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3.2 Modèles physiologiques de la langue

3.2.3 Modèles tridimensionnels

3.2.3.1 Les modèles de Kiritani et al. et Kakita et al., continus et statiques

La première version de Kiritani et al. Kiritani et al. (1975, 1976) ont développé ce mo-dèle tridimensionnel statique dans le but d’étudier les directions des déformations générées par certains muscles intrinsèques et extrinsèques de la langue.

Ce modèle, supposé symétrique, comporte 44 éléments tétraédriques utilisés pour repré-senter la moitié de la langue. Les contraintes et déformations sont distribuées uniformément dans chaque tétraèdre. Chaque élément possède des propriétés élastiques linéaires, isotropes et incompressibles. Les déplacements nodaux sont calculés en statique selon la méthode des élé-ments finis (inversion de la matrice de rigidité).

14 unités fonctionnelles sont constituées à partir de ces tétraèdres (Fig. 3.6) : pour chacune d’entre elles, une contrainte peut être précisée dans une direction spécifique représentant une contraction musculaire indépendante. Le regroupement de ces unités fonctionnelles permet de définir les muscles linguaux, la même unité pouvant appartenir à plusieurs muscles. Le corps de la langue est entouré d’un cylindre elliptique vertical connecté à une surface ellipsoïdale repré-sentant les parois du conduit vocal ainsi que le palais. Un paramètre sert à définir l’orientation de la mandibule.

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La résolution des équations du mouvement est effectuée de manière itérative, afin de prendre en compte les contacts palataux et autres contraintes.

FIG. 3.6 – Modèle de langue de Kiritani et al. : subdivision de la langue en 14 unités fonctionnelles. En haut, le maillage dans son ensemble. En bas, la partie médiale (à gauche) et la partie latérale (à droite).

D’après Kiritani et al. (1976).

L’extension de Kakita et al. Le modèle de Kakita et al. (Kakita et Fujimura, 1977; Kakita et al., 1985) est une extension du modèle de Kiritani avec 86 tétraèdres et 30 unités fonction-nelles. Dans la version finale, les lèvres sont modélisées par un cylindre, dont la section et l’aire représentent l’ouverture labiale et la protrusion, et la cavité laryngée par un ensemble de trois cylindres.

Ce modèle a été couplé à un modèle acoustique. La validation de ce modèle a porté sur la réalisation des voyelles de l’anglais américain évaluée par comparaison avec des données ana-tomiques et physiologiques. Les auteurs se proposent aussi d’utiliser ce modèle pour expliquer certaines caractéristiques de la parole comme la faible variabilité des formants de la voyelle /i/ lors d’une modification importante des niveaux des forces appliqués sur les muscles alors activés.

3.2.3.2 Le modèle de Hashimoto and Suga, continu et statique

Le modèle de Hashimoto et Suga (1986) est un modèle tridimensionnel de la langue de type éléments finis, qui repose sur les mêmes principes que le modèle de Kakita et al.. Les maillages de la langue et des parois du conduit vocal sont toutefois plus précis que dans le modèle précédent. Le nombre d’éléments du maillage de langue est plus élevé, offrant une

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meilleure description de la structure interne de la langue et du conduit vocal (réalisée à l’aide de quadrangles).

Ce modèle élastique linéaire est quasi-incompressible (coefficient de Poisson égal à 0,49), et le module de Young de chaque élément varie entre 100 et 400 kPa afin de prendre en compte le nombre de fibres musculaires qu’il supporte.

Ce modèle a essentiellement été exploité pour résoudre des problèmes d’inversion, c’est-à-dire trouver la relation qui unit la forme de la langue aux commandes musculaires. Pour ce faire, les auteurs se sont basés sur des données cinéradiographiques de Perkell, et ont recher-ché les commandes optimales pour obtenir ces formes de langue à l’aide d’un algorithme de minimisation.

3.2.3.3 Le modèle de Wilhelms-Tricarico, continu et dynamique

Les différents modèles continus présentés jusqu’à présent considèrent les tissus linguaux comme étant linéaire. A notre connaissance, Wilhelms-Tricarico est le premier à avoir pris en compte la non-linéarité des matériaux pour modéliser la langue. Deux modèles seront présentés, tous deux basés sur la théorie des éléments finis, de complexité très différentes.

Modèle initial de Wilhelms-Tricarico Le but de Wilhelms-Tricarico (1995) à travers cette première version était de proposer un modèle géométriquement simplifié de la langue afin de tester ses algorithmes de résolution. Ce modèle est composé de 42 éléments hexaédriques qua-dratiques, à partir desquels 8 muscles (génio-glosse antérieur et postérieur, stylo-glosse, hyo-glosse, linguaux inférieur et supérieur, verticalis et transversalis) sont définis sur la base d’atlas anatomiques (Fig. 3.7). Les nœuds correspondant à des insertions musculaires sont fixes. Les directions de contraction pour les fibres musculaires sont déterminées à partir de la forme de la langue au repos, et des coefficients correspondant à la densité (et assimilés à la capacité de génération de forces) sont associés à chaque fibre. Les fibres volumineuses vont donc pouvoir générer davantage de forces que les fibres de faible volume.

Deux types de contraintes sont définis pour les tissus linguaux : des contraintes actives et passives. Le comportement passif des muscles est considéré comme isotropique, visqueux (loi de viscosité linéaire) et hyperélastique (modélisation mécaniquement et géométriquement non linéaire) ; les composantes passives vont permettre de modéliser la réaction des tissus aux déformations. Les fibres musculaires correspondent à des champs de force qui spécifient la direction dans laquelle les tensions actives et passives sont générées. L’activation musculaire est intégrée directement dans la loi de comportement des éléments actifs. Pour un point matériel P, un muscle actif m génère au temps t une contrainte activeτ(P,t)m, qui dépend d’un paramètre d’entréeπm(un paramètre est défini pour chaque muscle), compris entre 0 et 1, de l’élongation relative du muscleλm, et de sa dérivée première par rapport au temps ˙λm. On a alors : avec−→rmun vecteur unité qui représente la direction de la fibre m et C le tenseur des dilatations de Cauchy au point P. Le tenseur contrainte de traction qui représente la contrainte musculaire est alors calculé comme le second tenseur de Piola-Kirchhoff Sm:

Smm

λm,λ˙mm

det F/λm2rm⊗ −→rm (3.2)

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avec F le tenseur gradient de la transformation.

Comme pour les modèles précédents, l’incompressibilité est gérée élément par élément.

L’équation du mouvement est décrite par une équation différentielle du second ordre, résolue selon une méthode adaptative de Runge-Kutta du cinquième ordre.

Ce premier modèle a permis de générer quelques mouvements réalistes lors de l’activation des principaux muscles de la langue, mais de nombreuses instabilités étaient aussi observées.

FIG. 3.7 – Premier modèle éléments finis de la langue de Wilhelms-Tricarico. Les nœuds représentés par des étoiles sont fixes (insertions musculaires du stylo-glosse sur le crâne, du génio-glosse sur la mandibule et de la base de la langue sur le plan de l’os hyoïde. D’après Wilhelms-Tricarico (1995).

Second modèle de Wilhelms-Tricarico, créé à partir des données du Visible Human Project Le second modèle (Wilhelms-Tricarico, 2000, 2005a) est anatomiquement et géométriquement beaucoup plus précis que le précédent. La structure interne de la langue a été créée à partir des données du Visible Human Project. Prendre en compte de manière plus précise la morphologie de la langue et de la cavité orale semble en effet indispensable pour améliorer les modèles de contrôle moteur. Pour ce second modèle les éléments utilisés sont des hexaèdres, des prismes et des tétraèdres dont les frontières sont curvilignes (Fig. 3.8).

Les principes de modélisation restent les mêmes que pour le précédent modèle : les tissus linguaux sont considérés comme étant anisotropes (cf. Équation 3.2) et élastiques non-linéaires.

Les non-linéarités géométriques sont également modélisées.

Ce modèle reste le plus ambitieux à ce jour dans le domaine de la modélisation de la langue.

Sa trop grande complexité n’a pas permis son exploitation dans le cadre de la production de parole : les problèmes d’instabilité qui existaient déjà avec le premier modèle n’ont pas été sur-montés avec ce second modèle, encore plus complexe. Un compromis semble donc nécessaire entre la complexité du modèle et les exigences qu’il se doit de remplir.

3.2.3.4 Le modèle de Gérard et al., continu et dynamique

Le modèle de Gérard et al. (Gérard et al., 2003, 2006; Gérard, 2004), réalisé au sein du labo-ratoire GIPSA-Lab en collaboration avec le Research Laboratory of Electronics du Massachus-sets Institute of Technology de Cambridge, MassachusMassachus-sets est inspiré du modèle de Wilhelms-Tricarico (2000).

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FIG. 3.8 – Second modèle éléments finis de la langue de Wilhelms-Tricarico. A gauche, visualisation des différents groupes de muscles (moitié gauche de la langue en vue postérieure). A droite, superposition du maillage et des données anatomiques. Source : Wilhelms-Tricarico (2005b).

Ce modèle est également tridimensionnel, non-linéaire et sa structure interne dérive des don-nées du Visible Human Project (Fig. 3.9). A la différence du modèle de Wilhelms-Tricarico qui avait développé ses propres codes pour la résolution des équations du mouvement, ce modèle est résolu à l’aide d’algorithmes commerciaux (Ansys™). Quelques simplifications ont dû être effectuées afin de rendre ce type de modèle exploitable, tout en conservant une modélisation prenant en compte la complexité de la langue.

Le modèle présenté dans ce mémoire s’inscrit dans la continuité du modèle de Gérard et al..

Nous reviendrons plus en détails sur ce modèle dans le chapitre suivant.

FIG. 3.9 – Modèle de langue et du conduit vocal de Gérard et al.. A gauche, vue en coupe dans le plan médiosagittal. A droite, vue latérale. D’après Gérard (2004).

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