2.6 Modèles "complets" d’oxydation
3.1.3 Flux d’élément oxydable à travers l’interface alliage/oxyde
Le flux d’élément oxydable à travers l’interface alliage/oxyde mobile est déterminé par une approche phénoménologique. En supposant la croissance de l’oxyde entière- ment cationique, tous les éléments métalliques A+ionisés à l’interface alliage/oxyde diffusent dans l’oxyde vers la surface pour réagir avec l’oxygène (flux représenté sur la Figure 3.3).
À l’interface alliage/oxyde, on suppose la continuité des flux d’élément oxydable normaux à l’interface alliage/oxyde :
JA+ = JA (3.5)
où JA+ est le flux normal des ions métalliques A+ dans l’oxyde et JA est le flux
normal de l’élément oxydable A provenant de l’alliage qui traversent l’interface al- liage/oxyde.
Dans le référentiel du laboratoire, on remarque deux systèmes en mouvement : l’interface alliage/oxyde vers l’intérieur de l’alliage et l’élément oxydable vers la surface. Le flux JA à travers l’interface est affecté par les deux systèmes. Il est
composé d’une part par le flux des atomes "fixes" qui traversent l’interface lors de son déplacement, noté JA1, et d’autre part par le flux des atomes "mobiles" qui
diffusent vers l’oxyde, noté JA2. La somme de ces deux flux compose le flux normal
66 Modélisation de l’appauvrissement du substrat lors de l’oxydation
Le flux JA1des atomes oxydables qui traversent l’interface alliage/oxyde en direction
de la surface pendant un temps d’oxydation dt peut s’exprimer : JA1 = −
dnA
S dt (3.6)
où dnA est la quantité d’atomes A présents dans une couche d’alliage d’épaisseur
égale au déplacement de l’interface alliage/oxyde dXint, qui traversent l’interface
d’aire S. Le signe − provient du sens du flux de l’élément A allant du volume de l’alliage vers la surface (Figure 3.3). Considérant qu’aucune rétro-diffusion de l’élément oxydable dans l’alliage n’est possible, tous les atomes A présents dans la couche d’alliage d’épaisseur dXinttraversent l’interface pendant le temps d’oxydation dt, ce qui donne la quantité d’atomes A :
dnA = dXint S NA(int) call (3.7)
où NA(int)est la fraction molaire en élément A dans la couche d’alliage dXint voisine
de l’interface alliage/oxyde et call est la quantité de sites atomiques par unité de
volume dans l’alliage. Le flux JA1 des atomes oxydables "fixes" qui traversent l’in-
terface lors de son déplacement est donc proportionnel à la vitesse de déplacement de l’interface alliage/oxyde Vint :
JA1 = −
dXint S NA(int) call
dt S = −Vint NA(int) call (3.8)
où Vint = dXint/dt correspond à la vitesse normale de l’interface alliage/oxyde, qui
peut être exprimée en fonction de la constante de corrosion de l’alliage connaissant sa cinétique d’oxydation (Équation (3.4)).
D’autre part, les atomes d’élément oxydable diffusent dans l’alliage vers l’oxyde sous l’effet du gradient de concentration induit par l’appauvrissement du substrat. En supposant un coefficient d’interdiffusion ˜D constant dans la couche d’alliage d’épaisseur dXint et en considérant l’alliage AB comme une solution solide idéale,
le flux JA2 est donné par la 1re loi de Fick, écrite en 1D au voisinage de l’interface
alliage/oxyde : JA2= − ˜D ∂ NA ∂x x=X int call (3.9)
Ainsi, la somme des flux JA1 et JA2 (Équations (3.8) et (3.9)) donne le flux JA de
l’élément oxydable à travers l’interface alliage/oxyde : JA= − Vint NA(int) call
| {z } "convection" − ˜D ∂ NA ∂x x=X int call | {z } diffusion (3.10)
On remarque que ce flux à travers l’interface est composé d’une partie convective qui dépend de la vitesse de déplacement de l’interface alliage/oxyde, donc de la cinétique d’oxydation de l’alliage, et d’une partie diffusive qui dépend du coefficient d’interdiffusion dans l’alliage.
3.1 Modèle 1D d’appauvrissement du substrat 67
Dans l’oxyde, le flux cationique JA+ est supposé homogène depuis l’interface allia-
ge/oxyde vers la surface, pour former une épaisseur dXox d’oxyde lors de la consom-
mation d’une couche d’alliage d’épaisseur dXint (Figure 3.4). La quantité d’ions
métalliques dnA+ qui diffuse pour former cette couche d’oxyde d’épaisseur dXox
s’exprime :
dnA+ = dXox S NA+ cox (3.11)
où NA+ est la fraction molaire d’ions métalliques supposées constante et homogène
dans l’oxyde et cox est la quantité de sites atomiques par unité de volume dans
l’oxyde. Le volume d’oxyde formé dXox est relié au volume d’alliage consommé dXint par l’intermédiaire des volumes molaires de l’élément oxydable dans l’alliage
et dans l’oxyde (Équation (3.2)), ce qui donne : dnA+ = dXint
VMA/ox
VMA/all S NA
+ cox (3.12)
Les volumes molaires dans l’oxyde et dans l’alliage peuvent s’écrire quant à eux en fonction des quantités de sites atomiques métalliques, c’est-à-dire respectivement en fonction de la quantité de sites d’ions métalliques A+dans l’oxyde et de la quantité de sites d’atomes métalliques A et B dans l’alliage :
VMA/ox VMA/all =
call
NA+ cox (3.13)
La quantité d’ions métalliques qui diffusent vers la surface vaut alors, en fonction de l’épaisseur d’alliage consommée dXint et de la quantité de sites atomiques par unité
de volume dans l’alliage call :
dnA+ = dXint
call NA+ cox
S NA+ cox (3.14)
dnA+ = dXint S call (3.15)
Comme pour le flux JA1 (Équation (3.6)), le flux JA+ des ions métalliques dans la
couche d’oxyde en direction de la surface peut s’exprimer : JA+ = − dnA+ S dt (3.16) JA+ = − dXint S call dt S = −Vint call (3.17) Ainsi, la continuité des flux normaux en élément oxydable à l’interface allia- ge/oxyde s’exprime en fonction des expressions du flux d’atomes oxydables pro- venant de l’alliage qui traversent l’interface alliage/oxyde (Équation (3.10)) et du flux des ions métalliques dans la couche d’oxyde en direction de la surface (Équa- tion (3.17)) :
−Vint NA(int) call− ˜D ∂ NA ∂x x=X int
call = −Vint call (3.18)
Vint NA(int)−1 + ˜D ∂ NA ∂x x=X int = 0 (3.19)
Cette condition dépend seulement de la concentration en élément oxydable dans l’alliage au voisinage de l’interface alliage/oxyde et de grandeurs cinétiques propres à l’alliage : la cinétique d’oxydation de l’alliage qui donne la vitesse Vintde l’interface
68 Modélisation de l’appauvrissement du substrat lors de l’oxydation
Par ailleurs, on remarque que l’on retrouve le bilan de matière à l’interface al- liage/oxyde (Équation (2.58)) développé dans le modèle de Whittle et al. [86] et présenté dans la Partie 2.5.2. L’écriture en fonction des fractions molaires permet donc de s’affranchir de la concentration dans l’oxyde.