• Aucun résultat trouvé

Développement technique de la méthode TrIQ sur GLIC 2.3

2.3.1 Choix du fluorophore et sa caractérisation

Nous avons utilisé un dérivé bromé du bimane, le monobromo Bimane (mBBr), qui peut se lier de façon covalente à une cystéine, permettant de le localiser très précisément au sein des protéines. En solution, le mBBr a un pic d’excitation à 385nm et un pic d’émission à 485nm (Figure 1A). Ce fluorophore est peu fluorescent dans sa forme non-liée, et montre une très forte augmentation de fluorescence suite à sa réaction avec une cystéine, ce qui permet de limiter le bruit de fond venant de fluorophores n’ayant pas réagi avec la protéine (Figure 1A).

Figure 1 : Caractéristiques spectrales du mBBr. A : Spectres d’émission et d’excitation du mBBr (10*M) en solution, après réaction avec des cystéines libres (1mM), acidification du milieu (pH4) ou ajout de tryptophanes libres (25mM). B : Variations de fluorescence du mBBr (10*M), lié à des cystéines, à différents pH en absence (trace violette) ou présence (trace orange) de tryptophanes (25mM). Les points présentés ont été mesurés au pic d’émission du mBBr et normalisés par rapport à la fluorescence du cys-mBBr à pH7,3. Les barres d’erreur représentent l’écart-type (n=3). La structure du mBBr est également représentée, avec une flèche indiquant le site de réaction avec la cystéine, le Br étant le groupe partant.

GLIC étant activé par les protons, j’ai tout d’abord testé l’insensibilité du mBBr à des pH très bas pour m’assurer que les variations de fluorescence que je pourrai enregistrer seraient reportrices d’un mouvement de GLIC et non d’une altération du mBBr par le proton. Ces expériences réalisées à l’équilibre ont confirmé que la fluorescence du mBBr était stable de pH7,3 à pH3 (Figure 1B).

De même, j’ai reproduit les expériences publiées montrant que le bimane est quenché par le tryptophane, en solution dans nos tampons protéiques riches en sels et détergent. J’ai également testé l’insensibilité du quenching du mBBr par les tryptophanes sur une gamme de pHs allant de pH7,3 à pH3 (Figure 1B).

2.3.2 Choix des positions pour suivre les réorganisations structurales de GLIC

Afin de faire réagir le bimane sur le récepteur, j’ai inséré des cystéines en différentes régions de la protéine. Ces insertions ont été faites sur GLIC sans cystéines endogènes (GLIC Cys-less C27S).

Après analyse des structures de GLICpH7 et GLICpH4, j’ai pu identifier différentes régions à cibler pour suivre les réorganisations structurales de GLIC au cours de l’activation.

J’ai ainsi ciblé 6 régions différentes le long de la protéine pour une insertion de cystéine (Figure 2 et Table 1):

− Le haut de l’ECD avec les positions V135, pointant vers le vestibule, et D136 pointant vers l’interface entre sous-unités.

− Le milieu de l’ECD avec la position R133, pointant vers l’interface entre sous-unités et située au niveau de la poche orthostérique. − Le bas de l’ECD avec les positions K33 et A34 situées à la pointe

de la boucle 2, au dessus des hélices M2 formant le pore.

− L’interface entre le et le TMD avec la position P250 sur la boucle M2-M3 reliant l’hélice M2 au TMD et la position Q193 sur le pré-M1 reliant le au TMD.

! Le haut du pore avec la position E243 située en haut de l’hélice M2 pointant vers l’interface entre sous-unités.

! Le bas du pore avec la position T219 située sur la boucle M1-M2 reliant les deux hélices coté intracellulaire de la protéine.

L’effet de quenchers potentiels, tryptophanes mais aussi tyrosines, sur la fluorescence du bimane à chacune des positions a été caractérisé par des mutations en phénylalanine, cet acide-aminé ne provoquant pas de quenching du mBBr (Jones Brunette and Farrens, 2014; Semenova et al., 2009). En l’absence de quencher endogène, j’ai inséré des tryptophanes à différents endroits autour du site de fixation du mBBr, avec l’aide des structures, afin de générer des paires de quenching et quantifier la direction des mouvements de GLIC (Table 1).

Figure 2 : Positions suivies pour l’étude des transitions allostériques de GLIC. La figure présente la structure de GLIC à pH7 avec toutes les positions mutées en cystéines (colorées) ou en tryptophane/phénylalanine (grises). A gauche est représenté le pentamère entier, avec une seule sous-unité colorée en bleu clair, à droite est représenté un unique monomère vu du pore, le code couleur étant identique sur les deux panneaux. Les tryptophanes et tyrosines endogènes étudiés comme quenchers potentiels sont

Table 1 : Couples de quenching. Le tableau présente toutes les mutations réalisées pour une insertion de cystéine, et toutes les positions mutées pour l’insertion de tryptophanes ou l’enlèvement d’un quencher endogène, tryptophanes ou tyrosines.

2.3.3 Estimation du taux de marquage et bruit de fond

Afin de quantifier le rendement de marquage du mBBr sur les récepteurs purifiés, j’ai réalisé des tests d’accessibilité des cystéines en faisant réagir les récepteurs, avant et après marquage par le mBBr, avec le MTS-biotinylé qui peut ensuite être révélé par incubation avec un anticorps fluorescent. Le western blot présenté en figure 3 montre une diminution de marquage au MTS-biotine des récepteurs préalablement marqués au mBBr, montrant une forte réaction du fluorophore sur les mutants cystéine, notamment en position 33 et 136. Toutefois, cette expérience montre également que le marquage n’est pas total et peut varier d’une

Région ciblée Site de liaison du mBBr Quencher potentiel associé Haut de l’ECD V135C W72 D136C S93W Q101W D178W Milieu de l’ECD R133C Y23W S44W Q101W L103W Bas de l’ECD K33C W160 A34C W160 Interface ECD/TMD Q193C P250C W160 Y119 Y194 Y197 Y251

Haut du pore E243C

K33W I201W F238W L241W V242W Bas du pore T219C

position à une autre. GLIC étant un homopentamère, les cystéines de chaque sous-unité sont a priori équivalentes et représentatives des mouvements effectués par le récepteur, ainsi il n’est pas nécessaire d’obtenir un marquage total.

Figure 3: Efficacité du marquage par le mBBr. La figure présente un western blot de différents mutants de GLIC, pré-marqués ou non au mBBr, puis marqués avec un MTS-biotine réagissant avec les cystéines libres. Le western blot a été révélé par un anticorps anti-biotine fluorescent dans l’infrarouge. La détection des échantillons pré-marqués au mBBr étant très faible, une quantité 2 fois supérieure aux échantillons non-marqués au mBBr a été déposée sur le gel.

Le bimane étant un fluorophore hydrophobe, il est susceptible de partitionner dans les membranes et au sein de la couronne de détergent solubilisant GLIC. Ainsi, j’ai quantifié la fluorescence résiduelle, et donc non-spécifique, du mBBr après marquage des récepteurs et purification. Les enregistrements de la fluorescence du récepteur Cys-less, marqué au mBBr et purifié de façon identique aux récepteurs portant une cystéine, montrent une très faible fluorescence non-spécifique que les récepteurs soient en détergent ou reconstitués en liposomes. Par exemple, pour les récepteurs en détergent, la fluorescence du mutant D136C-mBBr est 10 fois supérieure à celle du Cys-less (Figure 4). Ainsi, pour les enregistrements à l’équilibre il n’est pas nécessaire de soustraire le bruit

pouvant parfois introduire un biais fort, notamment dans le cas de la reconstitution en liposomes qui peut s’avérer variable d’un mutant à l’autre.

Figure 4: Evaluation du bruit de fond en fluorescence. Les deux panels présentent des spectres d’émission de D136C-mBBr et du Cys-less-mBBr après marquage au bimane et purification par filtration sur gel. La quantité de chaque mutant enregistré est similaire au sein d’un graphique. Les traces de gauche ont été enregistrées sur des récepteurs en détergent, et les traces de droite sur des récepteurs reconstitués en liposomes.

Analyse des paires de quenching en détergent