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Partie I. Étude bibliographique

I.5 Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP)

I.5.3 Réactivité des HAP en phase gazeuse

I.5.3.1 HAP non-substitués

Les HAP non-substitués sont les plus documentés dans la littérature. Deux équipes, celle de Roger Atkinson d’une part et de Douglas Lane d’autre part, ont notamment étudié depuis une trentaine d’années la dégradation de différents HAP en phase gazeuse avec les oxydants atmosphériques. Le Tableau I-7 synthétise les différentes constantes de vitesse mesurées ainsi que les temps de vie des principaux HAP non-substitués.

Tableau I-7 : Présentation des constantes de vitesse et des temps de vie dans l’atmosphère pour différents HAP

en phase gazeuse mesurées à température ambiante ([OH]12h= 2 × 106 molécule cm-3, [O3]24h = 7 × 1011 molécule cm-3, [NO3] = 5 × 108 molécule cm-3 et [Cl] = 1 × 104 molécule cm-3, Finlayson-Pitts et Pitts, 2000).

HAP kOH a (× 10-11) Temps de vie (OH) kCl a (× 10-13) Temps de vie (Cl) kO3 a (× 10-16) Temps de vie (O3) kNO3 a (× 10-12) Temps de vie (NO3) Naphtalène 2,3b 6,0 h 9,1f 3,5 ans 2,0 × 10-3 e 82 j 8,6 × 10-5 e 270 j Acénaphtylène 11,0c 1,3 h 3,99c 1,0 h 4,42c 7,5 min Acénaphtène 9,9d 1,4 h 1,8 × 10-3 d 92 j 0,42d 1,3 h Phénanthrène 1,3b 10,7 h 4,0 × 10-3 e 41 j 0,12e 4,6 h

aUnité : cm3molécule-1s-1; b Brubacker et Hites, 1998 ; cZhou et Wenger, 2013b ; dZhou et Wenger, 2013a ; eCalvert et al., 2002 ; fWang et al., 2005

La dégradation des HAP en phase gazeuse est majoritairement initiée par la réaction avec le radical hydroxyle (OH). Pour certaines espèces et dans certaines atmosphères spécifiques, les réactions avec l’ozone (O3), le radical nitrate (NO3) et le chlore (Cl) peuvent également être importantes (Finlayson-Pitts et Pitts, 2000 ; Calvert et al., 2002 ; Keyte et al., 2013).

 Mécanismes de photooxydation  Avec le radical hydroxyle

A pression atmosphérique et température ambiante, l’oxydation des HAP non-substitués, par le radical OH en phase gazeuse est à forte majorité guidée par l’addition de l’oxydant sur le cycle aromatique et la formation de l’adduit : OH-HAP (Atkinson et Arey, 2007). Ce dernier peut ensuite réagir en fonction des conditions avec O2 ou NO2 commeillustré dans la Figure I-16. La décomposition de l’adduit n’est pas considérée car elle est négligeable à température

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ambiante (Atkinson et Arey, 2007). De ce fait, lors de la photooxydation du naphtalène en présence d’oxydes d’azote, une compétition demeure entre les deux voies de réaction qui sont d’égale importance dans l’atmosphère, à partir d’une concentration de l’ordre de 60 ppb de NOx (Nishino et al., 2008, 2010). Contrairement aux monoaromatiques, dont la compétition s’opère à des concentrations de NO2 de l’ordre de 1,2 à 3,3 ppm (Koch et al., 2007), la formation de HAP-nitrés peut ainsi s’observer dans des atmosphères urbaines riches en NOx.

Figure I-16 : Mécanisme d’oxydation du naphtalène par le radical OH en phase gazeuse (Atkinson et Arey,

2007).

Les constantes de vitesse des adduits OH-benzène, OH-toluène et OH-xylène avec NO2ont été mesurées à 298 K entre 2,75 et 3,6 × 10-11 cm3 molécule-1 s-1 et entre 1,6 et 8,8 × 10-16 cm3 molécule-1 s-1 avec O2. En comparaison, la constante de vitesse du naphtalène avec NO2 est du même ordre de grandeur que celle des monoaromatiques (3 × 10-11 cm3 molécule-1 s-1) alors que celle avec O2 est un ordre de grandeur plus faible (~ 1 × 10-17 cm3 molécule-1 s-1), expliquant ainsi l’impact plus important du dioxyde d’azote dans les réactions de l’adduit OH-naphtalène (Nishino et al., 2012).

L’oxydation des HAP par le radical OH s’articule selon deux types de mécanismes : l’ouverture de cycle d’une part, résultant de la perte d’aromaticité du composé et conduisant à la formation de composés polyfonctionnalisés, et la rétention de cycle d’autre part (Atkinson et al., 1987 ; Kwok et al., 1994 ; Bunce et al., 1997 ; Reisen et Arey, 2002 ;

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Szczepandski et Lane, 2004 ; Wang et al., 2006 ; Lee et Lane, 2009; Nishino et al., 2009a ; Lee et Lane, 2010). Cette dernière voie conduit à la formation de produits mono et polyfonctionnalisés sans perte systématique d’aromaticité. Comme présenté pour le naphtalène dans la Figure I-17, il existe une réelle compétition entre les deux chemins réactionnels. OH OH OO OH NO2 NO2 OH O OH OH O O OH O O O OH O OH O O OH O O OH O O O OH O O O O O OH O O OH O O O O OH OH OH O O O O O + OH NO2 O2 HO2 O2 HO2 O2 HO2 O2 HO2 H2O O2 HO2 O 2 HO2 O 2 HO2 O2 HO2 H2O O2 NO2 NO O2 NO NO2 . . . . . . . . . . . . .

Figure I-17 : Mécanisme d’oxydation du naphtalène par le radical hydroxyle (Kautzman et al., 2010).

Les produits identifiés en phases gazeuse et particulaire suite à l’oxydation de l’acénaphtylène, de l’acénaphtène et du phénanthrène par le radical hydroxyle sont issus de processus réactionnels similaires (Reisen et Arey, 2002 ; Zhou et Wenger, 2013a, b).

 Avec le radical chlore

Il existe, à l’heure actuelle, très peu de travaux sur l’oxydation des HAP par le chlore atomique. Seule une étude publiée par l’équipe d’Atkinson (Wang et al., β005) propose une mesure de la cinétique du chlore avec le naphtalène et des alkyl-naphtalènes en phase

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gazeuse. De même, aucune donnée n’est disponible actuellement sur leur mécanisme d’oxydation, aussi seule une analogie avec les monoaromatiques peut être envisagée. Dans le cas du toluène par exemple, le mécanisme d’oxydation est majoritairement gouverné par l’arrachement d’un hydrogène sur le groupement méthyle, ce qui n’est pas le cas lors de son oxydation par le radical hydroxyle (Wang et al., 2005 ; Cai et al., 2008). Pour le benzène, une compétition subsiste entre les voies d’addition et d’arrachement (Sokolov et al., 1998). Par comparaison, on peut supposer qu’il existe également une compétition entre les deux voies, pour les HAP non-substitués. Compte-tenu de la structure particulière de l’acénaphtène, on peut penser que la voie d’arrachement d’un atome d’hydrogène peut être privilégiée au niveau des carbones saturés.

 Avec l’ozone

La faible réactivité en phase gazeuse des HAP avec l’ozone a limité le nombre d’études portant sur la caractérisation de ce processus d’oxydation. De par sa structure particulière, l’acénaphtylène est le seul HAP réactif en phase gazeuse vis-à-vis de l’ozone. En effet, la réactivité des HAP en présence d’ozone ne devient importante qu’en phase hétérogène (Perraudin, 2004 ; Miet, 2008 ; Zhang et al., 2010). Si aucun mécanisme complet n’est à ce jour proposé, plusieurs composés ont cependant été identifiés dans les deux études portant sur l’oxydation de l’acénaphtylène par l’ozone (Reisen et Arey, 2002 ; Zhou et Wenger, 2013b). L’identification en phase gazeuse d’un ozonide secondaire (isomérisation de l’intermédiaire de Criegee) et les données disponibles dans la littérature sur l’oxydation des alcènes ou des terpènes (Calvert et al., 2002 ; Na et al., 2006 ; Jonsson et al., 2008), ainsi que le mécanisme réactionnel général illustré ci-après (Figure I-18) permettent d’établir une analogie entre l’acénaphtylène et les divers composés déjà étudiés (Atkinson and Arey, 2003 ; Docherty et al., 2005).

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Figure I-18 : Mécanisme général d’oxydation d’un COV en phase gazeuse par l’ozone (Calvert et al., 2002).

 Avec le radical nitrate

Les réactions en phase gazeuse des composés aromatiques avec le radical NO3 deviennent importantes dans la chimie troposphérique pour les composés présentant des doubles liaisons sur des substituants de la molécule (par exemple, l’acénaphtylène ou le styrène) et pour des composés phénoliques (Atkinson, 1991 ; Calvert et al., 2002). Par analogie avec le mécanisme d’oxydation par le radical OH, les réactions en phase gazeuse initiées par le radical nitrate suivent deux voies : (1) addition du radical NO3 sur un atome de carbone de la structure aromatique ou, comme pour l’acénaphtylène, sur une double liaison appartenant à un groupement substituant ; (2) arrachement d’un atome d’hydrogène sur un substituant de la molécule aromatique (C-H ou O-H). Pour les composés ne présentant pas de carbone primaire ou secondaire comme le naphtalène, l’acénaphtylène ou encore le phénanthrène, l’addition, est privilégiée. La réaction conduit à la formation d’un adduit : NO3-HAP (Figure I-19).

Figure I-19 : Mécanisme d’oxydation du naphtalène en phase gazeuse par le radical nitrate (Atkinson et Arey,

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Les constantes de vitesse des réactions avec NO3 proposées dans le Tableau I-7 sont calculées comme une somme de réactions élémentaires suivant l’équation (4) :

La décomposition de l’adduit NO3-HAP est à prendre en compte contrairement à celle de l’adduit OH-HAP qui, à température ambiante, est négligeable. Cette observation est également valable pour les monoaromatiques non-substitués comme le benzène ou le biphényl. En effet, la décomposition de l’adduit NO3-benzène est majoritaire, entraînant l’absence de réactivité de ce composé vis-à-vis du radical nitrate. L’équipe d’Atkinson a démontré dans différentes études (Atkinson, 1991 ; Atkinson et Arey, 1994, 2007) que la formation de l’adduit NO3-HAP dépendait majoritairement de la décomposition de celui-ci (kb) et de la réaction avec NO2 pour une concentration en dioxyde d’azote de l’ordre de 80 ppb (ou moins). La constante de vitesse est, de ce fait, majoritairement dépendante de la concentration de dioxyde d’azote comme l’indique l’équation suivante (5) :

Lorsque kb >> kc [NO2] >> kd [O2] + ke (Atkinson, 1991).

La formation de l’adduit représente la voie majoritaire de réaction des HAP avec le radical nitrate, sauf pour l’acénaphtène qui possède deux atomes de carbone secondaire, pour qui, une compétition subsiste entre les voies d’addition et d’arrachement (Figure I-20) (Atkinson, 1991).

(5) (4)

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Figure I-20 : Mécanisme d’oxydation de l’acénaphtène en phase gazeuse par le radical nitrate (Atkinson, 1991).

La photolyse des HAP en phase gazeuse n’est pas une voie de dégradation avérée. Ce type de processus peut devenir majoritaire pour des produits d’oxydation primaire ou secondaire comme les nitro-HAP ou certains HAP oxygénés (Atkinson et al., 1989 ; Wang et al., 2006 ; Healy et al., 2012 ; Nishino et al., 2012).

Dans l’atmosphère, l’oxydation des HAP conduit à la formation de composés carbonylés ou nitrés, quel que soit l’oxydant envisagé. Les différentes études ayant caractérisé les produits en phases particulaire et gazeuse, ont montré lors de l’oxydation avec NO3, OH ou O3 que les produits formés ont des structures similaires (Wang et al., 2007 ; Chan et al., 2009, Lee et Lane, 2009, 2010, Kautzman et al., 2010). Cependant, les rapports de branchement et les rendements de formation des différents produits d’oxydation primaire ou secondaire sont variables. Par exemple, le rendement de formation des composés nitrés est plus important lors des processus d’oxydation du naphtalène par le radical nitrate que par le radical hydroxyle en présence de NOx : 1-nitronaphtalène (0,012 ± 0,009) avec OH et (0,244 ± 0,065) avec NO3 ; 2-nitronaphtalène (0,013 ± 0,011) avec OH et (0,110 ± 0,036) avec NO3 (Sasaki et al., 1997b).

I.5.3.2 HAP substitués