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Les anesthésiques généraux (AGs) sont couramment utilisés en médecine et ont de multiples cibles protéiques, parmi lesquelles les RCPs jouent un rôle majeur. Plus précisément, les AGs inhibent les courants excitateurs des nAChRs et potentialisent les courants inhibiteurs des GABAA et GlyRs.

Des études électrophysiologiques ont montré que la fonction de GLIC est négativement modulée par les anesthésiques généraux halogénés tels que le desflurane, l’halothane et l’isoflurane. Dans une plus faible mesure, le propofol et le xénon ont également un effet inhibiteur des courants de GLIC. Ces inhibitions sont observées pour des doses cliniques de composés, et même inférieures à celles couramment utilisées en anesthésie (Weng et al., 2010).

Les mesures fonctionnelles effectuées sur GLIC montrent qu’il est potentialisé en présence d’alcools à courtes chaines, et inhibé par les alcools à longues chaines, comme cela est aussi observé pour le nAChR. Toutefois, les effets potentialisateurs de l’éthanol ne sont observés qu’à des concentrations bien supérieures à celles physiologiquement pertinentes. La mutation d’un résidu de l’hélice M2 (F14’) pointant vers l’intérieur du TMD a cependant permis de conférer à l’éthanol un caractère potentialisateur puissant, le rendant effectif à des concentrations pouvant être observées chez l’humain dans le cadre de l’intoxication alcoolique. La présence de la mutation F14’A impacte également l’effet du bromoforme (dérivé du chloroforme) sur GLIC, en changeant son effet inhibiteur en un effet de potentialisateur (Howard et al., 2011; Sauguet et al., 2013a).

La cristallisation de GLIC en présence de desflurane ou de propofol a permis d’identifier un site de liaison de ces molécules dans la partie supérieure du TMD, au sein d’une cavité intra-sous-unité, préexistante en absence d’anesthésiques. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une étude sur le nAChR a permis de localiser le site de liaison du propofol au sein de cette cavité intra (Jayakar et al., 2013). Cette cavité, accessible depuis la membrane lipidique, est reliée à une deuxième cavité, à l’interface entre sous-unités, non-accessible de l’extérieur de la protéine (Figure 6.2) (Nury et al., 2011).

Des comparaisons de séquence avec les récepteurs GABAA et GlyR, pour

lesquels l’effet des anesthésiques est potentialisateur, indiquent que les acides aminés impliqués dans la liaison aux anesthésiques généraux se situent au même endroit que la cavité inter-sous-unité décrite chez GLIC. Dans les travaux de co-cristallisation sur le récepteur sauvage, la présence des anesthésiques n’a été observée que dans la cavité intra chez GLIC, mais des simulations de dynamique moléculaire ont permis de montrer que les anesthésiques généraux, et plus particulièrement le propofol, pouvaient passer d’une cavité à l’autre (Figure 6.2). De plus, la co-cristallisation de GLIC F14’A et du bromoforme montre que l’anesthésique est présent dans la cavité inter lorsqu’il a un effet

potentialisateur sur GLIC (tout comme sur les anioniques) alors qu’il est majoritairement présent dans la cavité intra lorsque son effet est inhibiteur (en absence de la mutation 14’). De même, la structure de GLIC F14’A co-cristallisé en présence d’éthanol indique une occupation de la poche inter par la molécule.

Figure 6.2 : Sites anesthésiques de GLIC. Au centre, une vue de dessus du pore de GLICpH4 avec les volumes des deux poches anesthésiques, la poche intra sous-unité est en vert, et la poche inter sous-unité en bleu. A gauche du TMD sont représentées les deux cavités et leur occupation par le propofol et le bromoform. A droite sont représentées les mêmes cavités observées sur la structure de GLIC portant la mutation F14’A, montrant que l’éthanol et le bromoforme visitent la cavité inter sous-unité. Figure tirée de (Sauguet et al., 2013a).

Des études en RMN des TMD des sous-unités nicotiniques !7 et !4"2 en présence d’anesthésiques volatils permet également d’identifier les cavités précédemment décrites chez GLIC, dans le récepteur nicotinique. Il est intéressant de noter que les auteurs observent des différences dans la compaction des hélices entre les domaines isolés de ces deux récepteurs générant un volume différent de la cavité de liaison de l’isoflurane, 180Å2 pour "2 et 120,2

pour !7. Ils ont donc proposé que la plus petite cavité d’!7 expliquerait son insensibilité à l’isoflurane (Cui et al., 2012; D. D. Mowrey et al., 2013).

Ainsi, la description de ces deux cavités chez GLIC, l’une inhibitrice et l’autre potentialisatrice, permet d’avancer dans la compréhension des

mécanismes moléculaires par lesquels les anesthésiques généraux, ou l’alcool, modulent la fonction des RCPs. S’il n’est toutefois toujours par possible de proposer un modèle définitif, la localisation de ces poches au sein du TMD, et pour la poche intra, juste derrière les hélices M2 bordant le pore, un mécanisme d’interaction directe avec le canal peut être envisagé.

Il est toutefois important de modérer ces conclusions en rappelant l’apparente contradiction entre les effets inhibiteurs des anesthésiques généraux sur GLIC (en absence de la mutation F14’A) et leur co-cristallisation avec la protéine dans une conformation supposée active. Toutefois, il est raisonnable d’envisager que si les anesthésiques peuvent se lier sur l’état actif des récepteurs, ils montrent une plus grande affinité pour un état fermé qu’ils stabilisent. Cette idée est soutenue par les expériences fonctionnelles réalisées sur GLIC montrant que les effets modulateurs de ces molécules sont plus importants à basses concentrations d’agoniste (EC20) où l’équilibre fermé-actif n’est pas fortement déplacé vers l’état actif.

Très récemment, une étude sur GLIC a identifié de nouveaux sites de fixation du Xénon au sein du pore du récepteur, réminiscents des sites de liaison du bromoforme chez GLIC et du Xénon chez ELIC. La localisation de molécules dont l’impact fonctionnel est inhibiteur, au sein du canal des récepteurs ne permet pas de les étudier en tant que modulateurs, mais de les considérer plutôt comme des bloquants du canal (Hilf and Dutzler, 2008; Sauguet et al., 2016).

Lipides

6.3

Il est connu que les protéines membranaires sont sensibles à leur environnement lipidique, tant pour leur intégrité structurale que pour leur fonction, et les RCPs ne font pas exception à la règle. Certaines études proposent que l’agrégation des nAChRs à la membrane post-synaptique est en partie due à la présence d’îlots lipidiques, notamment riches en

cholestérol ; néanmoins ces hypothèses ont rarement été confirmées in vitro (Barrantes, 2014; Oyola-Cintrón et al., 2015). Toutefois, de nombreuses études ont démontré la sensibilité du nAChR à la présence de lipides anioniques et de cholestérol, leur présence combinée étant critique pour la fonction de ces récepteurs. En effet, leur absence entraine la stabilisation d’une conformation dite « découplée », dans laquelle les récepteurs sont réfractaires à l’activation (daCosta et al., 2013; Martinez et

al., 2002). Ces observations ont été complétées d’études

computationnelles de docking et de dynamique moléculaire, proposant l’existence de sites multiples de liaisons du cholestérol au sein du TMD, notamment au cœur de chaque sous-unité. Il est proposé que le rôle du cholestérol est de maintenir, ou favoriser, les interactions entre hélices au sein du TMD ou avec de l’ECD, afin de stabiliser la conformation active du récepteur (Brannigan et al., 2008).

Figure 6.3 : Lipides co-purifiés avec GLIC. La figure de gauche représente une vue du dessus du TMD de GLICpH4 avec, en représentation sphère, les lipides co-purifiés avec GLIC (orange) et cinq molécules de détergents visualisés dans le pore (jaune). La figure de droite est une vue de coté d’une sous-unité de GLIC avec une représentation en bâtons des résidus aromatiques participant à la stabilisation du TMD. En représentation « lignes » sont indiqués des résidus (isoleucine et leucines) qui sont en contact avec les lipides de GLIC (non représentés dans cette vue pour plus de clarté).

La présence de lipides co-purifiés avec GLIC et leur visualisation dans les structures obtenues par cristallographie laisse à penser que les lipides ont également un rôle essentiel chez ce récepteur procaryote (Bocquet et al., 2009). Depuis cette première observation, différentes études ont cherché à caractériser les effets des lipides sur GLIC. Contre toute attente, ces études ont montré que GLIC n’adopte pas de conformation découplée, à l’inverse du récepteur nAChR, et qu’il est fonctionnel lorsque reconstitué dans divers environnement lipidiques, notamment en l’absence de cholestérol et de lipides anioniques (Dellisanti et al., 2013a; Labriola et al., 2013; Velisetty and Chakrapani, 2012b). De plus, une analyse par mutagenèse identifie un cluster de résidus aromatiques à l’interface entre les hélices M4 et M1-M3 comme participant à la stabilisation du TMD et ainsi la robustesse de la fonction de GLIC dans différents environnements lipidiques (Carswell et al., 2015; Hénault et al., 2015).

Bloquants du canal