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2.2 Notions de g´eom´etrie projective

2.3.2 G´eom´etrie d’une vue

Chacune des sections 2.3.2 `a 2.3.5 est accompagn´ee d’un sch´ema de synth`ese des relations g´eom´etriques possibles `a partir d’une, de deux, de trois et de N vues. Ces sch´emas illustrent princi- palement le texte de ces sections et ils ne se veulent pas exhaustifs. Dans ces sch´emas, les sources de donn´ees sont identifi´ees en fonction de leur provenance. Les objets g´eom´etriques calcul´es (par exemple la matrice de calibrage) sont symbolis´es par des ellipses contenant le symbole math´ematique de l’objet (par exemple, (( K ))). Les rectangles repr´esentent les applications correspondant `a certains des objets g´eom´etriques calcul´es (par exemple (( calcul de la pose )) pour le calcul de R et t). Les fl`eches entre les sources de donn´ees et les objets g´eom´etriques repr´esentent soit l’apport d’une contrainte, soit le calcul d’un objet g´eom´etrique (par exemple la r´esolution d’un syst`eme d’´equations). Parfois, la nature de la contrainte ou du calcul est pr´ecis´ee par un symbole sur la fl`eche. Enfin, un code de couleur permet de pr´eciser l’espace (projectif, affine ou euclidien) associ´e `a la source de donn´ees, l’objet g´eom´etrique ou encore l’application.

L’essentiel de la g´eom´etrie d’une vue est sch´ematis´e sur la figure 2.8.

2.3.2.1 G´en´eralit´es

Projections et r´etroprojections. Nous avons vu que l’effet de la cam´era du mod`ele st´enop´e est de projeter les primitives g´eom´etriques de P3 en primitives g´eom´etriques de P2, en garantissant les axiomes de la g´eom´etrie projective comme l’incidence, etc. Plus pr´ecis´ement, l’application d’une cam´era projective P transforme un point 3D X en un point 2D x par l’´equation x = PX. La projection d’une r´egion d’un plan est une r´egion dans l’image. Les points du plan, rep´er´es dans ce plan, sont li´es `a leurs projections dans la r´egion par une homographie. Une droite se projette en une droite. Une quadrique se projette en une conique.

Puisque nous disposons des images 2D comme donn´ees, il est d’int´erˆet de se demander ce que nous pouvons obtenir dans P3 `a partir des primitives 2D. Par exemple, la r´etroprojection d’un point 2D de

l’image est une demi-droite appel´ee rayon de r´etroprojection, dont l’´equation est

X(λ) = P+x + λC, (2.34)

o`u λ param`etre la position de X sur la droite et le symbole + d´enote la pseudo-inverse. La

r´etroprojection d’une droite est un plan contenant le centre optique et cette droite. La r´etroprojection d’une conique est une quadrique (ou plus exactement un cˆone). Les expressions des diff´erentes projec- tions et r´etroprojections sont d´ecrites dans [Hartley 03, chapitre 8].

Points de fuite et ligne de fuite. Dans la section 2.2.2.2, nous avons parl´e des points 3D id´eaux, intersections dans P3 de droites parall`eles de R3. La figure 2.6 montre un plan π sur lequel se situent

deux paires de droites parall`eles. Dans P3, ces droites s’intersectent en deux points id´eaux V et V.

Ces points appartiennent `a la droite `a l’infini l∞ du plan π, et ´egalement au plan `a l’infini π∞de P3.

Les projections de V et V′

dans l’image sont les points v et v′

, appel´es des points de fuite associ´es au plan π. Dans l’image, ces points appartiennent `a la ligne de fuite l du plan π, projection dans l’image de l∞, associ´ee `a π. Sc`ene dans P3 Image l V′ V π π l v v′ π Sc`ene dans R3

Fig. 2.6 – Formation des points de fuite et des lignes de fuite.

Conique absolue. Sur le plan `a l’infini se trouve une conique particuli`ere, appel´ee la conique absolue (CA) et not´ee Ω∞ (voir figure 2.7). La CA est compos´ee uniquement de points imaginaires,

qui vont par paire de points conjugu´es. Sur π∞, dans tout rep`ere euclidien, sa matrice canonique est

Ω∞ = I. La projection de la CA dans l’image, que nous appellerons l’image de la CA (ICA), est

not´ee ω. C’est ´egalement une conique compos´ee de points imaginaires. L’ICA est une primitive tr`es int´eressante car elle est directement reli´ee au param`etres internes de la cam´era par la d´ecomposition (dite de (( Cholesky ))) suivante :

ω= K−⊤K−1. (2.35)

Points cycliques. Si on ajoute dans la sc`ene un plan π, la droite `a l’infini de ce plan coupe la CA en deux points, appel´es les points cycliques (PC), relatifs au plan π, not´es I±. Les PC sont deux

points complexes conjugu´es et leurs coordonn´ees canoniques, dans tout rep`ere euclidien du plan, sont I± = (1, ± i,0)⊤. Leurs projections dans l’image sont les images des points cycliques (IPC), not´ees

x±. Les IPC sont ´egalement des points complexes conjugu´es. Ils appartiennent `a la ligne de fuite de

ce plan (voir figure 2.7). Ainsi, pour chaque plan de P3, il existe une paire de points cycliques et une

paire d’images de ces points cycliques. La conique absolue est form´ee par l’union de tous les points cycliques de tous les plans de P3 et son image est form´ee de toutes les images des points cycliques.

Sc`ene Image l I+ I π π l x+ x ω

Fig. 2.7 – Conique absolue Ω∞ et son image ω, points cycliques I± et leurs images x±.

2.3.2.2 Calibrage `

A partir d’une seule image, il est possible de calibrer compl`etement la cam´era, c’est-`a-dire de calculer le calibrage et la pose de la cam´era, en d’autres termes, de calculer PE. Pour cela, il suffit d’utiliser

des points 3D Xi de la sc`ene, connus, et leurs projections xi dans l’image. On utilise g´en´eralement

une mire dont la structure 3D est connue. Les points xi peuvent ˆetre rep´er´es manuellement ou ˆetre

d´etect´es automatiquement. Chaque correspondance entre deux points Xi et xi nous donne la relation

xi = PEXi. Il faut alors r´esoudre le syst`eme lin´eaire xi = PEXi, i = 1,..,n. Une correspondance donne

deux ´equations ind´ependantes, et puisque PE poss`ede 11 degr´es de libert´e, cinq correspondances et

demi (donc six) sont n´ecessaires. En prenant n ≥ 6 correspondances bruit´ees, nous obtenons un syst`eme surd´etermin´e dont une estimation des inconnues peut ˆetre ais´ement r´ealis´ee. En effet, ce syst`eme ne poss`ede pas de solution et le probl`eme est alors transform´e en un probl`eme d’optimisation (lin´eaire). Un crit`ere de minimisation est choisi. On peut par exemple utiliser la somme des carr´es des r´esidus des ´equations. Notons que ce crit`ere de minimisation est alg´ebrique et qu’il n’a pas de signification g´eom´etrique. Dans les probl`emes de g´eom´etrie de plusieurs vues, il est souvent pr´ef´erable de minimiser une fonction de coˆut g´eom´etrique, faisant intervenir une distance g´eom´etrique dans l’image, comme l’erreur de reprojection [Hartley 03, section 4.2]. Cette erreur est la distance euclidienne entre les

points mesur´es dans l’image et les points 3D projet´es dans l’image grˆace aux valeurs estim´ees des inconnues (PE dans notre exemple). L’expression de cette erreur est

Points de fuite, lignes de fuite (associ´es `a des plans)

Propri´et´es affines de plans Longueurs etrologie Une vue Longueur(s) connue(s) ICA ω Plusieurs plans contenant des motifs carr´es IPC K Calibrage Hypoth`eses internes sur K Points 3D connus PE Calibrage complet R,t Calcul de la pose Plans textur´es Reconstruction de sc`enes planes par

morceaux Rectification affine Rectification euclidienne Espace : Projectif Affine Euclidien Source de donn´ees : Image Sc`ene Param`etres internes Param`etres externes Solution : Lin´eaire Directe Directe, ambigu¨e Non lin´eaire Plans Objet(s) g´eom´etrique(s) calcul´e(s) Application

Relation entre application et objet(s) g´eom´etrique(s) calcul´e(s)

Fig. 2.8 – G´eom´etrie d’une vue.

Ereprojection= n X i=1 d(xi,bxi)2, (2.36) o`u d(x,x′

) est la distance euclidienne entre deux points de l’image, x et x′

. Dans notre exemple, b

dans un premier temps, `a calculer une solution avec la m´ethode lin´eaire. Cette solution est ensuite utilis´ee comme initialisation de la minimisation non lin´eaire de l’erreur de reprojection. Notons qu’en pratique, les donn´ees (ici, les points 3D Xi et les points 2D xi) sont normalis´ees selon la m´ethode

d´ecrite dans [Hartley 03, chapitre 4]. Remarquons aussi que cette m´ethode de calibrage fonctionne ´egalement avec des correspondances de droites.

Si la cam´era est d´ej`a calibr´ee (K est connue), nous pouvons calculer la pose de la cam´era. Il reste six degr´es de libert´e `a d´eterminer. Trois correspondances de points semblent ˆetre suffisantes mais dans ce cas il y a une ind´etermination car il existe quatre solutions. Il faut donc utiliser au moins quatre correspondances.

Une autre mani`ere de calibrer, sans mire cette fois-ci, est d’estimer l’ICA ω. Pour cela, on utilise des contraintes de plusieurs origines. Une premi`ere possibilit´e est d’utiliser des points de fuite et des lignes de fuite. Si v1 et v2 sont deux points de fuite, correspondants `a deux ensembles de droites

parall`eles, perpendiculaires entre elles (comme c’est le cas sur la figure 2.6), alors nous avons la relation v⊤

1ωv2 = 0. C’est une contrainte donnant une ´equation lin´eaire sur ω. D’autres contraintes peuvent

ˆetre obtenues `a partir des points de fuite et des lignes de fuite. Une liste de ces contraintes peut ˆetre trouv´ee dans [Hartley 03, page 224]. Des d´etails sur la d´etection des points de fuite et des lignes de fuite sont donn´ees dans [Hartley 03, section 8.6]. ´Emettre des hypoth`eses sur les param`etres internes, comme celles pr´esent´ees dans la section 2.3.1.2, apporte une seconde source de contraintes, permettant ainsi de r´eduire le nombre d’inconnues dans K et, de mani`ere ´equivalente, dans ω. Enfin, il est ´egalement possible d’utiliser des IPC associ´es `a un plan (calcul´es par exemple `a partir de l’image d’un carr´e, voir [Hartley 03, page 211]). Chaque paire d’IPC donne deux ´equations lin´eaires sur ω. Puisque l’ICA ω poss`ede cinq inconnues, il faut cinq ´equations. Ainsi, si nous supposons, par exemple, que les pixels de l’image sont carr´es et que le point principal est au centre de l’image, alors ω poss`ede une seule inconnue, la distance focale α. Deux points de fuite correspondant `a des directions orthogonales suffisent alors pour estimer ω, puis K, grˆace `a la relation (2.35). Bien sˆur, la pr´ecision du r´esultat du calibrage est tr`es sensible `a la pr´ecision de la localisation dans l’image des points de fuite et des lignes de fuite.

Notons enfin qu’une vue ne permet pas de r´ealiser l’autocalibrage de la cam´era.

2.3.2.3 Reconstruction

Une fois l’ICA calcul´ee, la connaissance de la ligne de fuite d’un plan dans l’image permet d’effectuer une rectification euclidienne de la r´egion de l’image correspondant `a ce plan (voir chapitre 4), de sorte qu’elle simule une vue fronto-parall`ele du plan, c’est-`a-dire telle que le plan soit parall`ele au plan image. Les propri´et´es, telles que le parall´elisme ou les angles, sont alors retrouv´ees. Cette technique convient `

a des sc`enes planes par morceaux, telles que des sc`enes d’architecture. Chaque r´egion de l’image correspondant `a un plan est identifi´ee puis rectifi´ee. Des r´egions planes sont alors plac´ees aux positions correspondant aux plans de la sc`ene, puis les r´egions rectifi´ees de l’image sont plaqu´ees sur celles-ci. Notons que cette m´ethode s’av`ere plus compliqu´ee si les plans 3D de la sc`ene ne sont pas orthogonaux entre eux. Criminisi a appliqu´e cette id´ee `a la reconstruction 3D `a partir de peintures [Criminisi 99].

Une autre application de la reconstruction `a partir d’une seule vue concerne la m´etrologie. Il est en effet possible d’estimer des longueurs dans la sc`ene. Afin d’y parvenir, nous pouvons, `a partir de points de fuite et de lignes de fuite, calculer une rectification euclidienne d’une r´egion de l’image et restaurer ainsi les rapports de longueurs. En connaissant de plus une longueur de r´ef´erence dans la sc`ene, nous pouvons retrouver certaines longueurs dans la sc`ene, comme par exemple la taille d’une personne. Notons qu’une rectification affine peut ˆetre suffisante en choisissant certains plans de la sc`ene [Criminisi 00, Hartley 03, page 222]. Horry, Liebowitz et Sturm ont ´egalement d´ecrit ce qu’il est possible de reconstruire `a partir d’une vue dans [Horry 97, Liebowitz 99, Sturm 99a].