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Positionnement du travail de recherche

I.2 Comportement à l’impact des structures compo- compo-sites

I.2.1 Comportement et endommagement des stratifiés UD

I.2.1.2 Impact sur stratifié UD : observations générales

L’usage des composites dans des pièces de structure est de plus en plus répandu, notam-ment en aéronautique. De plus, le besoin de voyager dans un moyen de transport fiable est un enjeu majeur pour les constructeurs. Ces deux observations incitent donc les chercheurs à proposer de nouvelles techniques d’évaluations des performances de ce genre de structures, particulièrement à l’impact, qui est le chargement le plus critique pour une structure compo-site. C’est dans cette démarche que [Cantwell et Morton, 1991] a proposé diverses méthodes d’évaluation de ces performances en étudiant les effets de la vitesse de chargement ainsi que de plusieurs autres paramètres influant sur les endommagements et les performances résiduelles associées. Quelques années plus tard, se basant sur ces travaux, [Richardson et Wisheart, 1996] donne la première définition de l’impact basse vitesse, en délimitant notamment la gamme des vitesses admissibles. Il est aussi à l’origine des premières cartographies précises des endommagements.

Les nombreux ouvrages et articles de Serge Abrate notamment [Abrate, 1994]font figure de référence dans le domaine. En effet, les résultats présentés mettent en évidence les scénarios d’endommagement pour un très large panel de matériaux composites. Il y conclue que ces mécanismes sont fortement liés à la structure intrinsèque du matériau. Ainsi, une première séparation a lieu entre les matériaux unidirectionnels, les stratifiés tissés et les structures sandwich. De nombreux paramètres ont été étudiés, notamment la nature et la forme des impacteurs, l’épaisseur du stratifié ou encore les vitesses d’impact. Et ce sont précisément

les vitesses d’impact qui ont soulevé des questions chez [Davies et al., 2013] qui a dressé une étude très riche dans une très large gamme de vitesse.

Modes de ruine dans le cas d’un impact

Les différentes vitesses utilisées produisent une multitude d’endommagements que l’on peut classer en trois catégories, nommés modes de rupture, représentées sur la Figure I.1

ci-dessous.

Figure I.1 – Modes de ruine d’un stratifié unidirectionnel[Smith, 1993]

Ainsi les trois modes observés sont :

— La rupture intralaminaire : elle se trouve à l’intérieur du pli. C’est en fait une rup-ture de la résine, étant donné que sa résistance est faible. Elle peut aussi être due au déchaussement fibre/résine qui se produit à l’inter-phase entre les deux matériaux. — La rupture interlaminaire : elle se situe à l’interface entre deux plis. Elle correspond

à un décollement d’un pli par rapport à son voisin.

— La rupture translaminaire : elle caractérise la rupture transversale d’un pli. Elle apparaît de deux manières différentes, soit en traction (lorsque les fibres atteignent leur déformation maximale) soit en compression (par apparition de bandes de pliages dues à des micro-flambages locaux, que l’on appelle kinking). L’un des premiers auteurs à s’intéresser à ce type de rupture est[Dow et Gruntfest, 1960] dans les années 1960, où il propose une explication de ce phénomène.

Ces trois modes sont à ce jour les seuls à avoir été identifiés expérimentalement, et pilotent donc l’ensemble des scénarios d’endommagement. Ceci étant, lors d’un impact, une combi-naison de ces ruptures est possible et il est dès lors très difficile d’identifier la proportion de chaque mode de rupture dans l’endommagement total du stratifié. Cette difficulté a ouvert de nombreuses voies recherches pour tenter d’identifier proprement un scénario “global” de la ruine des unidirectionnels.

Scénario d’endommagement des structures unidirectionnelles

Le scénario d’endommagement a été étudié par de nombreux auteurs tels que [Abrate, 1994], [Davies et al., 2013]ou encore [Richardson et Wisheart, 1996]. Leurs études montrent que le scénario peut être influencé par de nombreux facteurs, tels que la raideur de la plaque, la vitesse d’impact ou encore la nature et la forme des impacteurs. Ces études d’influence ont permis de reconstruire la chronologie : de l’indentation permanente à la perforation du stratifié. De fait, les auteurs distinguent trois parties dans cette chronologie :

— La fissuration matricielle — Le délaminage

— La rupture de fibres

La fissuration matricielle est l’endommagement qui survient en premier. Il apparaît sous forme de ruptures intralaminaires[Chang et al., 1990]. Des auteurs comme[Choi et Chang, 1992] précisent que cela est possiblement dû à la décohésion fibre/matrice ou à des micro-fissurations de la résine. Ces micro-fissurations peuvent être de deux types : soit ces interfaces intra-plis rompent en traction soit en compression-cisaillement. Dans le premier cas, ces fissures surviennent généralement sur la face libre opposée à l’impacteur. En effet, la flexion prédomine dans ces plis et il est aisé d’initier une rupture au vu des faibles valeurs d’initiation de la résine en traction. Dans le deuxième cas, c’est la combinaison entre les contraintes de compression sous l’impacteur et les contraintes de cisaillement dans l’épaisseur qui en sont l’origine selon [Davies et al., 2013]. Une fois initiées, elles se propagent vers les plis adjacents avec un angle de 57° [Aubry, 2013]. Ces observations (Figure I.2) ont été étudiées en détail par [Bouvet, 2009].

Figure I.2 – Types de fissurations matricielles dans les stratifiés UD : (a) Fissurations par cisaillement hors-plan et (b) Fissurations par flexion[Choi et Chang, 1992]

Un consensus dans le domaine est de dire que ces fissurations intra-laminaires sont les précurseurs des délaminages. En réalité, il est assez délicat d’identifier clairement quel phéno-mène initie l’autre. Pour tenter de trouver une explication, [Bouvet, 2009] et son équipe ont effectué des coupes microscopiques d’un stratifié UD carbone/époxy T700/M21 de stratifi-cation [02,452,902,−452]s d’épaisseur 4.16 mm, impacté à 25 J. Des fissurations matricielles très marquées sous l’impacteur et orientées principalement à ±45° sont observées. Une fis-sure sur le pli opposée à l’impacteur complète les observations. Ceci étaye évidemment les observations effectuées par les auteurs précédemment cités, mais montre aussi qu’il existe un couplage complexe entre ces fissurations et le délaminage (Figure I.3).

Figure I.3 – Coupes micrographiques post-impact[Bouvet, 2009]

On en vient donc au deuxième phénomène du scénario : le délaminage. C’est le phéno-mène le plus critique pour les structures composites. En effet, la séparation entre les plis fait drastiquement chuter la résistance de la structure et n’est donc plus conforme à l’utilisation. En fait, cela correspond à une fissuration de la résine, présente en abondance, entre des plis d’orientations différentes. Lorsqu’une fissure matricielle est initiée, elle se propage jusqu’à rencontrer une zone où les fibres changent de direction (typiquement un pli adjacent), puis elle change de direction pour se propager dans le sens horizontal : ce phénomène crée le dé-laminage [Liu, 1998]. Ce dernier peut être caractérisé par trois modes élémentaires, comme pour les matériaux métalliques (Figure I.4) :

— Le Mode I : mode d’ouverture. Il correspond à un déplacement opposé des lèvres de la fissure perpendiculairement au plan de la fissure. Il est souvent le plus critique et est principalement causé par les contraintes σyy de l’interface.

— Le Mode II : mode de glissement droit. Il est provoqué par le cisaillement plan de la fissure et est perpendiculaire au plan de la fissure. Il est dû aux contraintes σxy de l’interface.

— Le Mode III : mode de glissement vis. Il est considéré comme étant le moins critique pour la propagation des délaminages. Il est causé par le cisaillement situé dans le plan de la fissure et est parallèle au front de la fissure. Il est provoqué par les contraintes σyz de l’interface.

D’une part le Mode III est négligé car peu présent et d’autre part c’est la combinaison du Mode I et du Mode II qui provoque la propagation, avec parfois la prépondérance de l’un d’entre eux par rapport à un autre. Et pour quantifier les énergies dissipées par chacun des modes, le recours à la mécanique de la rupture est nécessaire. En effet, bien qu’initialement développée pour les matériaux homogènes isotropes, son utilisation a permis une étude quantitative des phénomènes de ruine dans les composites. Pour cela on utilise le taux de restitution d’énergie, noté Gc

i (i = I pour le Mode I, i = II pour le Mode II). Il correspond à l’énergie surfacique disponible pour propager une fissure. Si cette valeur est supérieure ou égale à une certaine valeur critique (i.e. l’énergie de création des fissures en surface), alors la fissure se propage [Griffith, 1921] [Hashemi et al., 1990]. Un certain nombre d’essais standardisés existent pour évaluer ces taux de restitution d’énergie.

Pour caractériser le Mode I, il existe un unique essai normalisé : le Double Cantilever Beam (DCB) défini par la norme [ASTM-D5528-01, 2007]. Cet essai a l’avantage de produire une propagation stable de la fissure, ce qui explique le fait qu’il est aussi utilisé pour caractériser les interfaces Tissu/Tissu [Gill et al., 2009] ou même des assemblages collés constitués de métal/colle/composite [Andresen et Echtermeyer, 2006]. Durant l’essai, seules les valeurs de l’ouverture de l’éprouvette, de la propagation de la fissure et de l’effort appliqué sont relevées. Un exemple des courbes obtenues est représenté sur la Figure I.5.

Figure I.5 – Courbes d’effort appliqué et de longueur de fissure pour un essai DCB[Aubry, 2013]

Il existe trois grandes méthodes pour analyser ces essais. La première consiste à mesurer l’énergie dépensée pour propager la fissure, mais cette méthode n’est valide que dans le cas où le comportement est purement élastique durant la charge et la décharge de l’éprouvette. Une seconde méthode est possible et elle consiste à calculer le taux de restitution d’énergie avec la méthode des complaisances. L’équation Eq-I.1 a été proposée par [Kageyama et al., 1987], où P est la charge, B la largeur de l’éprouvette et a la longueur de fissure.

GcI = 2BP2 dC

da (I.1)

La complaisance peut être exprimée par l’équation Eq-I.2, avec k et n des paramètres pouvant être déterminés par une régression linéaire de la courbe ln(C) = ln(k) + n.ln(a).

Enfin, le taux de restitution d’énergie peut être déduit de l’équation Eq-I.3fondée sur la théorie des poutres. Cette méthode a été élargie dans le cas de grands déplacements et donne de bons résultats [Pereira et al., 2005].

GcI = 32P δ

Ba (I.3)

Le Mode II, quant à lui peut être caractérisé par quatre essais standardisés : End Notch Flexure (ENF), End Load Split (ELS), Over Notched Flexure (ONF) et le 4 Points ENF

(Figure I.6).

Figure I.6 – Méthodes de mesure du taux de restitution d’énergie en Mode II des interfaces interlaminaires [Wang et al., 2009]

Le but est de créer une pré-fissure dans l’éprouvette puis d’y appliquer un chargement de flexion. Ceci permet de créer un cisaillement en pointe de fissure : le délaminage se propage donc en Mode II. L’essai ENF est le plus couramment utilisé, car c’est aussi le seul standardisé. Cependant, il est décrié pour un certain nombre de raisons dont l’une est que la fissure se propage de façon très instable et ne permet pas d’établir une “réelle” évolution du taux de restitution d’énergie. Mais sa simplicité fait qu’il est devenu la norme pour la caractérisation du Mode II d’interfaces non seulement UD/UD mais aussi Tissu/Tissu ou même de colles

[Kim et Sham, 2000]. En ce qui concerne le calcul du taux de restitution d’énergie critique, les essais ELS et 4 Points ENF sont analysés à l’aide de la méthode des complaisances. Quant aux essais ENF, la norme JIS [Kyõkai, 1994] permet d’effectuer des essais cyclés de charge / décharge de l’éprouvette et ainsi d’utiliser la théorie des poutres en calculant la propagation de fissure grâce à la perte de raideur après chaque de cycle charge/décharge. Les équations Eq-I.4 et Eq-I.5 permettent de calculer l’avance de la fissure puis le taux de restitution d’énergie. Avec :

— L et B : respectivement la longueur et la largeur de l’éprouvette — Pc : la charge maximale à propagation

— α0 et α1 : respectivement les complaisances durant la charge et la décharge

a=!α1 α0a 3 0+ 23"α1 α1 − 1 # L3 $1 3 (I.4) GcII = 9a2Pc2α1 2B(2L3+ 3a3) (I.5)

Le délaminage a ensuite été étudié plus en profondeur. Les auteurs se sont intéressés à son initiation. De fait, selon [Liu, 1998], il est la conséquence de la différence de raideur en flexion des plis adjacents. Donc plus l’angle entre les plis est grand et plus le délaminage est important. Ainsi, au cours d’un impact, on observe des formes caractéristiques de délaminage fortement influencées par les séquences d’empilement. La forme couramment décrite est celle en forme de cacahuète (peanut shape en anglais) ou encore double hélice dont le grand axe est orienté dans la direction des fibres du pli inférieur et le petit axe orienté dans la direction des fibres du pli juste au-dessus comme montré sur la Figure I.7.

Figure I.7 – Visualisation de la double hélice avec une tomographie à rayons X[Sitnikova et al., 2017]

Les ruptures de fibres constituent la dernière étape du scénario, car les deux premières affectent la résine, qui est moins résistante que les fibres. Elles sont localisées sous l’impacteur dans l’épaisseur. Pour que ces ruptures apparaissent, il faut une énergie d’impact relativement importante (à mettre en relation avec la stratification et l’épaisseur de la plaque). [Davies

et al., 2013]affirme que ces ruptures sont dues à des contraintes localement très élevées et à des effets d’indentation sous l’impacteur. Ainsi, elles commencent par apparaître sur le pli opposé à l’impact à cause des contraintes de traction induites par la flexion globale de la plaque

(Figure I.8) et peuvent apparaître sur des plis proche de l’impacteur lorsque les contraintes de compression sont supérieures aux contraintes critiques. Cependant ce phénomène reste encore marginalement étudié à ce jour dans le cas d’impact sur unidirectionnels.

Figure I.8 – Image CT de rupture de fibres (en rouge) lors d’un impact à 20 J[Mcllhagger, 2020]