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2.6 Modèles "complets" d’oxydation

2.6.1 Modélisation de l’oxydation à l’échelle des milieux continus

Rao et Hughes proposent une modélisation de l’oxydation grâce à une approche à l’échelle des milieux continus, c’est-à-dire largement supérieure à la distance inter- moléculaire, basée sur les équations de conservation fondamentales de la mécanique [89]. L’objectif du modèle est de prévoir le changement de géométrie du matériau oxydé et l’évolution des contraintes dans celui-ci.

Ce modèle est appliqué à l’oxydation du silicium à haute température, en consi- dérant le silicium et l’oxyde à sa surface comme un milieu continu, c’est-à-dire que l’on considère le comportement global de la matière dans le domaine étudié. Ce domaine d’étude est un domaine matériel toujours constitué des mêmes particules, représenté sur la Figure2.11[89]. En 2D, le domaine Ω est traversé par une interface de discontinuité Γ de dimension 1, qui représente l’interface Si/SiO2 entre l’oxyde Ω− et le silicium Ω+.

L’oxydation est supposée entièrement contrôlée par la diffusion des anions oxygène dans l’oxyde, pour former un oxyde entièrement externe, l’oxygène étant considéré

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Figure 2.11 – Domaine matériel Ω traversé par une interface de discontinuité Γ, re-

présentant l’interface séparant l’oxyde (sous-domaine Ω) et le substrat (sous-domaine Ω+) [89].

non soluble dans le substrat. Ainsi, les anions diffusent dans le domaine Ω− pour réagir à l’interface Γ avec les éléments du domaine Ω+, puis former l’oxyde qui constitue Ω−. L’interface Γ se déplace donc vers Ω+.

Processus de diffusion-réaction et vitesse de l’interface de discontinuité

L’équation de conservation de la matière [90] permet de décrire le processus de diffusion-réaction dans le domaine Ω. En l’absence de "drift" (cf. Partie 2.3), Rao et Hughes donnent l’équation de conservation sous forme intégrale :

Z Ω ∂ ρ ∂t − ∇ · c dv − Z ΓJρKVn+Jc · nK dΓ = 0 (2.59) où ρ est la densité de l’oxydant oxygène (champs de valeur évalué sur le domaine),

c est le flux aux frontières du domaine ∂Ω, Vn est la vitesse de l’interface Γ le long

de la normale n et J·K représente le saut d’une grandeur au niveau de l’interface de discontinuité (JρK = ρ

+− ρ).

Au niveau de l’interface Γ, on retrouve la condition de Rankine-Hugoniot [91] :

Z

ΓJT · nK dΓ +

Z

ΓJρKVn dΓ = 0 (2.60)

où T est le flux des oxydants à travers l’interface. Les termes de sauts définissent ce qui est appelé les conditions de ségrégation à l’interface où se produit la réaction d’oxydation, et la condition de Rankine-Hugoniot (Équation (2.60)) permet de défi- nir la forme exacte de la vitesse de cette interface Vn. Exprimée en fonction du flux

et de la densité d’oxyde Tox et ρox qui se forme à l’interface, on obtient : Vn = −J

Tox· nK

oxK

(2.61) Une analyse des mécanismes d’oxydation et de la cinétique de formation de l’oxyde permettent de déterminer la vitesse de déplacement de l’interface Γ [89] :

Vn = ksρ−Γ

N1

(2.62) où ks est appelé coefficient de réaction et traduit la vitesse de formation de l’oxyde, ρΓ est la concentration en oxydants au voisinage de l’interface qui ont diffusé à travers l’oxyde pour réagir avec l’élément oxydable, et N1 correspond au saut de densité de l’oxyde à l’interface [89] (ce dernier est défini par une constante car ρ+

ox dans le substrat est considéré très petit comparé à ρox).

56 Mécanismes et modèles d’oxydation

Enfin, dans chaque sous-domaine Ω− et Ω+ de part et d’autre de l’interface de discontinuité Γ, l’équation de diffusion est résolue séparément. La "connexion" à l’interface nécessite de définir des conditions de compatibilité [90], qui correspondent aux conditions de ségrégations : la première est le saut de flux normal à travers l’interface et la seconde est le rapport des concentrations de part et d’autre de l’interface défini par Rao et Hughes comme une constante.

Couplage avec la mécanique

Le processus de diffusion-réaction est ensuite couplé aux déformations mécaniques lors de l’oxydation [89,92]. Pour cela, les déformations et contraintes données par la loi de bilan de quantité de mouvement [90] sont calculées sur le domaine Ω. Les déformations redéfinissent alors la géométrie du domaine. Ensuite, le calcul des concentrations en élément oxydant est effectué en prenant en compte la dépendance aux contraintes : le coefficient de diffusion, qui intervient dans le calcul du flux diffusif, et le coefficient de réaction ks dépendent des contraintes induites lors de

l’oxydation.

Discussion

La résolution du modèle présenté ci-dessus est effectuée numériquement grâce à la méthode des éléments finis [92]. En 2D, le domaine Ω de la Figure2.11 est discrétisé et l’interface de discontinuité Γ est définie à travers le maillage grâce à la méthode level-set [93]. Le choix de cette méthode a pour avantage de ne pas nécessiter de remaillage pour décrire l’interface à la frontière des éléments.

Ce modèle propose donc une description "complète" de l’oxydation grâce à l’écri- ture des principes fondamentaux de conservation de la mécanique des milieux conti- nus. L’interface métal/oxyde, où a lieu la réaction d’oxydation, est considérée comme une interface de discontinuité dont la vitesse de déplacement est calculée à partir de l’Équation (2.62). La diffusion des éléments est calculée de part et d’autre de l’in- terface de discontinuité, et reliée par des conditions de compatibilité au niveau de l’interface (saut de flux normal des éléments et rapport des concentrations de part et d’autre). Enfin, le processus de diffusion-réaction est couplé avec les contraintes mécaniques induites par l’oxydation dans l’oxyde et le substrat.

Cette approche, développée pour l’oxydation d’un métal pur, peut être envisagée pour modéliser l’oxydation des alliages. De plus, elle a l’avantage de pouvoir étudier des cas tri-dimensionnels et de permettre la prise en compte du couplage "diffusion- mécanique" dans la modélisation de l’oxydation.