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Cadre théorique et méthodologique pour la caractérisation des discours de visites médiées

Chapitre 2 : Approche théorique et processus d’interprétation

2.2 Modèle théorique de la situation de communication étudiée

Le premier chapitre de ce travail a permis de définir et de contextualiser le concept de visite médiée tout en proposant une description ‘physique’ et factuelle de ses principaux éléments constitutifs. Il convient maintenant d’en proposer un modèle théorique à la lumière du concept de pragmatique cognitive qui vient d’être proposé. Au-delà de la métaphore empruntée au monde scénique dont nous avons détaillé les caractéristiques de manière statique, il convient de réunir les acteurs participants à la scène communicative pour en décrire la fonction dynamique. Cette association acteurs-discours n’est pas sans rappeler le concept de speech community avec lequel Bloomfield (1926 : 155) définit le langage comme étant l’ensemble des énoncés qui peuvent être produits au sein de cette communauté. À la différence qu’une telle communauté présentée comme une collection d’individus qui auraient strictement le même comportement linguistique (Bloomfield, 1933 : 77–78) est une utopie en relation à la diversité de chaque individu qui s’exprime dans un contexte particulier.

Comme l’a suggéré la fin du premier chapitre, chaque participant, avec ses individualités, possède ses propres expectatives et intentions, mais nous supposons que tous ont organisé leurs visites comme une distraction, une activité de loisir en adéquation avec leurs intérêts personnels et leurs attentes. Ceci permet de s’assurer de leur prédisposition à recevoir le discours de médiation. Parallèlement, les locuteurs, majoritairement représentés par le médiateur, sont prédisposés à communiquer : nous retrouvons donc les prémisses d’intentionnalité communes aux interlocuteurs que développe l’approche de Sperber / Wilson : intention de communication

([1986] 1989 : 97) et intention d’information ([1986] 1989 : 93) qui se traduisent par la découverte progressive d’une intention globale attribuée au discours grâce aux intentions locales (Reboul / Moeschler, 1996 : 12). Une fois les intentions établies, la communication ne peut avoir lieu sans la présence du thème / objet qui sera défini comme le sujet de communication sans distinction de matérialité ou d’abstraction. Dans le discours, la perception du thème / objet représente le à dire qui selon Paillard a la spécificité de ne jamais pouvoir « être dit jusqu’au bout, de façon exhaustive : le dire est toujours en position d’échec relatif pour ce qui est d’arriver à dire le monde » (2011 : 23).

Afin de pouvoir modéliser le processus cognitif de la visite médiée, nous illustrons la construction du contexte discursif, élément central de la dynamique discursive, en considérant qu’à un instant t il représente l’image de l’espace-temps de la visite médié (Figure 4)48. Nous définissons le contexte de l’interlocuteur comme étant l’ensemble des données dynamiques qu’il estime disponibles dans le contexte discursif partagé avec les autres interlocuteurs, associées à ses connaissances personnelles et invoquées selon les besoins du discours émis ou reçu. Si nous revenons sur les notions introduites en muséologie par Davallon, à savoir l’« univers du médiateur » et l’« univers du visiteur », nous pouvons redéfinir ces deux entités comme étant respectivement le contexte du médiateur et le contexte du visiteur. Nous pouvons aussi considérer que dans notre cas d’étude, le contexte discursif est l’espace auquel se restreint la visite médiée. Au début de la visite, juste avant la prise de parole du guide, nous identifions cet instant comme étant l’état t0, le point de départ du contexte discursif (Figure 7).

Cet ensemble est dynamique, car il s’actualise à chaque instant t de la situation de communication que ce soit par l’occurrence d’un nouvel « énoncé » (Reboul / Moeschler, 2005 : 45) ou par l’occurrence d’un fait non linguistique comme un bruit de rue couvrant la voix du guide et l’obligeant à réagir. À cet instant précis t0, le médiateur a sa propre perception du thème / objet de la visite ; perception qui s’ajoute à ses connaissances, à l’espace-temps dans lequel il évolue et à la présence des visiteurs pour construire son propre contexte appelé ‘contexte médiateur t0’. Le visiteur, quant à lui, pour construire son propre contexte appelé ‘contexte visiteur t0’, réunit les représentations qu’il possède sur le thème / objet, les hypothèses anticipatoires (Reboul / Moeschler, 2005 : 164–171), ses attentes, et la présence du médiateur dans l’espace-temps dans lequel il évolue.

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Figure 7 : Modélisation cognitive de la visite médiée t0

C’est à partir de cet état que débute le processus de la communication : dans le cas d’une visite-conférence, c’est en général le médiateur qui prend l’initiative en se présentant au groupe, alors que dans le cas de la visite assistée, c’est le visiteur qui décide du début de l’écoute du discours en interagissant avec le dispositif socio-technique mis à sa disposition afin de recevoir les premières instructions relatives à sa visite. Si nous considérons le début du discours de la visite-conférence, nous trouvons majoritairement un énoncé d’introduction correspondant à la mise en contact des interlocuteurs. Lors de cette mise en contact des interlocuteurs, le contexte discursif passe d’un état t0 statique à un état t1 qui est le premier d’une série d’états successifs qui construisent la dynamique du discours prononcé (Figure 8).

Contexte discursif Perception Thème / Objet t0 Représentation Thème / Objet t0 Contexte médiateur t0 Contexte visiteur t0 Thème / Objet Perception Thème / Objet Représentation Thème / Objet Univers du médiateur Univers du visiteur La visite médiée Thème / Objet

Figure 8 : Modélisation cognitive de la visite médiée – temps d’énonciation – t1

Cet état t1 correspond au temps d’énonciation de la première intervention du discours, si nous reprenons la terminologique praxématique, il se divise en trois sections, le temps du à dire, le temps du dire et le temps du dit (Gardès–Madray, 1984 : 16–17 ; Barberis, 1997 : 58–60 ; Barberis / Maurer, 1998 : 43–44 ; Paillard, 2011 : 18–20). Pour illustrer ce moment précis d’énonciation nous avons considéré l’unité textuelle extraite de l’enregistrement de la visite-conférence du centre-ville de Beaune que la médiatrice a utilisée pour prendre contact avec son groupe :

(U 17) messieurs dames je vous souhaite la bienvenue à Beaune

Dans ce cas, la visite-conférence du centre-ville de Beaune est le thème / objet qui sera traité du début du discours jusqu’à sa fin. Au moment précis t0 de la visite, il est admis que les salutations semblent être ce qui est le plus approprié à dire et il s’avère que la grande majorité des médiateurs semble vouloir dire, au sens gricéen du terme49, ces salutations pour des questions de politesse ou de protocole, mais aussi pour marquer le début de la visite et ainsi faire appel à l’attention des visiteurs. Chaque médiateur utilise une formule qui lui est propre pour le dire, mais comme l'illustre (U 17) c’est bien ce qui est dit. Avec ce premier dit t1,

49 « [5] a voulu dire quelque chose par x » équivaut (en gros) à « [5] a eu l'intention que l'énoncé de x produise un certain effet sur un auditoire au moyen de la reconnaissance de cette intention ». (Grice, [1957] 1971 : 58)

Contexte discursif Perception Thème / Objet t0 Représentation Thème / Objet t1 Contexte médiateur t0 Contexte visiteur t1 Le dit t1 Hypothèses contextuelles t1 Thème / Objet Le à dire t0

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apparaissent les hypothèses contextuelles t150 conservées dans la mémoire interdiscursive51. Elles sont définies comme étant les hypothèses à partir desquelles le visiteur va inférer l’intention communicative du médiateur : « Le modèle de l’inférence produit une conclusion sur la base d’hypothèses contextuelles, fonctionnant comme prémisses »52 (Moeschler / Auchlin, 2009 : 162). En effet chaque membre du groupe de visiteurs ayant prêté attention peut faire l’hypothèse qu’il est bienvenu à Beaune ce qui correspond à l’intention de communication du médiateur.

Dans un deuxième temps t2, il peut en conclure que le locuteur est le guide de la visite et ainsi actualiser les hypothèses contextuelles t2. Pour en arriver à ces deux conclusions, il infère des hypothèses contextuelles t1, qui sont construites à partir du dit t1, sa propre interprétation pour ensuite construire son interprétation à l’aide de son contexte visiteur t2 ; c’est ce processus cognitif que nous avons noté inférence pragmatique, interprétation pragmatique et rétroalimentation dans la Figure 9.

Figure 9 : Modélisation cognitive de la visite médiée – temps de réception – t2

50 Ces hypothèses contextuelles sont le fruit d’une mise en contexte du dit, elles sont construites et actualisées à chaque instant du discours. Moeschler / Auchlin détaillent leur construction dans la description des inférences non démonstratives (2009 : 165–166).

51 Cette notion n’a eu cesse d’évoluer, d’abord introduite par Courtine (1981), elle apparaît comme une reformulation de la notion d’interdiscours de Pêcheux avant d’être redéfinie par Berrendonner comme l’« ensemble des savoirs consciemment partagés par les interlocuteurs» (1983 : 230), puis reprise et développée par Moirand comme mémoire interdiscursive (1999) permettant de supposer que le dit fait partie de la mémoire discursive des sujets.

52 En italique dans le texte d’origine.

Contexte discursif Perception Thème / Objet t0 Représentation Thème / Objet t2 Contexte médiateur t0 Contexte visiteur t2 Inférence pragmatique Le dit t1 Interprétation pragmatique Inférence pragmatique Hypothèses contextuelles t2 Thème / Objet Le à dire t0 rétroalimentation

Grâce à cette conclusion, le visiteur associe le dit du médiateur au thème / objet, il en a donc modifié sa représentation. Il est intéressant de constater à ce niveau que des paramètres extralinguistiques, souvent associés au langage gestuel – sourires, hochements de tête, etc. – permettent au locuteur de lui-même faire une inférence pragmatique sur la réception de son message, car ces paramètres participent à la rétroalimentation des hypothèses contextuelles. S’il juge cette réception satisfaisante, sa perception du thème / objet change, car il n’a plus à dire ce qu’il vient de dire. Son contexte médiateur change aussi sachant que les visiteurs l’ont identifié comme étant le guide de la visite, il peut donc continuer son discours ou le modifier en fonction de la rétroalimentation qu’il reçoit.

Si nous prenons l’extrait de l’enregistrement de la visite-conférence « Visite gourmande » de Beaune issu du corpus, au début de la dégustation des vins, la médiatrice souhaite demander le nombre de cépages existant en Bourgogne et produit l’intervention suivante :

(U 18) Alors, interrogation orale ! (U 19) Ils sont dissipés ces deux-là !

L’intention de la médiatrice en produisant (U 18) est de préparer la question qu’elle souhaite poser sur les cépages en Bourgogne, mais le comportement de deux visiteurs faisant partie du contexte discursif, l’oblige à réagir en prononçant (U 19). Nous voyons bien ici l’impact direct que peut avoir cette inférence pragmatique sur le à dire etle dit du médiateur. Dans le cas de la visite assistée, cette rétroalimentation n’existe pas en raison de la nature asynchrone de la modalité de communication utilisant un dispositif socio-technique. Les locuteurs doivent imaginer et construire artificiellement ce retour pour continuer leur discours dans lequel un espace temporel doit être aménagé pour le temps de réception du visiteur.

Nous pouvons généraliser cette modélisation pour tout temps d’énonciation tn d’un dire à un temps n par la Figure 10 :

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Figure 10 : Modélisation cognitive de la visite médiée – temps d’énonciation du à dire tn Il convient de remarquer que la quantité de à dire diminue alors que la quantité du dit augmente tout au long du discours : le à dire tn = à dire tn-1 – le dit tn, même si pendant le temps de visite des informations peuvent s’ajouter ou se soustraire à ce que le médiateur pense judicieux de dire en fonction de l’évolution de sa perception et de son contexte53. De la même manière, nous pouvons modéliser tout temps de réception d’un dire à un temps n par la Figure 11 :

Figure 11 : Modélisation cognitive de la visite médiée – temps de réception du à dire tn

53 Cette notion de quantité d’information produite dans le discours est développée par les paramètres de densité et de diversité lexicale de la première section du chapitre 5.

Contexte discursif Perception Thème / Objet tn Représentation Thème / Objet tn+1 Contexte médiateur tn Contexte visiteur tn+1 Le dit tn+1 Hypothèses contextuelles tn+1 Thème / Objet Le à dire tn Contexte discursif Perception Thème / Objet tn Représentation Thème / Objet tn+2 Contexte médiateur tn Contexte visiteur tn+2 Inférence pragmatique Le dit tn+1 Interprétation pragmatique Inférence pragmatique Hypothèses contextuelles tn+2 Thème / Objet Prémisses contextuelles secondaires Le à dire tn

Comme l’illustre la Figure 11, le médiateur alimente les hypothèses contextuelles avec ce qu’il dit. Cette action de ‘diction’, lui permet d’exprimer son intention communicative et informative au travers d’une forme linguistique, d’« exprimer un état de choses »54 pour rendre compte de sa perception et d’« affirmer un contenu »55, ce qui par essence représente dans son ensemble son vouloir dire qu’il choisit dans ce qu’il a à dire à un instant t du discours (Paillard, 2011 : 18). À ce stade de la communication, la théorie de la pertinence nous permet d’affirmer que le dit tn+1 issu du à dire tn est pertinent par rapport au contexte du médiateur et que le fait de le rendre public est en accord avec son intention de communication. L’existence de cette intention de communication chez le visiteur permet de supposer qu’il souhaite récupérer ce que le locuteur veut à dire, fruit de l’intention qu’il a d’informer son public. C’est pour cette raison que nous appellerons cet effort cognitif de récupération l’inférence pragmatique que nous considérons comme « non démonstrative » vu qu’elle « ne garantit pas la vérité de ses conclusions étant donné la vérité des prémisses » (Moeschler / Auchlin, 2009 : 162-165). Il est important de faire la différence avec l’inférence pragmatique du point de vue du locuteur qui dans les exemples choisis est le médiateur ; cette inférence lui permet d’interpréter les réactions de ses interlocuteurs pendant la production de son discours pour ainsi lui permettre de l’adapter aux circonstances comme nous l’avons remarqué avec (U 19). Cette inférence particulière est une des différences qui existe entre la visite-conférence et la visite assistée, car la modalité asynchrone de diffusion du discours au travers d’un dispositif socio-technique ne permet pas cette rétroalimentation instantanée que nous venons de décrire.

La synchronicité d’une communication dépend de l’existence d’une continuité entre le temps d’énonciation tn+1 et le temps de réception tn+2 du à dire tn ; quand cette continuité est rompue la communication est alors qualifiée d’asynchrone. Ceci implique des aménagements dans la modélisation cognitive de la visite assistée (Figure 12) :

54 Souligné par des guillemets dans le texte original.

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Figure 12 : Modélisation cognitive de la visite assistée

La communication asynchrone se traduit par la présence d’hypothèses contextuelles tn+1 de production du dit tn+1 construites dans l’espace et le temps de production du discours, le médiateur imagine la possible réaction des visiteurs ; et par la présence d’hypothèses contextuelles t’n+2 de réception du même dit tn+1 construites dans l’espace et le temps d’écoute, le visiteur infére l’intention de communication du locuteur. Les deux occurences suivantes de la visite assistée de Compiègne illustrent cette situation :

(U 20) sans plus tarder retrouvons-nous rue Saint-Corneille face au Cloître (U 21) un chanoine du onzième siècle nous y attend

En produisant le dit (U 20) le médiateur espère que les visiteurs suivront ses recommendations, pour la suite de son discours il considérera dans ces hypothèses contextuelles tn+1 que les visiteurs se trouvent face au cloître attendant qu’un chanoine imaginaire du XIème siècle leur raconte la suite de la visite (U 21). Le visiteur comprend l’intention de communication du médiateur mais il peut ou non choisir de se déplacer jusqu’au cloître et continuer l’écoute, ou un évènement impromptu peut en limiter l’accès, rien ne garanti que les hypothèses contextuelles t’n+2 correspondent aux hypothèses contextuelles tn+1 imaginées par le médiateur. Nous sommes donc en présence de deux contextes discursifs qui ne peuvent être illustrés que par deux représentations différentes dont le seul point commun est le dit tn+1. En effet, même le thème / objet peut avoir subi des évolutions entre le temps de production et le temps d’écoute.

Contexte discursif de production Contexte discursif de réception Perception Thème / Objet tn Représentation Thème / Objet t’n+2 Contexte médiateur tn Contexte visiteur t’n+2 Le dit tn+1 Interprétation pragmatique Inférence pragmatique Thème / Objet Le à dire tn Thème / Objet Hypothèses contextuelles tn+1 Hypothèses contextuelles t’n+2

Dans cette modalité particulière, le dit est d’abord écrit avant d’être enregistré ; même s’il est souvent théâtralisé et interprété par des acteurs, nous verrons dans les résultats d’analyse les marques de cette production écrite.

Dans la réalité discursive, qu’il y ait synchronicité ou pas, cette linéarité entre le à dire tn, le temps d’énonciation tn+1 et le temps de réception tn+2 n’est pas toujours respectée. En effet, des insertions, des reformulations, ou des actualisations contextuelles impromptues ou programmées peuvent altérer cette linéarité. Dans l’extrait de la visite au Musée des Beaux– Arts de Dijon intitulée « La femme au Moyen-Âge » issu du corpus d’étude, nous pouvons observer un exemple d’insertion et de reformulation :

(U 22) Sachez aussi que les lois barbares (U 23) donc au tout début du Moyen–Âge

(U 24) sanctionnaient très sévèrement voire même de la peine de mort les personnes qui tuaient les femmes enceintes

(U 25) parce que c'était le pire des délits (U 26) il n'y avait pas pire que ça !

(U 27) Également la femme <heu> enceinte était protégée également de son mari ! (U 28) Lorsqu'elle était enceinte le mari ne devait pas la battre !

(U 29) Donc c'était une bonne <heu>

(U 30) c’est une bonne raison pour tomber enceinte !

Le dit (U 22) est interrompu par le besoin qu’exprime le médiateur de préciser une référence temporelle en insérant un autre dit (U 23) pour actualiser le temps déictique de son discours qui justifie l’emploi de l’imparfait narratif, avant de continuer et de compléter l’information commencée en (U 22) à l’aide du dit (U 24). Dans ce cas le processus de construction des hypothèses contextuelles agit directement sur ce qui est inféré et interprété. L’importance du contexte social et culturel de la situation de communication ainsi que celui du récit historique prononcé est difficilement contestable pour l’interprétation du sens transmis et reçu. En effet, en considérant les actuelles connotations négatives du mot « barbare », il est difficilement concevable de nos jours d’imaginer qu’un barbare puisse avoir des lois. Le syntagme « lois barbares » pourrait être perçu comme un oxymore dont l’intention serait de souligner le caractère illégal et « sauvage » de ces lois, mais cette interprétation est écartée par l’actualisation apportée par le dit (U 23) qui contextualise ces lois dans le Moyen–Âge, leur rend leur légitimité et leur appartenance à un peuple lui-même nommé « barbare » ce qui permet

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d’éliminer du groupe d’interprétations possibles le fait que les lois en question soient barbares. Le positionnement temporel du récit efface ainsi les connotations contemporaines associées au mot barbare et permet une actualisation des hypothèses contextuelles pour inférer et interpréter au mieux l’intention de communication du médiateur contenue dans les trois dits (U 22), (U 23), et (U 24)

En reformulant son propos (U 29) par le dit (U 30), la médiatrice utilise une autre stratégie pour réactualiser le temps déictique de son discours. En effet, le dernier commentaire ramène l’auditoire dans le présent de la visite soulignant ainsi le caractère atemporel d’une certaine réalité quand elle choisit de remplacer l’imparfait narratif par un présent atemporel. Un autre paramètre peut être pris en compte dans cet exemple, l’importance de la perception et du contexte du médiateur, car si la médiatrice n’avait pas été une femme, ou si le profil du public s’était approché d’un groupe d’enfant, on peut se demander si ce commentaire, fait sur le ton de l’humour, ou de l’ironie selon les interprétations, aurait été prononcé ainsi.

Cet exemple nous invite à élargir la proposition de définition du discours pour incorporer un troisième élément essentiel et complémentaire des notions constitutives d’interlocuteurs socialement contextualisés, la notion même de discours. Un discours différent de celui de Pêcheux aux caractéristiques statiques déterminées comme étant un moyen de transfert du symbolisme du locuteur à son interlocuteur. Un discours plus dynamique dans lequel le symbolisme des interlocuteurs se confronte et se construit sur fond de représentations sociales et culturelles différentes, mais pas incompatibles. Notre vision de la situation de communication