observerait dans les 2 kiloparsecs les plus centraux. J’ai aussi trac´e un profil de raie exponentiel de la forme :

p(vq) = √1

2σexp(−

√ 2 |vq|

σ ) . (4.12)

Il semble que l’ajustement d’un tel profil donne une meilleure estimation de la dispersion de vitesse vraie σ que l’ajustement d’un profil gaussien.

La figure 4.12 appelle plusieurs commentaires. Nous avons repr´esent´e le profil radial de dispersion de vitesse σlos(R) et de pseudo-dispersion de vitesse σh4(R) dans le cas des mod`eles NFW et “cusp” d´eduits de la mod´elisation des arcs. Dans tous les cas, on observe d’importants ´ecarts entre les profils σlos et σh4 (& 15%). Il est int´eressant de remarquer que, malgr´e la similitude des mod`eles entre 10 et 200 h−170 kpc, des diff´erences sensibles

dans la dispersion de vitesse existent pour R . 20 h−170 kpc. C’est principalement du au

fait que mˆeme si les profils de masse projet´es sont comparables entre les deux mod`eles, les profils de masse tridimensionnels peuvent pr´esenter quelques ´ecarts qui se traduisent par des diff´erences de dispersion de vitesse14. Le couplage des contraintes de type lentille gravitationnelles et des donn´ees dynamiques peut donc briser des d´eg´en´erescences. La largeur des courbes σlos(r), σh4(r) et de kurtosis est caract´eristique des incertitudes sur la mod´elisation des arcs. Elles sont spectaculairement plus petites que les erreurs sur les mesures cin´ematiques de S0204 (rectangles rouges dans la figure 4.12). Par cons´equent,

14Rappelons que la dispersion de vitesse se comporte sensiblement comme la vitesse de rotation

circu-laire vc=p

Fig. 4.12: Profils de vitesse pour un cas de tenseur des vitesses isotrope. En noir : vitesses d´eduites de l’ajustement d’un mod`ele NFW aux donn´ees “lentilles” seulement (param`etres du tableau 4.1). En bleu : les mˆemes r´esultats pour le meilleur mod`ele “cusp”. La largeur des courbes σlos(r) et σh4(r) est caract´eristique des incertitudes sur le mod`ele de lentille. On voit au passage que les erreurs statistiques issues de la mod´elisation des arcs sont faibles ! Les courbes σlos(r) (remplissage plein) et σh4(r) (hachures) sont diff´erentes pour un mˆeme mod`ele de distribution de masse (´ecarts relatifs de 10 `a 25%). Cela met clairement en ´evidence les ´ecarts important `a une distribution p(R, vq) gaussienne. J’ai aussi trac´e les donn´ees de S0204 (rectangles rouges). Dans l’approximation de premier ordre du formalisme de van der Marel & Franx (1993), les courbes σh4(r) (et non les courbes σlos(r)) devraient correspondre `a leurs mesures. Sans ajustement sur les donn´ees cin´ematiques, la projection de l’ajustement “lentille” du mod`ele NFW est relativement satisfaisante.

on s’attend `a ce qu’un ajustement des mod`eles ne r´eduise pas significativement les incerti-tudes sur les param`etres mais qu’il permette d’exclure une classe de profils ou une autre. Il reste cependant `a d´eterminer quelle quantit´e (σlos ou σh4 ou autre-chose ?) peut-on l´egitiment tenter d’ajuster sur les donn´ees de S0204. Sur la figure 4.12 on voit clairement que les r´esultats seront diff´erents si l’on consid`ere l’une ou l’autre. S0204 n’ont pas tenu compte des non-gaussianit´es. Leur mesure est certainement biais´ee. Il est mˆeme plus pro-bable qu’ils aient mesur´e une quantit´e proche de σh4 mais qu’ils l’aient identifi´ee `a σlos. Les courbes σh4 d´eduites des mod`eles NFW et “cusp” isotropes sont raisonnablement en accord avec les mesures de S0204 sans qu’il ait ´et´e n´ecessaire d’ajuster les param`etres du mod`ele. Ce travail reste `a faire mais on peut s’attendre `a ce qu’en jouant sur les valeurs du rapport M/L stellaire, sur la pente du profil de mati`ere noire, etc, on pourra trouver un mod`ele satisfaisant pour les donn´ees de S0204.

Jusqu’ici, nous avons suppos´e le tenseur des vitesses isotrope (ra = ∞). La figure 4.13 montre le profil de pseudo-dispersion de vitesse σh4(R) pour le mod`ele initial NFW

Fig. 4.13: Profils radiaux de vitesse σlos(r) (tirets) et σh4(r) (traits continus) pour le mod`ele NFW. Je consid`ere ici trois rayons d’anisotropie ra = 7, 20 et 80 h−1

70 kpc (noir, vert, bleu respectivement). Dans le cas d’orbites fortement radiales, les diff´erences entre σlos et σh4 sont importantes. Le mod`ele NFW d´eduit des arcs ne reproduit pas mieux les donn´ees cin´ematiques de S0204 avec un tenseur des vitesses anisotrope.

en consid´erant successivement des rayons d’anisotropie ra = 7, 20 et 80 h−170 kpc. On voit qu’un rayon d’anisotropie fini n’am´eliore pas la qualit´e de l’ajustement des donn´ees cin´ematiques de S0204 avec le mod`ele NFW directement d´eduit de la mod´elisation des arcs. En particulier, une valeur de ra inf´erieure `a une vingtaine de kiloparsecs semble exclue. Cela favorise des orbites isotropes, en accord avec les observations `a bas d´ecalage spectral de profils de vitesse de Dressler (1979) dans la galaxie cD A2029 et plus r´ecemment de Kelson et al. (2002) dans NGC6166. Lorsque la proc´edure d’ajustement sur les donn´ees cin´ematiques sera op´erationnelle, on pourra simultan´ement d´eterminer le profil de densit´e (d´ej`a majoritairement contraint par les arcs) et le profil d’anisotropie. Il serait int´eressant de savoir si, `a d´ecalage spectral interm´ediaire z ∼ 0.3, les propri´et´es dynamiques des ga-laxies cD sont diff´erentes des mesures locales de Dressler (1979) et Kelson et al. (2002). Les cons´equences sur l’origine dynamique des galaxies cD seraient int´eressantes (Dressler 1979; Lin & Mohr 2004). Notamment, on avance plusieurs hypoth`eses parfois contradictoires : fusion rapide de galaxies moins massives (Merritt 1985a; Dubinski 1998), cannibalisme par chute des galaxies les plus lourdes (friction dynamique) au centre de l’amas (Hausman & Ostriker 1978), formation stellaire dans les courants de refroidissement (Cowie & Binney 1977), etc... Il est bon remarquer qu’une extension souhaitable de ce travail serait de cher-cher des familles de mod`eles dynamiques f (E, L), diff´erents des mod`eles Osipkov-Merritt, mais donnant des profils d’anisotropie plus lisses (Mamon & Lokas 2004b).