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La génétique de la prééclampsie

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Comme on pouvait s’y attendre au regard du risque de PE augmenté en cas d’antécédents familiaux de PE, il y a une génétique de la prééclampsie. Pour en définir la

part, une étude de référence a été réalisée sur la population suédoise (Cnattingius et al., 2004). Cette étude est basée sur β44 564 paires de sœurs/frères (6β βγ6 paires de sœurs, 63 288 paires de frères, et 119 040 paires frère-sœur) et 701 488 grossesses issues de ces personnes. Cela a permis d’estimer à 55 % la part des facteurs génétiques dans la

prééclampsie, dont 35 % de facteurs maternels, et 20 % de facteurs fœtaux (avec une

contribution équivalente des effets maternel et paternel).

Cela suggère donc l’existence de « gènes » de la prééclampsie. Ceux-ci ont été

extensivement recherchés et différents gènes de susceptibilité ont pu être identifiés. Pour cela, plusieurs approches ont été utilisées : les études à l’échelle du génome entier, dans des

78 familles (liaisons avec des cas familiaux de prééclampsie) ou dans des individus sans lien de parenté, et des études d’association par des approches gènes-candidats.

1. Les études à l’échelle du génome entier

Plusieurs études génétiques à l’échelle du génome entier ont été réalisées et elles révèlent plusieurs loci de susceptibilité (Figure 25).

Figure 25 : Les régions chromosomiques associées à la prééclampsie.

Adapté de (Johnson et al., 2012; Mütze et al., 2008)

Les premières études ont été réalisées dans des familles d’une population donnée,

afin de limiter l’hétérogénéité entre les individus, qui pourrait « noyer » le signal lié à la PE.

Ainsi, un locus sur le chromosome 2 (2p13) a été identifié dans des familles islandaises

(Arngrímsson et al., 1999), et a ensuite été confirmé dans une population finlandaise

(Laasanen et al., 2003). L’étude de 1999 suggérait également un locus en 2q22 (dans un

sous-ensemble des familles analysées). La localisation de nouveaux marqueurs associés à la PE sur le chromosome 2 a renforcée l’analyse de liaison réalisée à partir de familles

79 australiennes et néozélandaises qui avait identifié un locus en 2q23 (Moses et al., 2000). Il

s’agit vraisemblablement du même locus, mais la faible résolution des marqueurs empêchait

une localisation plus précise. À partir des mêmes familles, d’autres loci ont été décrits : sur les chromosome 5 (5q), sur le chromosome 11 (11q23-24) et le chromosome 13 (13q) (Johnson et al., 2007; Moses et al., 2006). Une autre analyse à l’échelle du génome entier à partir de familles finlandaises a révélé un nouveau locus sur le chromosome 2 (2p25), clairement différent de ceux trouvés dans les autres études (Laivuori et al., 2003). Cette étude a également trouvé un locus sur le chromosome 9 (9p13). Une région sur le chromosome 4 (4q) a également été décrite dans une étude sur des familles australiennes (Harrison et al., 1997). Dans des familles hollandaises, des loci sur les chromosomes 10 (10q22), 11 (11q) et 22 (22q) ont également été suggérés (Lachmeijer et al., 2001; Oudejans et al., 2004).

Cinq de ces analyses à l’échelle du génome entier ont été utilisées pour une méta-

analyse (Zintzaras et al., 2006). Cette étude a permis d’identifier de nouveaux loci sur les

chromosomes 2 (deux loci différents en 2q), 3 (3q), 7 (7q), 9 (9q), 18 (18p).

Ensuite, avec le développement de technologies permettant une bien meilleure résolution avec les puces de polymorphismes (SNP), et la diminution du coût pour obtenir cette carte de marqueurs pour chaque individu, de nouvelles études sur des patientes sans

lien de parenté ont été réalisées. Ainsi, 648 175 SNPs ont été génotypés chez 538 femmes

prééclamptiques et 540 femmes aux grossesses normales (Johnson et al., 2012). Cela a permis de trouver 2 SNPs significativement associés, en 2q14.2, situé dans une région intergénique, à 15 kb en amont du gène de l’Inhibine (INHBB).

Ainsi, bien que ces études aient permis d’identifier des régions associées à la

prééclampsie, elles ont rarement permis de trouver directement des gènes dont des variants

prédisposeraient à la PE. Mais elles ont pu mener à certains gènes candidats à l’intérieur de ces régions, dont certains ont pu être ensuite validés. C’est par exemple le cas d’ACVR2A en

2q22 (Moses et al., 2006), de TNFSF13B en 13q (Fenstad et al., 2010a) et de STOX1 en

10q22 (Van Dijk et al., 2005). Ce dernier cas sera détaillé dans le chapitre 4.

2.

Les études d’association de gène-candidats

À l’opposé de ces études sans a priori, des approches « gènes candidats » ont été réalisées. Ces approches se sont principalement concentrées sur les connaissances de la

80 fibrinolyse, sur le système rénine-angiotensine (essentielle à la régulation de la pression

artérielle), le stress oxydatif, l’inflammation, l’immunité et le métabolisme des lipides. L’ensemble de ces éléments sera discuté dans la partie III. Cependant, les associations

obtenues dans une population déterminée ne sont pas toujours reproductibles (Mütze et al., 2008). Ainsi, une méta-analyse concernant certaines de ces associations a été récemment réalisée (Buurma et al., 2013). Pour tous les polymorphismes associés à la PE dans au moins 2 études différentes, sur 22 variants dans 15 gènes, seuls 7 sont restés significativement associés à la PE après la méta-analyse. Ces variants se situent à proximité des gènes suivants :

ACE (angiotensin I converting enzyme), CTLA4 (cytotoxic T-lymphocyte-associated protein

4), F2 (coagulation factor II, ou prothrombine), FV (coagulation factor V), LPL (lipoprotein lipase) et SERPINE1 (Serine protéase inhibiteur E1, ou plasminogen activator inhibitor type 1). De façon notable, la plupart de ces variants sont aussi associés à un risque accru de développer des maladies cardiovasculaires, cela confirme ainsi l’idée que la prééclampsie et les maladies cardiovasculaires partagent des facteurs génétiques de prédisposition. Les associations perdues dans cette méta-analyse concernent notamment des gènes du système rénine-angiotensine (AGT ou SERPINA8, codant l’angiotensinogène, et AT1R, codant le

récepteur de type 1 à l’angiotensine II), et le gène NOS3 (codant la NO synthase

endothéliale). Une autre méta-analyse plus récente et centrée sur NOS3 montre qu’un des 2 polymorphismes décrits est bien associé à la prééclampsie (Dai et al., 2013).

Cependant, il est important de noter que si ces associations ne sont pas confirmées, cela peut être dû à des divergences en fonction des populations étudiées, et ces variants pourraient alors être des marqueurs spécifiques de prédisposition dans certaines populations.

Certaines associations n’ayant pas encore été reproduites, il faudra attendre de

nouvelles études pour les valider. C’est par exemple le cas pour des polymorphismes des gènes ACVR2A (activin receptor type 2), COMT (Catechol-O-methyltransferase),

SERPINA3, HLA-G, CCR5 (chemokine receptor 5), et des gènes codant des protéines

régulatrices du complément telles que MCP (membrane cofactor protein) et CFI (complement factor I) (Chelbi et al., 2012; Gurdol et al., 2012; Lim et al., 2010; Qing et al., 2011; Roten et al., 2009; Salmon et al., 2011; Zhang et al., 2012).

Globalement, il y a donc tout un ensemble de polymorphismes dans différents gènes

qui peuvent favoriser le développement d’une prééclampsie, mais il ne s’agit clairement pas d’une maladie monogénique à héritabilité Mendélienne. Ainsi, la prééclampsie est une

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pathologie complexe, dans laquelle des facteurs génétiques et environnementaux interviennent de façon indépendante et combinée.

3.

Perspectives concernant la génétique de la prééclampsie

Il faut noter que toutes les études menées ayant pour but de déterminer des marqueurs génétiques de la prééclampsie se sont concentrées sur le génotype maternel. Or le placenta est centrale dans cette pathologie, et il serait sans doute plus approprié d’utiliser l’ADN génomique du placenta ou de l’enfant, afin d’éviter une dilution des données informatives.

Ces approches sont principalement réalisées dans une optique diagnostique, d’où l’intérêt d’avoir des marqueurs maternels, mais l’étude du génome fœtal pourrait également servir au

diagnostic d’un risque pour le couple : les marqueurs trouvés pourraient être cherché chez la mère et chez le père, ou dans un futur proche à partir de l’ADN fœtal circulant (Tsui and Lo, 2012). De plus, les données obtenues au cours de ma thèse suggèrent que la prééclampsie peut être induite par des facteurs purement paternels (développement du syndrome chez des souris sauvages croisées avec des mâles transgéniques pour STOX1). Il est donc essentiel d’intégrer les marqueurs génétiques de l’enfant pour les futures études d’association/liaison.

III. Physiopathologie de la prééclampsie

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