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3.2.1 Modèle MWC

Le développement, il y a plus d’un siècle, des techniques de cristallographie a permis la résolution de la structure de différentes enzymes, mais également de l’hémoglobine, et a montré qu’il existe différents sites au sein de ces protéines : le/les sites de liaison de la molécule efférente, et le site actif, ces sites pouvant être distants de plusieurs dizaines d’angström. Ces observations amènent à l’utilisation généralisée du terme allostérie pour décrire des systèmes dont la liaison d’une molécule sur un site (le site de liaison) est corrélé à des changements structuraux en un deuxième site (le site actif), topologiquement distant du premier.

En 1965 Monod, Wyman et Changeux proposent un modèle pour expliquer le fonctionnement allostérique d’enzymes qui ne peuvent pas être expliqués dans les termes classiques d’enzymologie (Monod et al., 1965).

Leur modèle est basé sur cinq postulats définissant les caractéristiques des protéines allostériques et de leurs transitions d’un état à un autre.

• Les protéines allostériques sont des oligomères ayant au moins un axe de symétrie.

• Il existe au moins deux états distincts dans lesquels l’oligomère existe et la stabilisation de chacun de ces états est réversible. L’énergie d’interaction, ou les interactions elles-mêmes, entre chaque monomère diffèrent selon l’état de l’oligomère.

• Chaque monomère comporte un site -identique- de liaison au ligand. Ces sites sont donc organisés selon le même axe de symétrie que l’oligomère.

• La conformation de chaque monomère est influencée par son

association avec les autres monomères. Ainsi, dans tous les états visités par l’oligomère, sa symétrie est conservée.

• L’affinité d’un ligand pour la protéine varie en fonction de son état. La mise en équation de leur modèle permet de décrire que : pour une protéine à l’équilibre entre deux états A et B, en absence de ligands, la population d’un état sera dépendante de la constante d’isomérisation L de la protéine, constante qui lui est propre. En présence d’un ligand, la population d’un état sera dépendante de cette constante L et des constantes d’affinités XA et XB de ce ligand pour chaque état, le ligand stabilisant l’état pour lequel il a la plus haute affinité (Figure 3.2). Ainsi, le changement conformationnel n’est pas induit par le ligand, ce dernier n’a qu’un rôle stabilisateur d’un équilibre préexistant (Figure 3.3).

De plus, la forme sigmoïde des courbes de dose-réponse observées dans la mesure de l’activité de nombreuses enzymes, et différente des relations hyperbolique du formalisme enzymatique classique, est expliquée par la coopérativité de liaison des molécules efférentes, coopérativité qui est possible si la protéine maintient une symétrie structurale dans chacun de ces états.

Figure 3.2 : Relation dose-réponse de protéines allostériques. Les courbes théoriques des deux graphiques représentent l’apparition de l’état A en fonction de la concentration d’agoniste selon l’équation décrite, et selon que l’on fasse varier la constante d’isomérisation L ou l’affinité du ligand pour l’état A représenté par le rapport ! ! !!

!!. Le terme ! représente quant à lui la concentration de ligand divisée par sa constante de dissociation du récepteur. Ainsi on peut voir que plus la constante d’isomérisation est petite, moins il faut de ligand pour stabiliser l’état A. De même, plus l’affinité pour l’état A est grande (KA << KB), plus la stabilisation de l’état A se fera à basse concentration de ligand. Dans la cas inverse où KA ~ KB, les récepteurs ne peuplent « jamais » à 100% l’état A. Sauf indication contraire les valeurs suivantes ont été utilisées : L=1000, n=5, c=0,001.

3.2.2 Modèle KNF

Les travaux de Koshland, Némethy et Filmer, publiés un an après le modèle MWC, s’attachent à développer différents modèles de transitions de protéines tétramériques et à les confronter aux données expérimentales existantes, notamment sur l’hémoglobine (Koshland et al., 1966). Les modèles testés diffèrent notamment dans le nombre d’interactions que les monomères effectuent entre eux.

Figure 3.3 : Modèles KNF et MWC. Représentation schématique des transitions comportant tous les états dans lesquels une protéine tétramérique peut exister, selon les deux modèles. Les conformations prévues par le modèle KNF sont encadrées en rose et celles prévues par le modèle MWC en vert. Les carrés représentent une sous-unité en conformation basale/fermée et les ronds une sous-unité en conformation active. Le S représente le substrat, ou ligand/agoniste. (Eigen 1967).

Le point sur lequel le modèle KNF diffère le plus du modèle MWC est que la liaison d’un ligand sur une unité est requise pour que cette sous-unité change de conformation (Figure 3.3). Le modèle KNF n’implique pas de coopérativité de liaison des effecteurs, ni de symétrie de conformation de la protéine, c’est la liaison d’un effecteur qui induit le changement conformationnel.

3.2.3 Les RCPs, des protéines allostériques

Dans une étude sur les récepteurs nicotiniques à la jonction neuromusculaire de grenouille, Katz et Thesleff s’intéressent aux propriétés de désensibilisation des récepteurs, c’est à dire à l’entrée dans un état « non-actif » en présence d’agoniste. Ils proposent un modèle d’équilibre thermodynamique où les récepteurs peuplent deux états A et B, différents de l’état de repos (état non actif en absence d’agoniste), et où la présence d’agoniste sélectionne un état par rapport à un autre. Pour

expliquer leurs données, ils proposent également que les récepteurs existent à l’état désensibilisé en absence d’agoniste, un postulat qui est reprit dans le modèle allostérique MWC mais est en contradiction avec le modèle KNF (Katz and Thesleff, 1957) (Figure 3.4 A).

Figure 3.4 : Courants caractéristiques du nAChR. A : Le tracé représente les courants enregistrés à la jonction neuromusculaire de grenouille. La figure est complétée par un modèle de population des états A (ouverts/actifs) et B (fermés/désensibilisés). Les cellules sont perfusées avec deux solutions d’ACh, la première est appliquée en continue (ligne blanche continue), la seconde est appliquée ponctuellement (pointillés blancs). Ces traces permettent ainsi d’observer deux populations de récepteurs 1) les récepteurs ouverts par la perfusion continue (trace continue) 2) les récepteurs ouverts par l’application ponctuelle d’ACh (pics). On peut ainsi observer qu’en présence continue d’ACh la population de récepteurs « ponctuels » diminue avec le temps, ils désensibilisent. On remarque également qu’en absence de perfusion continue, il y a un temps de récupération nécessaire pour de nouveau observer la population entière de récepteurs « ponctuels », ainsi, en absence d’agoniste ces récepteurs existent encore à l’état désensibilisé. B : Les traces représentent les ouvertures d’un récepteur unique nACh en absence d’agoniste. Figure crée à partir de (Katz and Thesleff, 1957; Labarca et al., 1995).

Dans cette étude, les auteurs mettent également en avant une observation : la relation « dose-effet » n’est pas hyperbolique comme le prévoient les formalismes enzymatiques classiques, mais a une forme

sigmoïde et en tirent la conclusion que les récepteurs portent plusieurs sites de liaison de l’ACh et que l’efficacité d’une molécule augmente avec le nombre de molécules liées, en d’autres termes la liaison d’agoniste sur les récepteurs nicotiniques est coopérative.

De plus, des mesures en canaux uniques, c’est à dire qui permettent d’enregistrer les évènements d’ouvertures d’un seul récepteur, ont mis en évidence la propriété des récepteurs-canaux à s’ouvrir même en absence de ligands (Jackson, 1984). Enfin, la mutation d’acides aminés dans le pore des récepteurs, et ce chez différents membres de la famille, entrainent de multiples ouvertures spontanées des récepteurs en absence d’agoniste (Figure 3.4 B) (Bertrand et al., 1997; Chang and Weiss, 1999; Labarca et al., 1995).

Ainsi, ces observations, depuis répétées et confirmées sur différents membres de la famille, sont en accord avec les postulats proposés par la théorie MWC, au contraire de la théorie KNF qui ne prévoit, notamment, pas les ouvertures spontanées de canaux.

Il est aujourd’hui largement accepté que le fonctionnement des RCPs est correctement décrit par un modèle allostérique de type MWC bien que le postulat de symétrie soit dans certains cas, notamment pour les hétéromères, remis en question. Il en est de même pour le postulat initial statuant que les transitions allostériques s’effectuent principalement par des réorganisations quaternaires, et il est admis que des réorganisations tertiaires peuvent avoir lieu, notamment au site de liaison de l’agoniste et des différentes molécules effectrices.

Modèles cinétiques d’activation