• Aucun résultat trouvé

Fondements théoriques de l’évaluation de la performance des SI

2.2. THÉORIES APPLICABLES À L’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE

2.2.1. Fondements théoriques de l’évaluation de la performance des SI

Les fondements théoriques de l’évaluation de la performance des SI sont variés et ils diffèrent sensiblement selon les types de SI évalués. Le Tableau 2.7 récapitule, en une liste non exhaustive, les différentes théories rencontrées dans la littérature sur l’évaluation des systèmes d’information.

Dans les sections suivantes, les termes « performance des SI » et « succès des SI » seront utilisés, selon les auteurs cités, jusqu’à ce que la notion de succès soit définie, au chapitre trois, en fonction de ses fondements théoriques et de son utilisation en tant qu’évaluation basée principalement sur l’utilisation et la satisfaction de l’utilisateur (Uwizeyemungu, 2008). Par la suite, seul le terme « performance des systèmes d’information » sera retenu.

L’évaluation de la performance des systèmes d’information s’appuie sur des théories utilisées dans les disciplines suivantes : (1) la micro-économie, (2) la finance, (3) la psychologie sociale et (4) la stratégie et la gestion des organisations avec l’analyse concurrentielle, l’alignement stratégique et les approches basées sur les ressources et, plus particulièrement, sur la gestion des processus (Bellaaj, Zekri et Albugami, 2015 ; Uwizeyemungu, 2008).

2.2.1.1. Fondements en micro-économie

Ren et Dewan (2015) s’inspirent des théories économiques afin d’évaluer les rendements des actifs technologiques sur la productivité et la rentabilité au niveau de l’industrie, en mettant l'accent sur le rôle modérateur de la concurrence industrielle, de la réglementation et du changement technologique. Ces approches mettent en relation des variations sur le plan des intrants (l’investissement technologique) et les variations sur celui des extrants (la productivité et la rentabilité). La théorie de la production, tout comme la théorie de l’information et de la décision, peuvent aussi servir aussi à évaluer la performance des SI au sein de l’organisation et prendre en compte plusieurs niveaux d’analyse (Michel, 2011). L’analyse des gains se fait par l’ajout de variables intermédiaires comme le taux de rotation des stocks ou les mises en marché de nouveaux produits. Ces analyses fondées sur la théorie de l’information et de la décision proposent une méthodologie pouvant servir à contourner les problèmes de mesures concernant le paradoxe de la productivité. Elles constituent une première tentative d’ouvrir la boite noire que représente le SI. Toutefois, elles utilisent des mesures agrégées de la performance qui ne permettent pas de mettre en évidence le rôle de l’utilisateur ni les effets intermédiaires plus qualitatifs tels que : l’amélioration des produits, l’amélioration des processus et une plus grande flexibilité (Michel, 2011).

2.2.1.2. Fondements en finance

Selon la perspective des finances, la performance des systèmes d’information est évaluée à l’aide de la théorie de l’acteur rationnel, de la théorie des coûts d’agence ; de la théorie des coûts de transactions(Chen, Su et Hiele, 2017) ; de la théorie des coûts de l’utilité (Uwizeyemungu, 2008) ou, encore, grâce aux théories des choix d'investissement (Q de Tobin), applicables aux marchés boursiers (Tafti, Mithas et Krishnan, 2013). Les systèmes d’information diminuent les coûts de coordination, ce qui peut entraîner une diminution de la taille de l’organisation, mais n’améliore pas directement la productivité (Chen et al., 2017). Ces résultats doivent être considérés

sur le plan de la coordination inter organisationnelle. Tout comme les approches économiques, les études selon la perspective financière, en utilisant des mesures agrégées, ne mettent pas en évidence le rôle de l’utilisateur ni les effets intermédiaires.

2.2.1.3. Fondements en psychologie

Basées sur les théories de l’action raisonnée et sur la théorie de la communication, ces approches s’intéressent à l’effet des systèmes d’information sur la performance des organisations à travers leurs impacts intermédiaires sur les utilisateurs individuels ou sur les groupes d’individus (DeLone et McLean, 2016). L’attitude des utilisateurs et leurs comportements sont des facteurs explicatifs de l’acceptation (Technology Acceptance Model - TAM) et du succès des systèmes d’information. L’attitude est à son tour influencée par les croyances (utilité et facilité perçues) de l’utilisateur (Davis, 1989). Le modèle de Delone et McLean (2003, 2004 et 2016) réunit sept aspects du succès. Ces approches sont particulièrement intéressantes dans le cas d’utilisation volontaire des systèmes d’information. Toutefois, elles ne considèrent pas les contraintes externes et elles ne situent pas les systèmes d’information dans le cadre des stratégies concurrentielles des organisations (Bellaaj, 2008 ; Markus et Tanis, 2000).

2.2.1.4. Fondements en stratégie

Pour la gestion stratégique, la performance des systèmes d’information s’explique grâce à la théorie de l’acteur rationnel (actes animés par une intention et dirigés vers la réalisation des objectifs), à la théorie du contrôle externe, à la théorie des processus émergents et, finalement, grâce à la théorie de la dépendance des ressources et des compétences (Drnevich, 2006 ; Markus et Tanis, 2000).

L’évaluation fondée sur l’analyse concurrentielle considère que les systèmes d’information peuvent modifier les rapports de force de l’organisation avec ses concurrents. En améliorant la coordination des activités de la chaine de valeur (les

activités principales et les relations fournisseurs / clients), les systèmes d’information peuvent également contribuer à la réussite des stratégies concurrentielles de différenciation ou de réduction des coûts de l’organisation et, donc, à l’amélioration de sa performance. À l’aide du concept de chaine de valeur, la littérature a étudié l’impact des SI sur les processus internes en termes d’avantage concurrentiel (Michel, 2011 ; Mohapatra, 2011 ; Porter et Millar, 1985).

L’approche basée sur les ressources cherche à déterminer dans quelle mesure et sous quelles conditions les systèmes d’information contribuent à la réalisation d’un avantage concurrentiel durable, avantage à l’origine d’une performance organisationnelle supérieure (Melville et al., 2004, p. 290 ; Uwizeyemungu et Raymond, 2012 ; Uwizeyemungu et al., 2018). Parmi ces ressources se retrouvent : l’infrastructure technologique partagée au sein de l’organisation, les compétences techniques et managériales des ressources humaines en systèmes d’information ainsi que des ressources complémentaires (structures, politiques, règles, pratiques, culture, etc.) de l’organisation. Afin d’inclure le contexte concurrentiel, Gupta, Kumar, Kumar Singh, Foropon et Chandra (2018) associent la théorie de la contingence à l’approche basée sur les ressources. La théorie de la contingence suggère que des évènements imprévisibles internes et externes à l’organisation influencent les résultats obtenus grâce aux ressources et aux capacités.

D’autres recherches proposent une approche basée entièrement sur les modèles de contingences en stratégie et en théorie des organisations (Gerow, Grover, Thatcher et Roth, 2014 ; Raymond et Bergeron, 2008). Ces modèles font intervenir l’alignement (la cohérence ou le fit) entre les systèmes d’information et des éléments internes à l’organisation (stratégie et structure) ainsi que des éléments externes (facteurs de l’environnement) pour expliquer l’impact des systèmes d’information sur la performance de l’organisation. Pour Raymond (2002), il est nécessaire d’examiner l’impact des systèmes d’information en examinant la cohérence entre les choix stratégiques, les choix structurels et les choix technologiques. Cette approche a le

mérite de situer le rôle des systèmes d’information au cœur des préoccupations stratégiques de l’organisation. Toutefois, elle ne traite pas la performance de façon dynamique comme le font les approches fondées sur les processus.

Tableau 2.7

Fondements théoriques de l’évaluation de la performance des SI

Disciplines Théories Auteurs

Économie (niveau industrie)

Théorie de la production : investissement technologique

Ren et Dewan (2015) Théorie de la production, l’information

et la décision Brynjolfsson et Sounders (2010)

Micro-économie Théorie de la production de Cobb-

Douglas, élasticité TI Polák (2017)

Finance et gestion

Théorie de l’agence et des coûts de

transaction Gurbaxani et Whang (1991)

Théorie économique des coûts de transaction

Chen et al. (2017) Théorie des choix d'investissementQ de

Tobin Tafti et al. (2013)

Psychologie sociale (ou sociologie) appliquée à la gestion

Théorie de l’action raisonnée : attitude et comportements des utilisateurs expliquent l’acceptation -TAM

Davis, Bagozzi et Warshaw (1989)

Grover et Lyytinen (2015)

Théorie de la communication DeLone et McLean (2016)

Stratégie

Analyse concurrentielle : chaine de valeur, activités principales et de soutien ; cinq forces concurrentielles

Porter et Millar (1985); Michel (2011); Mohapatra (2011)

Théorie du contrôle externe Forces de l’environnement, forces concurrentielles

Markus et Tanis (2000) Théorie basée sur les ressources et les

compétences technologiques et non technologiques

Melville et al. (2004) ; Uwizeyemungu et al. (2018)

Théorie contingente des ressources :

implications du contexte sur les ressources Gupta et al. (2018) Modèles de contingence : Alignement

stratégique, Fit : stratégies et structures internes et environnement externe

Gerow et al. (2014) ; Raymond et Bergeron (2008)

Approche fondée sur les processus :

ouvrir la boite noire de l’utilisation des TI Uwizeyemungu et Raymond (2010) Mooney et al. (1995)

Théorie des processus émergents Markus et Tanis (2000)

Théorie des capacités dynamiques, analyse par les options réelles :

destruction créatrice avantage compétitif 

Drnevich et Kriauciunas (2011) ; Drnevich et Croson (2013)

Les approches processuelles permettent de mesurer l’intrant (l’investissement en système d’information), l’extrant (le résultat obtenu) tout en ouvrant la boite noire de

l’utilisation et l’impact des systèmes d’information. L’effet des systèmes d’information sur les processus opérationnels ainsi que sur les processus administratifs peut être de différentes natures : automatisation, informationnelle ou transformationnelle (Uwizeyemungu et Raymond, 2009 et 2010). Avec la théorie des processus émergents, Markus et Tanis (2000) mettent l’accent sur les interactions, souvent imprévisibles entre les acteurs rationnels organisationnels et les forces environnementales.

Les approches des théories basées sur la flexibilité combinent différentes sources de littérature en stratégie, dont les théories de l’évolution, les capacités dynamiques et l’analyse par les options réelles (Drnevich et Croson, 2013). Les capacités dynamiques mettent l'accent sur les processus d'acquisition, d'intégration, de reconfiguration et/ou de libération des ressources qui peuvent produire un changement de premier ordre dans l'organisation pour égaler ou créer un changement sur le marché.

Dans notre recherche, le cadre théorique est construit en nous appuyant sur la théorie des détenteurs d’enjeux ainsi que sur la théorie des ressources et compétences. La théorie des détenteurs d’enjeux permet de déterminer « en fonction de qui » l’évaluation du système d’information est réalisée. La théorie des ressources permet de définir dans quelles mesures et sous quelles conditions, les SI contribuent à un avantage concurrentiel, avantage à l’origine d’une performance organisationnelle supérieure. La théorie des ressources contribue également à déterminer la prépondérance des DE, en fonction de l’importance pour l’organisation des ressources qu’ils contrôlent.