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Chapitre 2 : La neurogenèse adulte hippocampique

C. Maturation des nouveaux neurones

5. Maturation et intégration fonctionnelle

Dès la première semaine, malgré l’absence d’afférences, les progéniteurs tardifs et les nouveaux neurones immatures sont capables d’émettre des potentiels d’action (PA) de faible amplitude, même si la forte résistance d’entrée et la faible capacitance membranaire des nouveaux neurones ainsi que leur faibles courants sodiques entrants et potassiques sortants montrent qu’ils possèdent des caractéristiques électrophysiologiques immatures à cet âge (Liu

et al., 2000; Wang et al., 2000, 2005b; Van Praag et al., 2002; Filippov et al., 2003; Fukuda et al., 2003; Ambrogini et al., 2004a; Espósito et al., 2005; Overstreet-Wadiche et al., 2005;

Mongiat et al., 2009).

Au cours des 2 premières semaines après leur naissance, les nouveaux neurones reçoivent les premières afférences fonctionnelles depuis les cellules pyramidales du cortex entorhinal (Figure 16 ; De La Rosa-Prieto et al., 2015). Bien qu’à ce stade les nouveaux neurones expriment à la fois des récepteurs glutamatergiques et GABAergiques, ces premières afférences au niveau des dendrites sont exclusivement GABAergiques et sont essentielles à la maturation correcte des nouveaux neurones (Espósito et al., 2005; Overstreet-Wadiche et

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al., 2005; Tozuka et al., 2005; Wang et al., 2005b; Ge et al., 2006; voir pour revue Mongiat &

Schinder, 2011; Gu et al., 2012b). A ce stade, la transmission GABAergique est dépolarisante (Figure 16 ; Ambrogini et al., 2004a; Overstreet-Wadiche et al., 2005; Ge et al., 2006; voir pour revue Piatti et al., 2006; Aasebø et al., 2011; Gu et al., 2012b). En effet, durant cette période, les nouveaux neurones expriment le co-transporteur du chlore Na-K-Cl-cotransporter 1 (NKCC1) qui favorise la sortie du chlore de la cellule entraînant ainsi une dépolarisation post-synaptique lors d’une libération de GABA (Tozuka et al., 2005). Cette action dépolarisante du GABA est essentielle pour l’établissement des afférences synaptiques fonctionnelles, la croissance dendritique, la maturation et l’intégration fonctionnelle des nouveaux neurones (Tozuka et al., 2005; Ge et al., 2006; voir pour revue Aimone et al., 2014; Pallotto & Deprez, 2014), ainsi que pour l’incorporation synaptique des récepteurs glutamatergiques AMPA (Chancey et al., 2013).

Figure 16 : Intégration fonctionnelle des nouveaux neurones au sein des réseaux neuronaux de l’hippocampe

Dès la première semaine les nouveaux neurones reçoivent des afférences dépolarisantes GABAergiques (bleu) qui deviennent hyperpolarisantes au cours de la troisième semaine. A partir de la deuxième semaine, les nouveaux neurones reçoivent les premières afférences glutamatergiques (en violet) en parallèle de la formation des efférences vers l’aire CA3 (en vert). Extrait de Zhao et al. 2008.

A la fin de la deuxième semaine, les cellules granulaires nouvellement formées ont des contacts synaptiques fonctionnels avec des interneurones, des cellules moussues et pyramidales de l’aire CA3 (Toni et al., 2008). Parallèlement au développement des afférences synaptiques glutamatergiques au cours de la troisième semaine, les afférences GABAergiques deviennent hyperpolarisantes (Figure 16 ; Ambrogini et al., 2004a; Ge et al., 2006). A ce stade, l’expression du co-transporteur du chlore, le K-Cl-cotransporter 2 (KCC2), augmente graduellement tandis que celle de NKCC1 diminue (Ge et al., 2006). KCC2 étant un exportateur de chlore, la concentration intracellulaire de chlore diminue dans la cellule

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entraînant ainsi une hyperpolarisation des nouveaux neurones lors d’une libération de GABA. Le passage de l’action dépolarisante à hyperpolarisante du GABA au niveau des nouveaux neurones est appelé « switch » GABAergique (Ge et al., 2006).

Environ 4 semaines après leur naissance, les nouvelles cellules granulaires reçoivent des afférences glutamatergiques fonctionnelles et émettent des PA comme les neurones matures (Van Praag et al., 2002; Mongiat et al., 2009; Gu et al., 2012a), ainsi que des trains de PA associés à un phénomène d’adaptation à la haute fréquence (Espósito et al., 2005).

La dernière étape de l’intégration synaptique des nouveaux neurones, entre 3 et 6 semaines après leur naissance, consiste en la formation des connexions synaptiques GABAergiques au niveau de leur soma et des dernières connexions des afférences glutamatergiques au niveau de leurs dendrites (Van Praag et al., 2002; Espósito et al., 2005). Carlén et coll. en 2002 montrent que les nouveaux neurones âgés de 3 à 7 semaines sont effectivement intégrés fonctionnellement dans les réseaux neuronaux de l’hippocampe (Carlén et al., 2002). Pour cela, les auteurs ont utilisé un vecteur viral GFP PRV GS518 comme traceur trans-synaptique rétrograde pour marquer les neurones connectés au sein d’un même réseau. L’injection de ce vecteur dans l’aire CA1 de l’hippocampe couplée à l’injection et au marquage de BrdU a permis de montrer que les nouveaux neurones infectés, donc synaptiquement connectés sont âgés de 3 à 7 semaines (Carlén et al., 2002). Bien qu’intégrés au réseau hippocampique, les nouveaux neurones présentent néanmoins à ce stade une activité évoquée différente de celle des neurones matures. En effet, en réponse à un protocole de stimulation en double chocs de la voie perforante, les nouveaux neurones âgés de 4 semaines expriment une dépression et non une facilitation comme observée sur des neurones matures (Van Praag et al., 2002), indiquant que l’élément présynaptique n’a pas complètement achevé sa maturité.

L’induction pharmacologique ou comportementale de l’expression des gènes immédiats précoces (IEGs) dans les nouveaux neurones est également un indice de leur intégration au sein des réseaux puisqu’ils sont induits en réponse à une activité synaptique (Jessberger & Kempermann, 2003; Aguilar-Arredondo et al., 2015). Les IEGs sont des gènes dont l’expression est induite rapidement et transitoirement en réponse à des signaux extracellulaires et dont l’induction ne nécessite pas de synthèse protéique (voir partie 2, page 151). L’injection de kaïnate chez la souris n’induit pas d’expression des IEGs (c-Fos, Zif268) dans des nouveaux neurones âgés de 2 semaines mais induit une expression dans 25% des nouveaux neurones âgés de 3 semaines, dans 50% de ceux âgés de 4 semaines et dans 80% de ceux âgés de 7 semaines, proportion équivalente à l’induction de l’expression des IEGs dans les neurones préexistants (Jessberger & Kempermann, 2003; Snyder et al., 2009a). Ces résultats suggèrent que chez la souris, les nouveaux neurones de 2 semaines ne peuvent être recrutés par l’activité des réseaux contrairement à ceux âgés de 3 semaines. Chez le rat, l’induction d’une PLT dans le GD de l’hippocampe par stimulation de la voie

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perforante stimule l’expression du facteur de transcription Zif268 dans les nouveaux neurones âgés de 2 semaines mais pas de ceux âgés de 1 semaine (Bruel-Jungerman et al., 2006). De même, Snyder et coll. montrent que l’injection de kaïnate chez le rat induit l’expression d’IEGs à partir de la deuxième semaine équivalente à celle observée dans des neurones matures préexistants âgés de 4 semaines (Snyder et al., 2009a).

L’ensemble de ces résultats montre que les nouveaux neurones présentent des caractéristiques morphologiques et électrophysiologiques fonctionnelles dès l’âge de 2 semaines chez le rat et à l’âge de 3 semaines chez la souris. L’expression des IEGs (c-Fos et Zif268) semble être un bon indicateur de l’intégration des nouveaux neurones puisque leur cinétique d’expression est cohérente avec leur maturation morphologique et électrophysiologique. Ces résultats suggèrent que les nouveaux neurones peuvent être recrutés par l’activité synaptique avant même qu’ils ne soient complètement matures.