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Partie I. Étude bibliographique

I.4 Mesure et modélisation des aérosols organiques secondaires

I.4.2 Modèles de simulation

Des modèles sont développés afin de reproduire et, à terme, de prévoir les concentrations particulaires atmosphériques de l’échelle régionale à l’échelle globale. De nombreux modèles reposent sur des paramètres empiriques tels que le rendement de formation d’AOS et sont basés seulement sur les équilibres gaz-particule (Odum, VBS, VBS-2D) (Odum et al., 1996 ; Donahue et al., 2011 ; Donahue et al., 2012). D’autres modèles utilisent une approche déterministe s’appuyant sur des schémas chimiques explicites destinés à être implémentés dans des modèles de chimie-transport, après simplification. Il en ressort alors qu’ils souffrent de limitations, induites notamment souvent par la seule prise en compte des premières étapes d’oxydation, entraînant un manque d’informations sur les produits formés. Il est donc nécessaire de développer des schémas chimiques plus complets sur les composés organiques

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conduisant à l’aérosol et son évolution au cours de son vieillissement. En effet, les mesures terrains mettent en évidence que les degrés d’oxygénation de l’aérosol (O/C) sont plus importants que ceux observés en laboratoire (chambre de simulation) ou modélisés.

I.4.2.1 Différents niveaux de modélisation

 Modèle chimique : Exemple du Master Chemical Mechanism

Le Master Chemical Mechanism (MCM) est le modèle chimique le plus utilisé dans la littérature. Cet outil décrit l’oxydation complète dans la troposphère libre de 1γ5 COV primaires (alcanes, alcènes, aromatiques, aldéhydes, cétones, terpènes, sesquiterpènes,…). Il a été développé à l’aide de données théoriques, expérimentales et de SAR (structure-activity relationship) sur la cinétique et les mécanismes élémentaires. A ce jour, il est riche de plus de 17000 réactions élémentaires ainsi que de 6700 espèces primaires, secondaires et radicalaires identifiées (version 3.2, mcm.leeds.ac.uk/MCM/). Ce modèle décrivant les différents processus physico-chimiques en phase gazeuse a été couplé à des modèles d’absorption en phase condensée construits d’après la loi de Raoult (Jenkin, 2004), permettant de modéliser la formation d’aérosols organiques secondaires. Bien qu’à l’origine, la modélisation obtenue soit assez éloignée de la réalité (jusqu’à un facteur 100), Camredon et al. (2010) ont récemment démontré un bon accord entre les masses d’AOS mesurées au cours de l’ozonolyse de l’α-pinène (réaction la plus documentée actuellement) et celles prédites par le MCM. Cependant, malgré l’ensemble des progrès effectués ces dernières années, cette approche néglige les voies réactionnelles ayant une faible contribution individuelle mais dont les produits formés peuvent avoir un impact cumulé significatif sur la formation des AOS.

 Modèle chimie transport : Exemple de CHIMERE

CHIMERE est un modèle de chimie-transport (CMT), développé à partir de données météorologiques et d’émissions renseignées ou précalculées. Il calcule le devenir de masses d’air polluées au cours de leur transport dans la troposphère avec une résolution temporelle de l’ordre de la dizaine de secondes (Bessagnet et al., 2004 ; Menut et al., 2011). Les composés étudiés au cours de ces calculs sont des espèces chimiques comme l’ozone ou les COV mais également les particules (sulfates, nitrates et particules carbonées). La résolution spatiale du modèle permet d’avoir à la fois une approche régionale (maillage de l’ordre de la dizaine de mètres) et une approche plus continentale (maillage de plusieurs kilomètres). Afin de mieux

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suivre et caractériser l’évolution de la masse d’air, des mécanismes chimiques ont été inclus, bien qu’ils soient limités vis-à-vis de modèles comme le MCM. Une dizaine d’espèces chimiques est aujourd’hui documentée. Les résultats apparaîssent sous la forme de champs de concentrations dans l’espace et le temps pour l’analyse d’évènements de pollution ainsi que pour la prévision suivant différents scénarii. Récemment, cette approche a été appliquée aux aérosols organiques secondaires (Bessagnet et al., 2008 et 2010). La prise en compte de l’isoprène dans le cadre de CHIMERE (Bessagnet et al., 2008) a ainsi permis de mieux simuler les concentrations en aérosols organiques (mesure vs modèle). Cependant, à l’heure actuelle, il existe des différences entre les quantités d’aérosols organiques mesurées et modélisées malgré l’implémentation dans les modèles de schémas réactionnels toujours plus précis (monoaromatiques, terpènes, isoprène) menant à la formation d’AOS (Bessagnet et al., 2010 ; Hodzic et al., 2011).

I.4.2.2 Prédictions vs mesures

Bien que les modèles aient fait de nombreux progrès depuis une décennie comme la prise en considération des espèces volatiles pouvant induire la formation d’AOS, il existe des divergences entre les observations et les modèles (Volkamer et al., 2006 ; Bessagnet et al., 2008 ; Kroll et Seinfeld, 2008 ; Hallquist et al., 2009 ; Hodzic et al., 2010 ; Bergstrom et al., 2012). Pour expliquer ces différences, plusieurs options sont à prendre en compte : la «non-considération» de certains précurseurs d’AOS et la sous-estimation ou non prise en compte de processus physico-chimiques gouvernant la formation de l’aérosol organique.

 Nouvelles sources d’AOS

La non prise en compte de précurseurs volatils d’AOS est à l’heure actuelle avérée. Il existe de plus, de nombreux processus qui sont mal, peu ou pas représentés dans les modèles :

 Les difficultés inhérentes aux calculs des pressions de vapeur saturante des composés formés lors des divers processus induisent de grandes incertitudes dans les modèles (Simpson et al., 2007).

 Les aérosols organiques primaires peuvent également impacter les concentrations en AOS. En effet, des processus oxydatifs pouvant se dérouler à la surface de l’aérosol primaire peuvent remettre en suspension des composés organiques qui

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pourront à leur tour servir de précurseurs dans la formation d’AOS (Hallquist et al., 2009).

 Les conditions atmosphériques (RH, NOx, h ,…) impactent les différents processus de formation d’AOS. Or, celles-ci ne sont pas encore incorporées dans les différents modèles car insuffisamment renseignées (Kroll et Seinfeld, 2008).  La mise en évidence de composés organiques polyfonctionnalisés,

d’organosulfates ou encore d’oligomères ne peut pas être expliquée par les seuls mécanismes utilisés traditionnellement dans les modèles. Ceci a récemment (Surratt et al., 2008 ; Lin et al., 2012) été explicité en étudiant les processus hétérogènes entre les phases gazeuse et solide de l’aérosol, induisant des modifications importantes sur la formation et la composition chimique des AOS. Il en résulte la mise en évidence de nouveaux composés organiques de haut poids moléculaire issus de divers processus, comme l’oligomérisation, mais également l’observation de composés possédant de hauts degrés d’oxydation identifiés en atmosphères réelles (mais pas encore en laboratoire). Les transformations énoncées ici sont actuellement regroupées sous le terme de vieillissement de l’aérosol. (Heald et al., 2010 ; Chacon-Madrid et Donahue 2011 ; Henry et al., 2012).

 « Nouveaux » précurseurs d’AOS (alcane/alcène/alcyne/HAP)

Parmi la myriade de composés organiques volatils, seul un faible pourcentage est considéré comme une source significative d’AOS. Au sein des nombreuses classes de molécules présentes dans l’atmosphère, les composés organiques de volatilité intermédiaires (IVOC) ont été désignés dans diverses études (Hallquist et al.,2009 ; Tkacik et al., 2012) comme pouvant être des précurseurs importants d’AOS. En effet, existant majoritairement en phase gazeuse dans les conditions atmosphériques, ces composés peuvent former, suite à des processus oxydatifs, des AOS avec des rendements significatifs. Composés qualifiés de volatils (IVOC), ils sont majoritairement émis lors de processus de combustion d’origine anthropique (émissions Diesel par exemple) mais aussi de biomasse. Une grande majorité des IVOC a pu être identifiée à l’aide de méthodes chromatographiques couplées à différents détecteurs comme la spectrométrie de masse. Au sein de cet AOS existe cependant encore à l’heure actuelle une fraction complexe non identifiée (Unresolved Complex Mixture) qui, comme le présente la Figure I-13, semble fondamentale dans la formation et la compréhension des estimations de flux d’AOS (Tkacik et al., β01β).

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HAP

n-alcanes

Heure apr s l’ issio du pr curseurs

M ass d’ AO S for e µ g k -1) Matrice non résolue Mono aromatique

Figure I-13 : Estimation des masses d’aérosols produites en fonction du temps (Tkacik et al., 2012).

Parmi les IVOC incriminés dans la formation des AOS, les HAP ont récemment reçu une attention particulière. Quelques rares études ont démontré que cette classe de composés était de première importance dans la formation des AOS (Chan et al., 2009 ; Shakya et Griffin, 2010 ; Kautzman et al., 2010 ; Kleindienst et al., 2012). Il en est de même pour les alcanes à longues chaînes (Presto et al., 2010 ; Tkacik et al., 2012). De plus, Pye et Pouliot (2012) ont récemment confirmé les tendances observées en chambres de simulation atmosphérique en démontrant par une approche théorique que les alcanes à longues chaînes (> C13) et les HAP sont des précurseurs anthropiques importants d’aérosols organiques secondaires.