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2.2 Notions de g´eom´etrie projective

2.3.1 Mod`eles de cam´era

2.3.1.1 Le mod`ele st´enop´e

Le mod`ele g´eom´etrique de cam´era que nous utilisons, d´ecrivant le processus de la formation des images, est le mod`ele st´enop´e, o`u un (( trou d’aiguille )) fait office d’objectif selon le principe de la chambre noire. Les propri´et´es de ce mod`ele ont ´et´e ´etudi´ees dans [Faugeras 93a]. La figure 2.5 illustre la formation des images dans le mod`ele st´enop´e : un point 3D X de la sc`ene, rep´er´e par ses coordonn´ees (X,Y,Z) dans le rep`ere sc`ene, se projette en un point 2D x dans l’image, rep´er´e par ses coordonn´ees (u,v) dans le rep`ere image. Analytiquement, cette projection est la composition de deux transformations principales :

1. La transformation du rep`ere sc`ene au rep`ere cam´era, dont l’origine est C, le centre optique de la cam´era.

2. La transformation du rep`ere cam´era au rep`ere image, qui consiste en une projection perspective et un changement de rep`ere avec changement d’unit´es.

Ces transformations s’expriment simplement avec le formalisme matriciel. La premi`ere ´etape est un changement de rep`ere classique qui ne fait intervenir que la position et l’orientation de la cam´era dans le rep`ere sc`ene. Ce changement de rep`ere peut ˆetre repr´esent´e par une isom´etrie, c’est-`a-dire par une matrice A en coordonn´ees homog`enes, faisant intervenir une matrice de rotation R, de taille 3 × 3, et un vecteur de translation t, telle qu’un point X du rep`ere sc`ene se transforme en un point Xc du

rep`ere cam´era, rep´er´e par ses coordonn´ees (Xc,Yc,Zc), avec Xc = AX. De mani`ere ´equivalente, on

peut exprimer cette transformation en fonction de R et de ˜C, ˜C repr´esentant les coordonn´ees (non homog`enes) de la position du centre optique dans le rep`ere sc`ene, avec t = −R ˜C. On a alors

Xc = AX =  R t 0 1  X = R  I − ˜C 0 1  X. (2.29)

La transformation A poss`ede six degr´es de libert´e (trois pour la rotation et trois pour la translation). Les param`etres qui permettent de la repr´esenter sont g´en´eralement appel´es les param`etres externes ou les param`etres extrins`eques. Ils d´efinissent la pose de la cam´era. Lorsqu’on d´etermine ces param`etres, on parle de calibrage externe, de calibrage extrins`eque ou encore de calcul de la pose de la cam´era.

La seconde ´etape fait intervenir les param`etres physiques du capteur. Ils sont au nombre de cinq. La distance focale α est la distance entre le centre optique et le plan de l’image. Le point principal x0 = (u0,v0) est la projection orthogonale du centre optique de la cam´era sur le plan image. Il

est rep´er´e dans l’image par rapport `a l’origine du rep`ere image, situ´e conventionnellement au bord sup´erieur gauche de l’image. Dans ce rep`ere, u d´esigne la colonne et v la ligne d’un pixel dans l’image. La distance focale permet de rep´erer le plan de l’image dans le rep`ere cam´era et le point principal permet la correspondance entre le plan image et l’image elle-mˆeme. Pour tenir compte du changement d’unit´es entre le plan image et l’image (une unit´e de distance, des millim`etres par exemple, est convertie en pixels), un facteur d’´echelle τ ((( aspect ratio )) en anglais), repr´esentant le rapport entre la hauteur et la largeur des pixels, projet´ees sur les axes u et v, est introduit. De plus, afin de prendre en compte des pixels non rectangulaires, l’angle entre le bord vertical de l’image et l’axe v est not´e θ. Cet angle intervient dans l’expression du facteur d’obliquit´e γ = α tan θ ((( skew factor )) en anglais), pr´esent dans la matrice de calibrage. Le facteur d’´echelle permet d’exprimer la distance focale α en nombre de largeurs de pixels, le long de l’axe u, αu = α, d’une part, et en hauteurs de pixels, le long de l’axe v,

αv = τ α cos θ, d’autre part. Si les pixels sont rectangulaires, alors θ = 0 et αu= τ αv. Si les pixels sont

carr´es, alors θ = 0 et τ = 1, d’o`u αu = αv = α. Les transformations de cette ´etape sont (( encapsul´ees ))

dans la matrice de calibrage, K, qui contient les cinq param`etres pr´ec´edemment d´ecrits :

K =   αu γ u0 0 αv v0 0 0 1   =   α α tan θ u0 0 ατ cos θ v0 0 0 1   . (2.30)

Cette matrice est triangulaire sup´erieure et poss`ede cinq degr´es de libert´e. Les cinq param`etres sont appel´es les param`etres internes ou param`etres intrins`eques de la cam´era. Lorsqu’on calcule ces pa- ram`etres, ou lorsqu’on calcule K, on parle de calibrage interne, de calibrage intrins`eque ou encore de calibrage.

En utilisant la matrice (R | t) et la matrice de calibrage K, nous pouvons former la matrice de projection perspective de la cam´era :

P = K(R | t). (2.31)

Dans la suite, nous d´esignerons souvent la cam´era par sa repr´esentation matricielle P. Un point de la sc`ene est alors simplement reli´e `a un point de l’image par la relation lin´eaire, en coordonn´ees homog`enes,

x ∼ PX ∼ K(R | t)X. (2.32)

La matrice P, de taille 3 × 4, poss`ede 11 degr´es de libert´e (six dans (R | t) et cinq dans K). Il est parfois utile d’´ecrire P sous la forme

P = KR(I | − ˜C). (2.33)

Notons que plusieurs conventions sont possibles pour les axes du rep`ere cam´era et ceux du rep`ere image. Les formes de (R | t) et de K, et donc celle de P, varient selon la convention adopt´ee.

Le dispositif d’acquisition couramment utilis´e est constitu´e d’une sc`ene fixe observ´ee par une cam´era qui se d´eplace ou, de mani`ere ´equivalente, par un ensemble de cam´eras fixes filmant simultan´ement une sc`ene quelconque. `A chaque vue j = 1,...,N est associ´ee une matrice de cam´era Pj = Kj(Rj | tj). Nous

Zc Yc Xc Z X O Y X x x0 u v C K P A θ Pixel

Fig. 2.5 – Formation des images dans le mod`ele st´enop´e.

dans la sc`ene aux points xji, sont tels que xji ∼ PjX

i. Les points Xi sont g´en´eralement des inconnues

dans les probl`emes de vision par ordinateur. Le tableau 2.8 pr´ecise la terminologie des probl`emes r´eguli`erement rencontr´es en g´eom´etrie de plusieurs vues selon les donn´ees dont on dispose et les quantit´es `a calculer. Dans ce tableau, les donn´ees xji signifient que l’on dispose de correspondances de points entre les images. La r´esolution de ces probl`emes sera abord´ee dans les prochaines sections. La section suivante pr´esente n´eanmoins quelques connaissances qui peuvent simplifier le mod`ele et faciliter la r´esolution des probl`emes.

2.3.1.2 Connaissances sur la cam´era ou sur la sc`ene

Toutes les connaissances a priori sur le probl`eme sont les bienvenues. En effet, ces connaissances apportent des contraintes sur les inconnues, rendant la r´esolution du probl`eme plus facile. Ces connais- sances peuvent porter sur :

– Le calibrage de la cam´era. Par exemple, il est possible de faire une phase pr´eliminaire de calibrage de la cam´era. Si les param`etres internes sont suppos´es constants, la matrice K = Kj, ∀j, sera

connue et la mˆeme pour toutes les vues. Sinon, par exemple, si nous zoomons avec la cam´era pendant l’acquisition des images, nous changeons la distance focale. Nous devons donc estimer plusieurs Kj, faisant intervenir plusieurs αj

u et αjv. Si la mise au point de la cam´era est fixe

(autrement dit, si l’autofocus est d´esactiv´e) et si les autres param`etres internes sont suppos´es constants, alors le fait de ne pas zoomer pendant l’acquisition est une connaissance sur K : K sera identique pour toutes les images. Des hypoth`eses sur les autres param`etres internes sont ´egalement souvent employ´ees pour r´eduire le nombre d’inconnues. Avec les cam´eras CCD r´ecentes, consid´erer les pixels de l’image comme carr´es constitue une bonne approximation. Il en r´esulte que θ = 0, γ = 0 et τ = 1, d’o`u αu = αv = α. De plus, le point principal est souvent

Inconnues Donn´ees Terminologie

Kj xj

i et Xi

Calcul des param`etres internes ou intrins`eques, calibrage interne ou intrins`eque, calibrage

Kj xj

i

Autocalibrage, autocalibrage plan pour une sc`ene plane

Rj, tj x

j

i, ´eventuellement Kj

et ´eventuellement Xi

Calcul des param`etres externes ou extrins`eques, calibrage externe ou extrins`eque,

calcul de la pose Pj x j i et ´eventuellement Kj Suivi de cam´era Xi xji et Pj Triangulation Xi, Pj x j i et ´eventuellement

Kj Reconstruction, structure from motion

Pj X

i et xji Calibrage complet, resection

Tab. 2.8 – Terminologie des probl`emes rencontr´es en g´eom´etrie de plusieurs vues.

est une approximation souvent satisfaisante.

– Le mouvement de la cam´era. Ces connaissances affectent les Rj et les tj. C’est par exemple le

cas si la cam´era suit un mouvement particulier comme une translation pure (∀j, Rj = I), une

rotation pure (∀j, tj = 0), un mouvement dans un plan, etc.

– La structure de la sc`ene. Des connaissances sur la sc`ene peuvent ˆetre utilis´ees. C’est par exemple le cas de points dans des positions particuli`eres, de points situ´es sur un mˆeme plan, de points align´es, etc.

2.3.1.3 Erreurs et limites du mod`ele

Par d´efinition, le st´enop´e est un mod`ele et donc une approximation de la r´ealit´e. La cam´era est suppos´ee parfaite, mais en pratique, le capteur n’est pas parfait et des erreurs apparaissent dans la capture de l’image, puis dans la conversion analogique-num´erique du signal acquis. Ces erreurs apparaissent sous forme de bruit dans les images et rendent difficiles les tˆaches de vision par ordinateur. Il doit ˆetre pris en compte dans les algorithmes, au travers notamment de m´ethodes robustes. L’optique de la cam´era n’est pas parfaite non plus. Des d´eformations peuvent apparaˆıtre comme la distorsion radiale. Celle-ci peut ˆetre mod´elis´ee et ses param`etres estim´es afin de la corriger [Hartley 03, page 189].

2.3.1.4 Autres mod`eles

Sous certaines conditions, un mod`ele diff´erent de cam´era, souvent plus simple (c’est-`a-dire facili- tant la r´esolution math´ematique des probl`emes de g´eom´etrie), peut ˆetre utilis´e. Par exemple, si la profondeur de la sc`ene est petite par rapport `a la distance entre la cam´era et la sc`ene, alors les ef- fets de perspective sont att´enu´es dans l’image. C’est pourquoi nous pouvons utiliser un mod`ele de cam´era dit affine. Ce mod`ele se d´ecline en plusieurs sous-mod`eles, selon le type de projection utilis´ee :

orthographique, perspective faible, etc. Une description compl`ete de ces mod`eles peut ˆetre trouv´ee dans [Hartley 03, page 166].

Les mod`eles que nous venons d’´evoquer sont d´eriv´es du mod`ele perspectif classique. Il existe ´egalement des mod`eles de cam´eras diff´erents de celui-ci. C’est le cas, entre autres :

– des cam´eras catadioptriques, utilisant un miroir pour augmenter le champ de vision ;

– des cam´eras de type (( pushbroom )), constitu´es d’un capteur faisant l’acquisition d’une seule ligne `

a la fois et changeant de position ensuite (`a la mani`ere d’un scanner papier) ;

– des cam´eras de type (( fish-eye )), constitu´es d’une cam´era st´enop´e avec un objectif (( fish-eye )), dont l’angle de champ est tr`es large.

Sturm [Sturm 06] a propos´e un mod`ele g´en´erique de cam´era pour unifier ces diff´erents mod`eles de cam´eras et les traiter de la mˆeme mani`ere.