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2.5 Modèles d’appauvrissement du substrat

2.5.1 Modèle analytique d’appauvrissement du substrat : modèle de

élément s’oxyde pour former un oxyde monocouche en surface et le substrat s’ap- pauvrit en élément oxydable (cf. Partie 1.1.2). En supposant que le produit de la réaction d’oxydation est un oxyde entièrement externe, si la couche d’oxyde formée est épaisse et compacte, et que l’équilibre thermodynamique local est supposé entre les phases de part et d’autre de l’interface alliage/oxyde, la cinétique d’oxydation est contrôlée par la diffusion de l’élément oxydable dans l’une des deux phases.

48 Mécanismes et modèles d’oxydation

En toute rigueur, la diffusion de l’élément oxydable doit être équilibrée dans le substrat et dans l’oxyde pour que l’équilibre à l’interface soit atteint. Mais si la cinétique d’oxydation de l’alliage est beaucoup plus lente que celle de l’élément oxydable pur, l’oxydation de l’alliage est considérée contrôlée par la diffusion dans le substrat [27]. Pour ces alliages binaires, il est donc important de considérer également la cinétique d’oxydation de l’élément oxydable pur.

Ce raisonnement est appliqué par Wagner pour l’oxydation de l’alliage Pt-Ni à 850 et 1100◦C [6], qui forme un oxyde de nickel NiO compact avec une cinétique d’oxydation bien plus lente que pour l’oxydation du nickel pur, lorsque la fraction molaire en nickel dans l’alliage est inférieure à 0,5. La cinétique d’oxydation de cet alliage suit une loi parabolique contrôlée par la diffusion de Ni dans l’alliage vers l’oxyde, ce qui conduit à une teneur en nickel très faible à l’interface alliage/oxyde. Dans des conditions idéalisées, Wagner (1952) [6] a développé un modèle d’appau- vrissement du substrat lors de l’oxydation, qui analyse les flux de l’élément oxydable Ni dans l’oxyde et l’alliage, et donne une solution analytique de l’équation de diffu- sion uni-dimensionnelle (1D) pour calculer le profil d’appauvrissement de l’élément oxydable dans le substrat. La solution analytique de Wagner est détaillée ci-dessous car elle permettra par la suite de valider notre modèle. Les hypothèses faites pour obtenir une solution analytique sont les suivantes :

(a) L’oxyde croit de manière homogène et entièrement externe suivant une ciné-

tique purement parabolique.

(b) L’épaisseur de l’oxyde est directement proportionnelle à la consommation de

l’alliage ; les lacunes injectées dans l’alliage durant la croissance cationique de l’oxyde sont annihilés dans les défauts du cristal et les variations volumiques de la maille élémentaire dans l’alliage lors de l’appauvrissement en élément oxydable sont négligées.

(c) Le coefficient d’interdiffusion dans l’alliage est indépendant de la composition. (d) L’alliage est une solution solide idéale ; de manière plus générale, l’activité

thermodynamique des éléments est égale à leur concentration.

(e) L’équilibre thermodynamique est atteint à l’interface alliage/oxyde dès les pre-

miers instants d’oxydation, ce qui donne une concentration en élément oxy- dable établie et constante à cette interface.

La description de la croissance de l’oxyde compact NiO en surface de l’alliage Pt-Ni est caractérisée en fonction de deux grandeurs représentées sur la Figure2.8 : ∆xoxyde qui définit l’épaisseur de la couche d’oxyde ; et ∆xmétal qui correspond à l’épaisseur d’alliage consommé. L’interface initiale air/alliage est utilisée comme ré- férence tout au long de l’oxydation ; ∆xmétaldéfinit donc le déplacement de l’interface alliage/oxyde vers l’intérieur de l’alliage par rapport à sa position initiale.

Les hypothèses (a) et (b) énoncées précédemment, et les conventions présentées Figure 2.8, permettent d’exprimer le déplacement parabolique de l’interface allia- ge/oxyde vers l’intérieur de l’alliage tel que :

∆xmétal=q2kct (2.45)

où kc est la "constante de corrosion" de l’alliage (comme ceci a déjà été présenté

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Figure 2.8 – Schéma de la croissance d’une couche NiO externe et compacte d’épaisseur ∆xoxyde à la surface de l’alliage Pt-Ni et déplacement de l’interface alliage/oxyde ∆xmétal vers l’intérieur de l’alliage défini par rapport à l’interface air/alliage initiale ; notations utilisées par Wagner [6].

Dans l’hypothèse d’une oxydation contrôlée par la diffusion des cations dans l’oxyde, l’oxydation de l’alliage Pt-Ni peut être comparée à l’oxydation du nickel pur grâce au rapport α des flux de cations nickel dans l’oxyde NiO formé à la sur- face d’un alliage contenant du nickel et dans l’oxyde de même épaisseur formé à la surface du nickel pur :

α= 1 −  NNi(e)/NNi(i) 1/3 1 − NNi(e) 1/3 (2.46)

où NNi(i) est la fraction molaire du nickel à l’interface alliage/oxyde et NNi(e) est la fraction molaire dans l’alliage qui s’équilibre avec l’oxyde. Le raisonnement qui détaille l’expression des flux de cations nickel et permet d’obtenir l’Équation (2.46) est donnée dans l’Annexe A.1.

La cinétique d’oxydation du nickel pur dans l’air à environ 1000◦C suit également une loi parabolique [6]. Le déplacement de l’interface métal/oxyde vers l’intérieur du nickel, ∆x0métal, peut donc s’exprimer en fonction de la constante de corrosion du nickel pur, k0 c : d∆x0 métal dt = k0 c ∆x0 métal (2.47) Le rapport α (Équation (2.46)) permet alors de relier l’oxydation de l’alliage Pt-Ni à l’oxydation du nickel pur, pour donner le déplacement de l’interface alliage/oxyde tel que :

∆xmétal=q2αk0

50 Mécanismes et modèles d’oxydation Solution analytique

Dans l’alliage Pt-Ni, et suivant les hypothèses (c) et (d), la diffusion des éléments oxydables Ni est donnée par l’équation de diffusion (Équation (2.15)), réécrite en 1D : ∂ NNi ∂t = ˜D 2N Ni ∂x2 (2.49)

où NNi est la fraction molaire du nickel dans l’alliage et ˜D est le coefficient d’in- terdiffusion de l’alliage, indépendant de la composition. La condition initiale dans l’alliage est :

NNi = NNi(b) pour t = 0, ∀x > 0 (2.50) où NNi(b) est la fraction molaire du nickel du cœur de l’alliage, et x est définie par rapport à l’interface initiale alliage/air vers l’intérieur de l’alliage comme représenté sur la Figure 2.8.

À l’interface alliage/oxyde, l’hypothèse (e) donne une fraction molaire NNi(i) éta- blie dès les premiers instants. Pour déterminer la valeur de NNi(i), Wagner identifie la "rétro-diffusion" des éléments nobles vers l’intérieur de l’alliage. En effet, le platine ne formant pas d’oxyde, il diffuse obligatoirement vers l’intérieur de l’alliage lors du déplacement de l’interface alliage/oxyde. Pour un déplacement d∆xmétal de l’inter- face vers l’intérieur de l’alliage, la fraction molaire de platine par unité de surface qui doit rétro-diffuser est égale à 

1 − NNi(i)

d∆xmétal. La vitesse à laquelle ceci se pro- duit est égale au flux de diffusion du platine au niveau de l’interface alliage/oxyde. Ainsi, en respectant l’hypothèse (c) :

 1 − NNi(i)d∆xmétal dt = − ˜D ∂(1 − NNi) ∂x x=∆x métal (2.51) Par développement de cette Équation (2.51) en prenant la définition du déplacement de l’interface donnée par l’Équation (2.48), Wagner a déterminé le résultat suivant :

NNi(b)− NNi(i) 1 − NNi(i) = F q 1 2α/γ  (2.52) avec γ = ˜D/kc0, et la fonction auxiliaire F (u) définie comme :

F (u) =πu(1 − erf u) exp u2 (2.53) où erf désigne la fonction erreur ou intégrale de Gauss.

La fraction molaire du nickel à l’interface NNi(i) et le rapport α sont donc déter- minés simultanément grâce aux Équations (2.46) et (2.52).

En l’absence de déplacement de l’interface, et connaissant la concentration NNi(i) constante au cours du temps, l’Équation (2.49) s’apparente à un cas semi-infini et donne la solution analytique [13] :

NNi(x, t) = NNi(i)+  NNi(b)− NNi(i)  erf x 2√Dt˜ ! (2.54) Cette approximation est convenable lorsque l’oxyde formé est suffisamment fin. Dans ce cas, le déplacement de l’interface alliage/oxyde [27] peut être négligé.

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Considérant le déplacement de l’interface alliage/oxyde défini par l’Équation (2.48), la solution de l’équation de diffusion (Équation (2.54)) devient :

NNi(x, t) = NNi(i)+  NNi(b)− NNi(i) erf  1 2x/ √ ˜ Dt  −erf q 1 2α/γ  1 − erfq 1 2α/γ