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Historiquement, ce sont Del Castillo et Katz qui proposent la première équation permettant de décrire les étapes impliquées dans les transitions entre états des RCPs, en termes cinétiques et non thermodynamique. Le premier modèle comprend d’abord deux états (fermé et ouvert) (Del

désensibilisé (Katz and Thesleff, 1957). Le modèle prévoit l’existence d’un état ligandé-fermé et d’un état ligandé-ouvert.

En effet, l’analyse de données électrophysiologiques obtenues par enregistrements en canal-unique, en présence d’agoniste, montre des périodes de « burst » représentant l’activation des canaux, entrecoupée de périodes silencieuses représentant la désensibilisation des canaux. Au sein des périodes de « burst », il existe des périodes de silence qui représentent l’isomérisation de l’état ouvert vers l’état ligandé-fermé (Figure 3.5).

Figure 3.5 : Enregistrement en canal-unique d’un récepteur nACh. La trace montre les courants enregistrés pour un récepteur unique à la membrane, les ouvertures sont regroupées en « burst » comprenant de multiples évènements d’ouverture et de fermeture. Les longues périodes sans ouverture correspondent à des séjours du récepteur dans l’état désensibilisé. Les étoiles ont été ajoutées pour identifier certaines périodes de fermeture intra-burst (correspondant à l’état ligandé-fermé), ces fermetures sont particulièrement visibles sur le zoom de la trace. Tiré de (Auerbach, 2012).

Ces données ne pouvant être seulement interprétées par la présence d’un état mono-ligandé, le modèle original est complété par l’existence d’un état di-ligandé (Figure 3.6). Le développement de ce modèle a ainsi permis d’expliquer l’activation des récepteurs nicotiniques par l’existence d’états non- mono- et di-ligandés pouvant chacun s’isomériser vers leur état actif respectif. Ainsi, les molécules agonistes se lient avec une faible affinité aux récepteurs fermés, et ont pour effet, non pas d’entrainer directement l’ouverture du canal, mais d’augmenter les constantes

d’isomérisation vers l’état activé. L’agoniste ayant une forte affinité pour l’état activé, il stabilise cette conformation (Auerbach, 2010; Purohit and Auerbach, 2009).

Figure 3.6 : Schéma d’activation pour un récepteur portant deux sites agoniste. L’épaisseur des flèches rend compte des constantes de temps des transitions détaillées (petite flèche : lente, grande flèche : rapide). A : agoniste/ligand, C : état fermé, O : état ouvert.

Néanmoins, ces modèles sont régulièrement revisités et raffinés afin de mieux rendre compte des données fonctionnelles obtenues sur les RCPs (Burzomato et al., 2004; Lape et al., 2008; Mukhtasimova et al., 2009; Sine and Steinbach, 1986).

3.3.1 Le modèle FLIP

Les données obtenues sur le récepteur glycine mesurant les temps de séjours dans les états silencieux à l’intérieur des bursts, c’est à dire les états fermés non-désensibilisés, ne pouvaient pas être uniquement expliquées par l’existence d’états ligandés-fermés de basse affinité pour l’agoniste. Les données suggéraient l’existence d’autres états fermés, de haute affinité.

Les auteurs de cette étude proposent un modèle en deux étapes dans lequel le récepteur ligandé, ou non, s’isomérise en une conformation de haute affinité mais toujours fermée, qui s’isomérise ensuite en une conformation ligandée ouverte. Ils dénomment cette conformation intermédiaire FLIP (Figure 3.7) (Burzomato et al., 2004).

Les auteurs poursuivent leurs travaux en confrontant leur modèle original à l’effet différentiel de certaines molécules : les agonistes et les agonistes

des récepteurs mais avec une probabilité plus faible que les agonistes « complets ». Ils concluent que les différents agonistes ont un impact identique sur la transition de FLIP vers actif, qui est largement favorable une fois que les récepteurs sont dans l’état FLIP. Leurs effets diffèrent dans leur capacité à promouvoir la stabilisation de l’état FLIP (Lape et al., 2008).

Ils décrivent ainsi un état intermédiaire structural obligatoire, de court temps de vie.

Figure 3.7 : Modèles Prime et FLIP. Le modèle Prime a été développé à partir de travaux sur le nAChR hétéromère, un récepteur qui ne possède que deux sites de liaison d’agoniste. Le modèle FLIP a été développé sur le récepteur Glycine qui porte trois sites de liaison de l’agoniste. R : état de repos – fermé, A : molécule d’agoniste, O : état actif – ouvert, P’ ’’ : états primes, F : état FLIP.

3.3.2 Le modèle PRIME

Dans la description de ce modèle, les auteurs étudient également les temps de séjours dans les états ouverts et fermés, mais cette fois sur le récepteur nicotinique. Dans les enregistrements en canal unique, ils observent des périodes de burst et des périodes silencieuses de durées différentes et concluent que le récepteur existe en 5 états différents (Mukhtasimova et al., 2009).

Pour rendre compte de l’existence de ces états, les auteurs proposent l’existence de deux conformations appelées primed :

La première est décrite avec un site occupé par un ligand, dont le temps de vie est de durée intermédiaire et qui précède des ouvertures de courtes durées.

La deuxième possède deux sites occupés (donc pour le nAChR hétéromérique, la totalité des sites), a un temps de vie court et précède des ouvertures de longues durées.

Ils notent de façon très intéressante que la cinétique d’entrée dans ces états intermédiaires primed est indépendante de la présence d’agoniste se différenciant ainsi du modèle FLIP.

3.3.3 Rate Equilibirum Free-Energy Relatioship (REFER)

L’application du principe de REFER (Rate Equilibrium Free-Energy Relationship) à l’étude des récepteurs canaux permet d’étudier les évènements structuraux participant à la transition entre deux états « finaux », l’état de repos et l’état actif, et les classifier en termes séquentiels (Grosman et al., 2000; Leffler, 1953).

Le REFER se base sur deux postulats. 1) Les différents états du récepteur (repos, actif et de transition) sont en équilibre permanent. Le principe du REFER étant de perturber cet équilibre et mesurer les différences d’énergies libres suite à cette perturbation. 2) La variation d’énergie libre de l’état de transition a une relation linéaire avec les variations d’énergies libres des états finaux selon un paramètre noté ϕ. Le paramètre ϕ rend compte de la « position » de l’état de transition sur le chemin entre les deux états finaux (à l’état R ϕ=0, à l’état A ϕ=1). Ainsi, en perturbant le système par l’insertion de mutations ponctuelles et en calculant le paramètre ϕ pour chacune de ces positions, il est possible de générer une carte de l’état d’avancement, dans la transition R vers A, de chaque résidu.

Les travaux d’Auerbach et ses collaborateurs ont largement utilisé le REFER afin d’éclaircir les mécanismes structuraux impliqués dans les transitions du récepteur nicotinique. De ces études ils concluent les points

• Les mutations hors du site de liaison de l’agoniste n’ont peu ou pas d’effet sur l’affinité de l’agoniste, impliquant que cette affinité est largement dépendante uniquement de réorganisations locales au sein du site.

• La plupart des positions testées ont un effet indépendant sur la transition. Ainsi il est peu probable que la transition s’effectue telle une réaction en chaine mais plutôt que les résidus se réorganisent localement indépendamment les uns des autres. Ils observent néanmoins que les résidus avec des ϕ similaires sont souvent regroupés au sein de même régions.

De multiples études, ciblant différentes régions et incorporant plusieurs centaines de mutations, ont permis d’établir des modèles de la transition de l’état de repos vers l’état actif, selon la région ciblée (Pour rappel de la structure d’un RCP, voir figure 2.1) (Chakrapani et al., 2004; Cymes et al., 2002; Grosman et al., 2000; Purohit et al., 2007). Une étude récente utilisant le REFER à l’échelle du récepteur entier montre que le milieu du domaine extracellulaire, notamment dans la proximité de la poche orthostérique, bouge très tôt au cours de la transition, et qu’il en est de même pour certains résidus de la boucle M2-M3 et de l’hélice M2 (ϕ ~0,95). Ces résultats obtenus sur deux régions éloignées de plusieurs dizaines d’Å confirment que la transition ne s’effectue pas par une cascade de réorganisations partant du haut du récepteur (poche orthostérique) au bas du récepteur (pore). Ils identifient d’autres clusters, ou régions, avec des ϕ de différentes valeurs et proposent ainsi le modèle suivant :

Lors de l’isomérisation de l’état de repos à l’état actif, la région de mi- ainsi que la boucle M2-M3 effectuent la transition en premier, suivis du reste de l’ECD et de l’interface entre ECD et TMD. S’ensuivent un mouvement du cœur du TMD et donc des hélices M2 formant le pore, puis des réarrangements à la périphérie du TMD (Purohit et al., 2013).

Dans une autre étude, utilisant le principe du REFER (mesure des temps de séjours dans les états ouverts et fermés permettant de déduire les constantes temporelles d’ouverture et de fermeture du récepteur), des mutations ont été réalisées sur le nAChR dans le but d’accélérer les transitions d’ouverture du récepteur. Les auteurs observent que ces constantes peuvent être accélérées jusqu’à un plateau. Ils proposent ainsi qu’il existe une limite cinétique à l’activation d’un récepteur et estiment cette limite à 0,86*s-1

. On peut envisager que cette valeur, dépendante de la taille de la protéine et des interactions effectuées par les acides aminés la composant, puisse être différente selon le type de récepteur étudié, néanmoins ce travail permet d’établir un ordre de grandeur du temps nécessaire aux réorganisations structurales des RCPs pour passer d’un état à un autre (Chakrapani and Auerbach, 2005).

Figure 3.8 : Transition repos-actif du récepteur nACh. Les données obtenues sur le récepteur nACh ont été cartographiées sur la structure de GLIC. Les acides aminés étudiés par REFER sont colorés selon leur valeur de ). Les flèches sur la structure principale indiquent les deux régions bougeant en premier dans la transition structurale de repos vers actif. Figure tirée de (Purohit et al., 2013).

4. Etude du récepteur-canal bactérien, GLIC

Caractérisation fonctionnelle de GLIC