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Chapitre 4 : La mémoire épisodique

A. Modèle de blocage de la neurogenèse adulte

Afin de bloquer la neurogenèse adulte uniquement dans l’hippocampe, nous avons utilisé la technique de l’irradiation focale au niveau de la région hippocampique, selon un protocole mis au point et réalisé par Marc-André Mouthon du laboratoire de Radiopathologie du CEA à Fontenay-aux-roses.

1. Protocole de blocage de la neurogenèse adulte

Une fois adulte (8 semaines), les rats Long Evans (IR ; n=11) sont soumis à trois séances d’irradiation réparties sur 1 semaine (lundi, mercredi et vendredi). Pour chaque séance d’irradiation, les rats sont anesthésiés avec de la kétamine (100 mg/kg) et du Domitor (125 µg/kg), puis sont réveillés à l’aide d’un antisédan. Les animaux sont irradiés à l’aide d’un irradiateur à rayons gamma (cobalt 60) à raison d’une dose finale de 15 Gray (trois séances de 5 Gray sur 5 minutes, 1 Gray/minute ; Figure 31). L’irradiation focale du cerveau incluant l’hippocampe entier est réalisée grâce à l’utilisation d’un cache en plomb positionné au-dessus de la tête de l’animal, troué afin de laisser passer les rayons au travers de l’hippocampe depuis la partie dorsale jusqu’à la fin de la partie ventrale (Bregma -2,28 mm à -6,72 mm le long de l’axe antéro-postérieur, Atlas Watson & Paxinos 5ème

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Figure 31 : Irradiation focale de la région incluant l’hippocampe chez le rat

A. La zone d’irradiation couvre une région du cerveau comprise entre Bregma -2,28 mm et Bregma -6,72 mm permettant d’irradier la totalité de l’hippocampe. B. Photos de l’irradiateur utilisé et du cache en plomb utilisé pour protéger le reste du cerveau.

En parallèle, un groupe de rats contrôle (Sham ; n =11) est soumis seulement au protocole d’anesthésie. Suite à l’irradiation, les animaux sont replacés dans leurs cages d’habitation durant 2 mois afin de limiter les effets d’éventuels problèmes liés à la réaction inflammatoire causée par l’irradiation. Après cette période, les rats sont soumis à la tâche de mémoire épisodique précédemment décrite (voir I.A, page 106).

2. Validation du modèle d’irradiation

Environ 2 heures après irradiation, l’analyse de l’expression de γH2AX permet de visualiser les dommages de l’ADN (Nowak et al., 2006; Kuo & Yang, 2008). En effet, la cassure double-brin de l’ADN suite à une irradiation est toujours suivie de la phosphorylation de l’histone H2AX composant le nucléosome. La phosphorylation de H2AX est la première étape dans le recrutement des protéines de réparation de l’ADN. Ici, elle est utilisée comme un biomarqueur pour visualiser l’étendue et l’efficacité de l’irradiation. Les analyses immunohistochimiques

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montrent une expression de γH2AX dans les neurones du GD de l’hippocampe chez les rats irradiés (Figure 32) indiquant que l’irradiation est effective dans cette zone d’intérêt.

Figure 32 : Expression de γH2AX dans le GD environ 2 heures après une séance d’irradiation

L’irradiation induit une expression de γH2AX (en vert) au sein des cellules du GD de l’hippocampe, indiquant des dommages de l’ADN après irradiation. Barre d’échelle : 10µm

Le poids des rats est suivi durant toute la durée du protocole afin de vérifier leur état général de santé après irradiation et au cours de la restriction hydrique. De l’âge de 8 à 24 semaines, les rats Sham et IR ne montrent pas de différence de poids (Sham n=11, IR n=11 ; Test de Student : Sham vs IR p>0,05 aux différents temps ; Figure 33).

Figure 33 : Poids des animaux durant toute la procédure

Le poids des rats irradiés (IR, gris) est identique à celui des rats Sham (noir) aux différents temps analysés. Sham n=11 ; IR n=11

Le blocage de la neurogenèse adulte hippocampique a été vérifié 15-16 semaines après irradiation sur l’ensemble des animaux soumis à la tâche de mémoire épisodique (âgés de 23-24 semaines au moment du sacrifice). Pour cela nous avons analysé l’expression du

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marqueur de neurones néoformés DCX en immunohistochimie dans les parties dorsale, intermédiaire et ventrale du GD (Figure 34 ; selon le protocole décrit dans Veyrac et al., 2013). La densité moyenne des cellules exprimant DCX a été analysée à ces différents niveaux sur 3 sections d’hippocampe espacées de 140µm.

Figure 34 : Régions d’analyse de l’expression de DCX dans le GD de l’hippocampe

En rouge : partie dorsale du GD, en orange : partie intermédiaire du GD, et en vert : partie ventrale du GD.

Chez les rats Sham, nous observons un plus grand nombre de cellules exprimant DCX dans la partie dorsale comparé aux parties intermédiaire et ventrale (Test de Student Sham : dorsal

vs intermediate p=0,006, dorsal vs ventral p<0,001, intermediate vs ventral p=0,13 ; Figure

35A), ce qui est en accord avec les données de la littérature sur l’hétérogénéité de la neurogenèse adulte hippocampique selon l’axe antéro-postérieur (Snyder, 2009; Jinno, 2011a; Bekiari et al., 2014). Par ailleurs, l’irradiation induit une diminution significative de 64% de la densité de cellules exprimant DCX dans la partie dorsale du GD des rats irradiés comparée aux rats Sham, mais aucune différence significative n’a été observée dans les parties intermédiaire et ventrale du GD (Test de Student : Sham vs IR : dorsal p<0,001, intermediate p=0,94 et ventral p=0,91 ; Figure 35A et B). Ces résultats indiquent que l’irradiation a fortement réduit la neurogenèse adulte dans la partie dorsale du GD, mais elle reste identique à celles des rats Sham du même âge dans les parties intermédiaire et ventrale.

129 Figure 35 : Blocage de la neurogenèse hippocampique par irradiation

A. Densité de cellules exprimant DCX par µm² dans le GD de l’hippocampe chez les rats Sham (noir) et irradiés (gris). Le niveau de neurogenèse est plus important dans la partie dorsale du GD comparé aux parties intermédiaire et ventrale chez les rats Sham. B. L’irradiation affecte la neurogenèse adulte hippocampique dans la partie dorsale du GD mais pas dans la partie intermédiaire (milieu) ni ventrale (bas) du GD. Barre d’échelle : 50µm. C, D. Valeurs individuelles de la densité de cellules DCX+ dans le GD chez les rats Sham (C) et irradiés (D). *** : Test de Student, Sham vs IR, p<0,005. ## : Test de Student, Dorsal vs Intermediate, p<0,01. ### : Test de Student, Dorsal vs Ventral, p<0,005. Sham n=11, IR n=11.

Par ailleurs, nous observons dans la population des rats Sham et irradiés une variabilité relative du niveau de la neurogenèse adulte hippocampique (Figure 35C et D), indiquant que la neurogenèse adulte basale varie d’un individu à l’autre et que le blocage par irradiation bien qu’efficace dans la partie dorsale, n’est pas homogène pour tous les rats. Nous avons également vérifié que la neurogenèse dans la SVZ et le BO n’est pas affectée par l’irradiation au niveau de l’hippocampe (Figure 36).

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Figure 36 : Effet de l’irradiation sur la neurogenèse du bulbe olfactif

L’irradiation de la région cérébrale incluant l’hippocampe n’altère pas l’expression de DCX dans la SVZ (A et

B) ni dans le BO (C et D). A et C. x10. Barre d’échelle : 100µm. B et D. x20. Barre d’échelle : 50µm.

En conclusion, l’utilisation du modèle de blocage de la neurogenèse adulte hippocampique par irradiation focale, avec le protocole que nous avons utilisé, permet d’obtenir une diminution importante de la neurogenèse adulte dans la partie dorsale du GD uniquement.

B. Effets de l’irradiation focale sur les performances dans une