• Aucun résultat trouvé

Les modèles cellulaires

Dans le document en fr (Page 104-108)

1.

Les trophoblastes isolés à partir de placenta

À partir d’un placenta à terme (issu d’une grossesse normale ou prééclamptique), il est possible de disséquer les villosités et de purifier les trophoblastes. Ces trophoblastes villositaires peuvent être isolés grâce à un protocole mis au point dans les années 1980 basé sur une digestion par de la trypsine suivie d’une purification sur un gradient de Percoll, et qui

permet d’avoir une purification proche de 80 % (Kliman et al., 1986). Une optimisation de ces cultures primaires a pu être réalisée grâce à l’utilisation de billes magnétiques qui ont ensuite permis d’obtenir un enrichissement d’environ 90 % (Douglas and King, 1989). De façon spontanée, ces cellules établissent un syncytium en culture. Elles sont donc intéressantes pour étudier les mécanismes de régulation de la fusion et de la libération de fragments de syncytium. Ainsi, il a été montré que l’apoptose induite par la perte du potentiel de la membrane mitochondriale était concomitante à une libération accrue de ces fragments de syncytium et que les vitamines anti-oxydantes C et E prévenaient ce phénomène, tout en inhibant la fusion des trophoblastes (Tannetta et al., 2008).

Cependant, ces cellules purifiées ne prolifèrent pas en culture, et donc on ne peut les garder en survie que quelques jours. Cela rend donc leur utilisation limitée.

96

2.

Les lignées de chorio-carcinome humain

Du point de vue de la pratique expérimentale, il est indispensable de disposer de lignées de cellules qui puissent proliférer, tout en arborant des propriétés des cellules

d’intérêt, c'est-à-dire des trophoblastes. Pour cela, les lignées cellulaires de choriocarcinome constituent l’outil le plus classiquement utilisé en placentologie, en particulier les lignées

BeWo, JEG-3 et JAR (Tableau 4). Toutes trois expriment la cyrokératine 7 (KRT7), un

marqueur des trophoblastes. Elles sont utilisées depuis une trentaine d’années, d’où une

littérature relativement abondante. Comme la plupart des lignées cancéreuses, ces lignées ont un caryotype anormal paratriploïde XXY (Poaty et al., 2012).

i. Les cellules BeWo

Les cellules BeWo ont été isolées à partir d’une métastase cérébrale d’un

choriocarcinome (Pattillo et al., 1968). Il s’agirait plutôt d’un modèle de trophoblaste

villeux. Elles constituent un bon modèle pour étudier la fonction endocrine du placenta

puisqu’elles sécrètent de l’hCG, de l’hPL, de la progestérone et des œstrogènes (Pattillo et al., 1968). Elles sont capables de fusionner et de former un syncytium sous l’action d’AMPc (adénosine mono-phosphate cyclique), grâce à l’activation du facteur de

transcription GCM1 qui va alors induire l’expression de la syncytine 1 (Knerr et al., 2005).

ii. Les cellules JEG-3

Les cellules JEG-3 viennent de la même métastase cérébrale que les BeWo mais avec des conditions de dérivation différentes (Kohler et al., 1971). Ces cellules synthétisent

également l’hCG. Elles expriment divers marqueurs de trophoblaste comme KRT7, HLA-G et

CD9. Elles ont principalement été utilisées pour étudier l’invasion et la migration (Hannan et al., 2010). Elles peuvent être transfectées saument, par exemple pour étudier l’impact d’un facteur de transcription (voir Chapitre 4, partie III-3-ii).

iii. Les cellules JAR

Les cellules JAR ont été dérivées d’une tumeur placentaire (Pattillo et al., 1971). Ces cellules n’expriment pas HLA-G. Comme les JEG-3, elles sont utilisées pour étudier l’invasion (Hannan et al., 2010).

97

3.

Les lignées dérivées de cytotrophoblastes

Plus récemment, des lignées ont été établies à partir de cytotrophoblastes issus de

placentas du premier trimestre de grossesse (obtenus suite à des interruptions volontaires

de grossesse). Ces cytotrophoblastes purifiés ont été immortalisés grâce à la transfection de

l’antigène T du SV40. Toutes les lignées existantes ne seront pas détaillées, mais on peut en

trouver une description dans plusieurs revues (Hannan et al., 2010; Sullivan, 2004).

i. HTR8/Svneo

La lignée HTR8/Svneo (Tableau 4) exprime l’hCG. Sa prolifération et sa sécrétion

de l’activateur du plasminogène sont inhibées par le TGF (Graham et al., 1993). Ces cellules présentent un phénotype de cytotrophoblastes endovasculaires lorsqu’elles sont cultivées sur du Matrigel (Highet et al., 2012). Elles sont également utilisées pour étudier la fonction de certains micro-ARN et leur impact sur la survie, la migration et l’invasion (Bai et al., 2012; Luo et al., 2012).

ii. SGHPL

Les lignées SGHPL (Tableau 4) expriment l’hCG et l’hPL. Elles ont des capacités de

phagocytose (Choy and Manyonda, 1998). Elles ont également la capacité de réaliser une

invasion interstitielle et endovasculaire (Cartwright et al., 2002). L’addition de plasma de femmes prééclamptiques dans leur milieu de culture altère leur capacité invasive (Harris et al., 2009b). Dans cette lignée, une régulation de l’expression du récepteur de l’angiotensine de type I par le TGF- a été montrée (Tower et al., 2005).

Globalement, ces lignées, ainsi que celles dérivées de choriocarcinome, présentent toutes certains aspects des cellules trophoblastiques, mais sans être vraiment représentatives

d’un sous-type de trophoblastes (villeux, interstitiels, endovasculaires…), car il y a toujours

98

Tableau 4 : Les lignées cellulaires modèles de trophoblastes

4.

Les trophoblastes dérivées de cellules souches humaines

Une lignée de cellules souches embryonnaires humaines a été dérivée pour la première fois en 1998 (Thomson et al., 1998). Et contrairement à ce qui se passe avec les cellules souches embryonnaires de souris, ces cellules peuvent donner des trophoblastes. En effet, l’extinction par transgénèse de gènes de pluripotence (tels que OCT4, NANOG,

SOX2) entraine la synthèse d’hCG et de GCM1 dans ces cellules (Matin et al., 2004). La culture de ces cellules souches dans du Matrigel et en présence de BMP4 (Bone

Morphogenetic Protein 4) entraine l’expression de marqueurs trophoblastiques et la sécrétion d’hormone placentaire (Xu et al., 2002). Ces cellules traitées au BMP4 sont également capables de donner des syncytia exprimant l’hCG quand elles sont ensemencées à une faible densité. Comme les trophoblastes primaires dérivés de placenta du premier trimestre, les cellules trophoblastiques dérivées de cellules souches sont moins invasives en conditions

hypoxiques qu’en conditions standards (β0 % d’O2) (Udayashankar et al., 2011).

Des cellules du trophectoderme de blastocystes de souris peuvent être cultivées indéfiniment en présence de FGF-4 et de TGF- (Erlebacher et al., 2004; Tanaka et al.,

99

1998). En revanche, cela ne fonctionne pas à partir de blastocystes humains, indiquant

probablement l’importance d’autres facteurs, restant pour l’instant non identifiés.

Récemment, des cellules progénitrices de trophoblastes ont été isolées à partir de

chorion du premier trimestre (Genbacev et al., 2011). Elles peuvent se différencier en cytotrophoblastes et en syncytiotrophoblastes. Elles constituent donc un modèle prometteur.

5.

Limites des modèles cellulaires

Les modèles cellulaires ne rendent pas compte de la placentation, car celle-ci dépend de nombreuses interactions avec l’environnement utérin, notamment les cellules déciduales, les cellules uNK, les macrophages et les cellules des vaisseaux (endothéliales et musculaires). Et même si des co-cultures de cellules déciduales et de cellules trophoblastiques ont été étudiées (Hannan et al., 2010), cela reste une vision très simplifiée de ce qui se passe

réellement au sein de l’organe complexe qu’est le placenta. C’est pourquoi les modèles

animaux sont essentiels.

Dans le document en fr (Page 104-108)