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2.1. ÉVALUATION DES SYSTÈMES D’INFORMATION

2.1.5. Modèles d’évaluation de l’impact des SI

2.1.5.1. Modèles de causalité

Les modèles de causalité voient le succès comme la relation linéaire et unidirectionnelle entre une série de variables indépendantes (ou explicatives) et d’autres dépendantes (ou expliquées) (Vaujany, 2007, p. 32). Les auteurs des modèles de causalité « se posent la question de savoir quels sont les gains de productivité, les gains financiers ou stratégiques générés par le système d’information » (Michel et

Cocula, 2014, p. 38). Certaines études adoptent une approche économique et d’autres s’intéressent aux avantages concurrentiels des systèmes d’information. Ces modèles, qui ont fait l’objet de nombreuses publications, ont l’avantage d’être parcimonieux : ils tentent d’établir une corrélation statistique entre les investissements en systèmes d’information et la performance organisationnelle (Uwizeyemungu, 2008). Cependant, ils produisent des résultats conflictuels au sujet du paradoxe de la productivité des systèmes d’information (Michel et Cocula, 2014 ; Raymond, 2002). Une des raisons de ce paradoxe est que ces études se concentrent plutôt sur des bénéfices tangibles et à court terme, ignorant les bénéfices intangibles obtenus à plus long terme (Michel et Cocula, 2014). Centrés sur des effets statiques, ces modèles de causalité ignorent les effets rétroactifs d’une variable sur l’autre (Reix et al., 2016).

Le modèle de DeLone et McLean (2016). Parmi ces modèles de variance, celui que

proposent DeLone et McLean (2003, p. 24) peut être utilisé à plusieurs niveaux d’analyse : individuel, groupe, organisation ou société. L’aspect multidimensionnel de ses catégories en fait une grille d’analyse du succès à la fois exhaustive et parcimonieuse. Les catégories du modèle présentent le SI, son utilisation et les conséquences de cette utilisation (Petter, DeLone et McLean, 2008). Les auteurs définissent le succès comme un concept complexe et multidimensionnel (Figure 2.2). Les catégories du modèle sont utiles pour classer les indicateurs génériques de la performance des SI (Tableau 2.4) : cette taxonomie a l’avantage de convenir aussi à l’étude du succès du commerce électronique (DeLone et McLean, 2004). La qualité du système mesure l’aspect technique du succès. La qualité de l’information fait référence à la performance sémantique liée au contenu. La qualité du service s’inspire de la littérature en marketing et regroupe tous les éléments tangibles du service offert à l’utilisateur. L’utilisation est un comportement volontaire ou résultant du jugement des gestionnaires, qui précède l’obtention des bénéfices nets. Finalement, les bénéfices nets sont la mesure de la performance qui témoigne de l’efficacité du SI à tous les niveaux.

Figure 2.2

Modèle de succès des systèmes d’information de DeLone et McLean (2003)

Source : Traduction libre de DeLone, W.H. et McLean, E.R. (2003). The DeLone and McLean model of information systems success: A ten-year update (p. 24), Journal of Management Information Systems,

19(4), 9-30.

Toutefois, Seddon (1997) a identifié que ce modèle est à la fois un modèle de variance et un modèle processuel. Le modèle est processuel, c’est-à-dire dans ce cas temporel, car dans un premier temps, un système d’information est créé avec diverses caractéristiques (qualité du système et de l’information) (Delone et McLean, 2003). Ensuite, les utilisateurs expérimentent ces fonctionnalités en utilisant le système et ils sont satisfaits ou insatisfaits du système. Finalement, l'utilisation du système d’information a alors des impacts sur l'utilisateur individuel dans la conduite de son travail et ces impacts individuels peuvent entraîner collectivement des impacts organisationnels. Ce que Seddon (1997) nomme « faiblesse » constitue, pour les auteurs du modèle, une richesse (DeLone et McLean, 2016).

Tableau 2.4

Dimensions et indicateurs génériques du succès des SI

Dimensions de la

performance Indicateurs

Qualité du système personnalisable, fonctionnalité, flexibilité, temps de réponse du système, Facilité d’utilisation, facilité d’apprentissage, fiabilité du système, disponibilité du système, interactivité, sécurité

Qualité de l’information

Pertinence, utilité, compréhensibilité, précision, fiabilité de l’information, qui est d’actualité ; contenu qui peut être personnalisé, complétude, dynamique, variété

Qualité du service Fiabilité, empathie, capacité et rapidité de réaction, contact, interactivité Utilisation intention de réutiliser, minutie de l’utilisation, attitude envers l’utilisation Durée, étendue, fréquence, nature de l’utilisation, utilisation appropriée, Satisfaction de

l’utilisateur l’utilisation : satisfait ou pas Mesure perceptuelle de l’opinion de l’utilisateur pendant toute la durée de

Bénéfices nets (Exemples pour différents contextes)

Utilisateurs individuels : apprentissage, qualité de la décision, rapidité de décision, productivité, performance au niveau de la tâche

Clients : connaissance du produit, fidélisation, revenus clients, rétention de clientèle, expérience client, satisfaction client, notoriété de la marque

Organisation : profit, retour sur investissement, prix de l’action, revenus, part de marché, gains de productivité, réduction de personnel, réduction de coûts, gain de temps, atteinte des objectifs, efficacité du service, amélioration des processus de gestion

Gouvernement : Coût, temps, commodité, personnalisation, communication, facilité de l’extraction d’information, confiance, bien informé, participation

Source : Adapté de DeLone, W.H. et McLean, E.R. (2016). Information Systems Success Measurement; Foundations and Trends in Information Systems; 2(1), p. 1-116. Now Publisher (pages 52, 54, 59, 62, 69, 70 et 71).

Le modèle de variance de Sabherwal, Jerayaj et Chowa (2006) a l’intérêt d’intégrer des déterminants organisationnels, des déterminants individuels et des construits en lien avec un système d’information spécifique.

Le modèle de Sabherwal, Jerayaj et Chowa (2006). Ce modèle est issu d’une méta-

analyse intègre des déterminants organisationnels et individuels ainsi que leurs impacts sur l’utilisation des systèmes d’information. Dans ce modèle, le succès des systèmes d’information (cadrant en haut et à droite de la Figure 2.3) est défini à l’aide des relations entre les quatre construits suivants : la qualité du système, l’utilité perçue, la satisfaction de l’usager et l’utilisation du système. La qualité du système influence l’utilité perçue et la satisfaction de l’usager : l’utilité perçue et l’usage du système s’influencent réciproquement.

Sabherwal et al. (2006, p. 1858) ont inclus dans leur modèle (cadrant en bas à gauche de la Figure 2.3) quatre déterminants individuels de la performance. Il s’agit de l’expérience de l’usager avec les systèmes d’information, en général; de sa formation au sujet des systèmes d’information, en général; de son attitude à l’égard des systèmes d’information, en général, et de sa participation au développement d’un système d’information, en particulier. Ces construits interagissent entre eux comme suit : l’expérience de l’usager influence directement son attitude ainsi que l’étendue de sa formation; puis son niveau de formation a un impact sur sa participation. Parmi les déterminants individuels, les auteurs découvrent l’influence inattendue de l’expérience de l’usager et de sa formation sur sa participation. Ils identifient également l’importance particulière de l’attitude de l’usager et de son impact direct sur la satisfaction et sur l’utilisation du système d’information.

Figure 2.3

Modèle de succès des systèmes d’information de Sabherwal et al. (2006)

Source : Traduction libre de Sabherwal, R, Jeyaraj, A. et Chowa, C. (2006). Information System Success: Individual and Organizational Determinants (p. 1858), Management Science; 52(12), 1849-1864.

Parmi les modèles de variance, les modèles basés sur l’approche contingente ouvrent de nouvelles perspectives pour évaluer l’impact organisationnel des systèmes d’information : voici une brève description des principes qui sous-tendent ces modèles.

Modèles de contingence. L’objectif des modèles de contingence est d’appréhender

l’impact organisationnel des systèmes d’information à travers la notion d’alignement entre les systèmes d’information et la stratégie de l’entreprise, sa structure ou encore son environnement. « Ces modèles suggèrent que la stratégie organisationnelle et la stratégie relative aux systèmes d’information doivent être cohérentes » (Michel et Cocula, 2014, p. 43). Il n’existe pas de manière, optimale en soi, de gérer les systèmes d’information, en raison, d’une part, des multiples interactions entre les technologies et l’environnement et, d’autre part, entre les technologies et le contexte interne d’adoption (Raymond, 2002). Les modèles d’alignement permettent de capturer à la fois ces perspectives macro et micro qui influencent l’impact organisationnel des systèmes d’information (Rival et Kalika, 2009 ; Raymond et Bergeron, 2008). Dans les modèles de contingences, les effets des systèmes d’information sur la performance de l’organisation ne sont pas directs puisque l’impact dépend de l’alignement et de la cohérence des dimensions technologiques avec les dimensions de l’organisation (Venkatraman, 1994).

Cet alignement peut être conceptualisé à partir de six perspectives conceptuelles différentes : la « déviation de profil » (Raymond et Bergeron, 2008), la modération, la médiation, l’appariement, la covariation et les perspectives dites des gestalts (Raymond, 2002; Venkatraman, 1994). Chaque perspective « donne un sens différent à une théorie de la contingence » et produit des résultats empiriques différents (Raymond, 2002, p. 312). La notion d’alignement peut également être utilisée dans le cadre de systèmes d’information inter organisationnel : il est alors question de coalignement technologique, structurel ou sociopolitique entre les organisations (Uwizeyemungu, 2008).

En conclusion de cette section portant sur les modèles de causalité, il apparait que ces approches ne permettent pas d’identifier les variables intermédiaires menant à l’impact organisationnel ni d’identifier les liens entre ces variables et l’organisation. Pour cette raison, elles ne sont pas retenues pour notre recherche. Elles ne permettent pas de répondre, en détail, à une problématique qui porte sur le « comment ».

C’est en raison de ces limites que plusieurs chercheurs ont prôné l’utilisation des modèles orientés vers les processus pour évaluer l’impact organisationnel des systèmes d’information (Michel et Cocula, 2014 ; Raymond, 2002). Deux modèles processuels d’évaluation de l’impact organisationnel des systèmes d’information sont présentés sur une base sélective.