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Positionnement du travail de recherche

I.3 Modélisation des stratifiés composites

I.3.1 Stratégies et échelles de modélisation des stratifiés UD

I.3.1.2 Les modèles utilisés

Pour pouvoir modéliser le comportement d’un stratifié unidirectionnel, il faut faire un compromis entre précision et temps de calcul. La précision est fortement dépendante de l’échelle de modélisation, comme vu précédemment, tout comme le temps de calcul. Une autre variable dont il faut tenir compte est la dimension du problème à modéliser. En effet, les observations expérimentales ont permis de montrer que pour reproduire efficacement les mécanismes d’endommagement et les phénomènes physiques en jeu, il est nécessaire de se positionner à une échelle pertinente. Cependant, le choix de cette échelle est assez compliquée à définir, c’est pourquoi il existe une littérature assez foisonnante sur les modèles utilisés. Les auteurs comme [Olsson, 2000] ou [Davies et al., 2013] se sont proposés de classifier les modèles existants. Ils distinguent deux grandes catégories : les modèles analytiques et les modèles numériques basés sur la théorie des éléments finis.

Les modèles analytiques servent souvent à modéliser la réponse globale de la structure à l’impact, ils ne permettent donc pas de rendre compte des endommagements localisés sous l’impacteur, contrairement aux modèles numériques basés sur les éléments finis. Effective-ment, ces derniers sont très largement utilisés aujourd’hui, et on peut en distinguer deux sous-catégories : les modèles reposant sur la mécanique linéaire de la rupture, théorie déve-loppée initialement pour les matériaux métalliques par [Griffith, 1921] et les modèles dits “discrets”, qui eux reposent sur une représentation de l’endommagement qui passe par le développement d’éléments spécifiques.

Les modèles analytiques

simpli-cité. En effet, les supercalculateurs n’étaient pas aussi répandus qu’aujourd’hui et n’offraient pas une puissance de calcul suffisante pour pouvoir tenter des approches plus complexes.

[Daudeville et al., 1995] révèle que ces modèles permettent surtout de comprendre les effets de masse, de raideur ou encore de géométrie sur la réponse de la structure étudiée. Les études effectuées ont surtout fait évoluer les méthodes de pré-dimensionnement des structures com-posites comme l’affirme [Olsson, 2000].

Les deux ingrédients utilisés majoritairement sont l’élément masse et l’élément ressort, comme le modèle présenté sur la Figure I.38 utilisé par [Kreculj et Rasuo, 2013].

Figure I.38 – Modèle masse-ressort d’un impact comportant deux degrés de liberté[Kreculj et Rasuo, 2013]

Ces modèles varient suivant ce que l’on souhaite représenter. Lorsque l’on souhaite modéliser un choc dur, l’impacteur est modélisé par une masse ponctuelle, alors que la masse de la plaque est représentée à la fois par sa masse, mais aussi ses raideurs en membrane, en flexion et en cisaillement. Ils sont donc assez simples à mettre en œuvre, mais ils sont limités en termes de possibilités de mouvement, puisqu’ils utilisent uniquement un à deux degrés de liberté, réduisant ainsi les configurations possibles d’impact.

Il existe néanmoins des modèles multi-degrés de liberté, qui sont utilisés lorsque les contraintes de cisaillement dans l’épaisseur ne sont plus être négligeables. [Hu et al., 2019]a étudié la réponse à l’impact d’une structure cylindrique sous pression et le caractère multi-couche de la structure lui a imposé l’utilisation d’un modèle multi-degrés de liberté (Figure I.39), ce qui lui a permis de capter les contraintes dans l’épaisseur.

Figure I.39 – Modèle multi-degrés de liberté utilisé par [Hu et al., 2019]pour un impact d’une structure sous pression

En définitive, ces modèles sont utiles pour modéliser des géométries et des cas assez simples et de connaître l’initiation des endommagements, cependant ils ne permettent pas de remonter précisément à leur nature, ni à leur localisation.

Les modèles reposant sur la mécanique linéaire de la rupture

D’autres modèles sont plus avancés en termes de précision, ce sont les modèles fondés sur la mécanique linéaire de la rupture, initialement développée pour les ingénieurs des années 1930 pour prédire la rupture des matériaux métalliques. Concernant les composites, cette approche a été utilisée dès les premières années d’étude des matériaux composites. Les modèles numériques reposent sur un principe : modéliser le milieu fortement hétérogène du composite par un modèle homogénéisé ayant le même comportement macroscopique. Localement, les raideurs de la fibre et la résine sont supposées égales à un module équivalent. Quant aux fissures intralaminaires, elles ne sont pas directement modélisées. En effet, leur comportement est noyé dans le comportement des interfaces de délaminage, puisque ces dernières sont contrôlées par des critères d’initiation en contraintes. De plus, les interfaces entre deux plis, représentant les interfaces de délaminage, sont explicitement représentées. Ainsi, aucune discontinuité de maillage n’est introduite dans le modèle.

Les auteurs tels que [Ladevèze et Labineau, 2003] et [Abisset, 2012] ont développé leurs modèles dans un cadre thermodynamique à des échelles mésoscopiques. Cela leur permet de remonter aux endommagements dans des structures assez complexes en prenant des caracté-ristiques matériaux homogénéisées. Ensuite, concernant l’initiation des endommagements, les auteurs ont pour habitude d’utiliser des critères en contrainte ou en déformation. D’autres utilisent des variables thermodynamiques maximales via des taux de restitution d’énergie calculées à partir de l’énergie élastique interne [Lemaitre, 1985]. Une fois ces seuils atteint, les propriétés élastiques de la structure sont dégradées via des variables d’endommagement.

L’équation Eq-I.7 exprime le potentiel thermodynamique comme une fonction de variables élastiques (εe: tenseur des déformations élastiques), plastiques (εp: tenseur des déformations plastiques, r : paramètre d’écrouissage isotrope et α : tenseur lié à l’écrouissage cinématique) et d’endommagement (D : variable d’endommagement).

ψ = ψee, D) + ψpp, r, α) (I.7)

Ces modèles sont plus ou moins complexes, du fait du nombre de variables d’états uti-lisées. Elles permettent de décrire le milieu de façon très précise en considérant l’évolution locale des fissures. D’autres modèles non-locaux ont aussi vu le jour comme ceux de [Muller

et al., 1993]et [Fleck et al., 1997], qui eux sont fondés sur des approches à gradient. D’autres auteurs ont quant à eux développé des modèles avec des endommagements anisotropes, ou encore des modèles visco-endommageables [Voyiadjis, 2004].

Les variables d’endommagement utilisées sont souvent associées à un mode de ruine spéci-fique[Ilyas, 2010]ou à un type d’endommagement (ruptures de fibres, délaminage, fissuration matricielle) [Laurin, 2005] [Charrier et al., 2011]. Malgré cela, peu de modèles couplent les différents endommagements entre eux ; par exemple le fait que le délaminage soit initié par les fissurations matricielles. En effet, cela reste encore assez difficile de les lier dans un même élément, c’est pourquoi les modèles où les éléments peuvent “discuter” entre eux sont favo-risés, comme l’expliquent [Lopes et al., 2009],[Faggiani et Falzon, 2010] et [González et al., 2012].

Les modèles dits “discrets”

Le principe des modèles “discrets” consiste à représenter la structure avec des éléments 2D ou 3D liés entre eux par des éléments spécifiques tels que des éléments barres ou des éléments cohésifs. Le but étant de mieux représenter la fissuration matricielle intralaminaire et le délaminage entre plis. Ces modèles présentent donc l’avantage de rester à une échelle assez grande pour ne pas trop pénaliser le temps de calcul, mais assez bas pour capter les phénomènes d’endommagement locaux. [Chang et al., 1990], [Liu, 1998] et [Huchette, 2005] ont observé expérimentalement le couplage entre l’endommagement matriciel et le délaminage induit. Une importante revue des modèles existants sur la prédiction des endommagements à l’impact des structures composites a été réalisée par [Wisnom, 2010]. Il révèle que les premiers modèles discrets ont vu le jour dès les années 1990 avec [Lammerant et Verpoest, 1996]. Il propose un modèle qui permet de mieux comprendre le couplage entre fissurations matricielles et délaminage. [Verpoest et Lomov, 2005] s’est quant à lui intéressé à l’indentation quasi-statique d’un stratifié textile carbone/époxy [904/04]s; la fissuration matricielle est représentée sous forme de ressorts d’une très grande rigidité et ces éléments sont positionnés suivant un motif élémentaire défini à partir des observations expérimentales et sont pilotés par des critères énergétiques. Cette ruine progressive permet de représenter la propagation des fissures intralaminaires et de délaminage.

Le problème majeur de ce genre de modélisation est leur forte dépendance au maillage car il faut positionner les éléments spécifiques à l’endroit où on “suppose” que les fissures se pro-duisent ; on perd donc le caractère prédictif du modèle. Ces problèmes ont été rencontrés par

[Moura et al., 2008] lorsqu’il a utilisé des éléments finis avec des zones cohésives pour capter les fissures matricielles et les délaminages. [Bouvet, 2009]a proposé une approche innovante appelée Discrete Ply Modeling Method fondée sur un endommagement discret. Cette

modé-lisation offre l’avantage de bien pouvoir représenter la réponse des stratifiés unidirectionnels minces ou épais soumis à un chargement d’impact ; cela est possible grâce au couplage entre les interfaces permettant de représenter les fissurations intralaminaires et les interfaces de délaminage. Les plis quant à eux sont discrétisés en éléments volumiques liés entre eux par des ressorts endommageables ou des interfaces endommageables, comme l’illustre la Figure I.40.

Figure I.40 – L’approche Discrete Ply Modeling Method développée par[Bouvet, 2009]

Le modèle permet aussi de prendre en compte la rupture des fibres mais aussi de dissocier les modes d’endommagements pour l’initiation et pour la propagation. Un autre atout de ce modèle est qu’il représente de façon très fidèle l’indentation permanente sur un stratifié UD grâce notamment à la prise en compte des débris restants après le chargement ; ces débris permettant la relaxation des fissures [AbdAllah et al., 2009]. C’est l’un des modèles les plus aboutis à ce jour et est utilisé au-delà des conditions dans lesquelles il a été initialement testé, puisqu’il permet de modéliser des impacts sur des géométries complexes (zones de reprise de plis [AbdulHamid et al., 2015]) ou encore la propagation des dommages sur des plaques pré-fissurées ou pré-trouées.