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Chapitre 2 : La neurogenèse adulte hippocampique

A. Facteurs intrinsèques

1. Influence du fond génétique

La neurogenèse adulte concerne plusieurs espèces mammifères (voir III.B, page 34) avec cependant des différences des taux de neurogenèse, suggérant une importance des facteurs

génétiques dans sa régulation (voir pour revue Amrein et al., 2011). En effet, chez la souris,

plusieurs études montrent que la prolifération et la survie des nouvelles cellules sont fortement influencées par le fond génétique (Kempermann et al., 1997a; Kempermann & Gage, 2002a; Kim et al., 2009a; Snyder et al., 2009a). Kempermann et coll. ont réalisé une étude génétique comparative de 52 souches recombinantes de souris comprises dans deux panels différents de référence (AXB/BXA et BXD) et montrent qu’ils existent des différences d’expression de gènes impliqués dans les processus de régulation des différentes étapes de la neurogenèse (Kempermann et al., 2006), suggérant un contrôle génétique de la régulation de la neurogenèse. Chez le rat, les nouvelles cellules formées meurent plus rapidement chez la souche Long Evans (LE) par rapport à la souche Sprague-Dawley (SD) et la population des nouvelles cellules est stabilisée dès la deuxième semaine chez les LE (Snyder et al., 2009a). De même, les rats « Spontaneously Hypertensive » (SHR) montrent un taux de prolifération et de survie des nouvelles cellules produites supérieur à celui des rats SD (Perfilieva et al., 2001). Par ailleurs, on notera également que quelque soient les souches étudiées, le taux de survie des nouveaux neurones à 4 semaines est toujours plus élevé chez le rat que chez la souris (Snyder et al., 2009a). Ces données indiquent que la formation, la différenciation et la survie des cellules nouvellement formées dans le GD sont régulées par des facteurs génétiques et que le fond génétique est un paramètre important pour le choix de son modèle d’étude et la comparaison des résultats obtenus avec différents modèles.

2. Programmes cellulaires intrinsèques

Il existe un grand nombre de programmes cellulaires intrinsèques qui influencent les différentes étapes de la neurogenèse adulte, depuis la prolifération et la différenciation des nouvelles cellules jusqu’à leur intégration (voir pour revue Abrous et al. 2005; Mu et al. 2010). De nombreux gènes sont impliqués dans les processus de développement du système nerveux central et, au vu des similitudes entre les étapes développementales et les étapes de la neurogenèse adulte, il devient de plus en plus évident que ces deux processus partagent des mécanismes de régulation communs. Sonic hedgehog par exemple, régulateur clé de la prolifération cellulaire et de la différenciation neuronale pendant le développement, est également impliqué dans ces mêmes processus au cours de la régulation de la neurogenèse adulte (Lai et al., 2003; Machold et al., 2003). D’autres exemples concernent la voie de signalisation Wnt/βCatenin qui joue un rôle important dans la balance entre prolifération et

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différenciation des cellules progénitrices chez le rat adulte (Lie et al., 2005; Jagasia et al., 2006; Kuwabara et al., 2009), la protéine transmembranaire Notch1 qui intervient dans le maintien des cellules progénitrices en facilitant leur prolifération (Ables et al., 2010; voir pour revue Crowther & Song, 2014), la protéine Collapsin response mediator protein 5 (CRMP5), une protéine exprimée dans une fraction de neuroblastes encore en division et dans la totalité des neuroblastes post-mitotiques et qui participe à la régulation négative de la prolifération des cellules progénitrices et de la survie de nouveaux neurones (Veyrac et al., 2011).

La maturation dendritique et synaptique des nouveaux neurones implique un certain nombre de facteurs dont la cyclin-dependent kinase 5 (Cdk5), une kinase associée au régulateur p35. L’absence de Cdk5 chez la souris entraîne des altérations de la morphologie des arborisations et des épines dendritiques des neurones néoformés mais également des déficits de migration et de survie à long terme (Jessberger et al., 2008; Lagace et al., 2008; voir pour revue Mu et

al., 2010). La protéine DISC1 est également impliquée dans la morphologie des nouvelles

cellules, notamment dans la taille du soma, la croissance axonale, l’initiation et le développement de l’arborisation dendritique, et la formation des épines dendritiques (Duan et

al., 2007; Faulkner et al., 2008; Kvajo et al., 2008; Kim et al., 2009b; Lee et al., 2015). De

plus, DISC1 régule la migration des nouveaux neurones au sein de la couche granulaire ainsi que le « switch » GABAergique (Duan et al., 2007; Kvajo et al., 2008; Kim et al., 2009b; Pontes et al., 2013). Le cil primaire qui est formé lorsque les nouveaux neurones s’installent définitivement dans la couche granulaire du GD, entre la deuxième et troisième semaine après leur naissance, joue un rôle critique dans la complexification de l’arborisation dendritique via la voie de signalisation Wnt/βCatenin (Kumamoto et al., 2012). De même, le nuclear factor-kappa b p50 (NF-κB p50) est nécessaire à la survie à long terme des nouveaux neurones (Denis-Donini et al., 2008).

3. Programmes épigénétiques

Les processus épigénétiques sont caractérisés par des modifications d’expression génique avec des effets biologiques à long terme sans induire d’altération de séquences d’ADN. Les principaux mécanismes épigénétiques concernent la méthylation de l’ADN, les modifications post-translationnelles des histones et la régulation/expression d’ARN non codants, dont les microARN (miRNA) (voir pour revue Ma et al., 2010; Sun et al., 2011). Ces mécanismes épigénétiques sont des facteurs puissants qui régulent la neurogenèse adulte, notamment dans les cellules progénitrices où ces mécanismes influencent durablement leur devenir (voir pour revue Ma et al., 2010; Crowther & Song, 2014).

La méthylation de l’ADN est la modification épigénétique la plus stable et la plus étudiée

dans le génome des mammifères depuis les années 1950 (voir pour revue Covic et al., 2010; Sun et al., 2011). Elle intervient au niveau des paires de nucléotides CpG par les DNA

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methyltransferase. Les methyl-CpG binding proteins (MBD) sont les principaux médiateurs de la méthylation de l’ADN impliquées dans la régulation de l’expression des gènes. Plusieurs auteurs ont montré que la protéine MBD1 joue un rôle crucial dans le maintien de la stabilité génomique et la neurogenèse hippocampique basale, au niveau de la prolifération des cellules progénitrices ainsi que dans la différenciation neuronale des cellules filles (Zhao et al., 2003; voir pour revue Mu et al., 2010). MBD1 se lie directement sur la région du promoteur du facteur de croissance fibroblast growth factor 2 (FGF2), un mitogène important pour la neurogenèse adulte (Zhao et al., 2003; Li et al., 2008; Ma et al., 2009b), régulant ainsi son expression dans les cellules progénitrices. Une autre étude a montré un rôle plus complexe de MBD1 puisqu’elle régule la balance entre prolifération et différenciation des cellules progénitrices en contrôlant l’expression de plusieurs miRNA dont miR-184 (Liu et al., 2010). La metyl-CpG-binding protein (MeCP2), qui régule négativement l’expression du facteur de croissance BDNF, essentiel à la prolifération, la maturation neuronale et morphologique des nouveaux neurones, joue un rôle important dans la maturation neuronale et la formation des épines dendritiques des nouveaux neurones (Schmidt & Duman, 2007; Smrt et al., 2010). De la même façon que MBD1, MeCP2 régule la prolifération et la différenciation des cellules progénitrices en modulant l’expression du miR-137 (Szulwach et al., 2010). Gadd45b, gène immédiat précoce inductible impliqué dans la déméthylation de l’ADN, joue un rôle dans la prolifération des cellules progénitrices induite par l’activité des réseaux neuronaux et la croissance dendritique des nouveaux neurones, via la régulation de l’expression de facteurs de croissance tel que le BDNF ou encore le FGF (Ma et al., 2009a; voir pour revue Mu et al., 2010).

Les modifications des histones peuvent être de différents types : acétylation, méthylation, phosphorylation, ubiquitination, ribosylation et sumoylation. L’acétylation se produit au niveau des résidus de lysine par les histones acétyltransférases (HAT) et peut être annulée par les histones désacétylases (HDAC). Les HAT et HDAC sont impliquées dans la maturation et la survie des nouveaux neurones via la régulation des facteurs de transcription Sox2 (Jawerka et

al., 2010), NeuroD1 et T-cell leukemia homeobox 1 (Tlx1) (Hsieh et al., 2004; Sun et al., 2007,

voir pour revue 2011).

Plus récemment, il a été montré que les miRNA représentent une importante classe de molécules capables d’interagir avec des modificateurs de la chromatine et des facteurs de transcription. Plusieurs miRNA, tels que 9, 124, 125b, 132, 134,

miR-137, miR-138 et miR-184 régulent le développement synaptique et dendritique des nouveaux

neurones (voir pour revue Ma et al., 2010; Mu et al., 2010; Wakabayashi et al., 2014). Le

miR-184, dont l’expression est régulée négativement par MBD1, favorise la prolifération et inhibe la différenciation des cellules progénitrices en réprimant la transcription de la protéine Numblike (Liu et al., 2010). Le miR-137 joue également un rôle important dans le maintien et la prolifération des cellules progénitrices. Il est régulé par Sox2 et par MeCP2, protéine qui,

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comme nous l’avons vu, contrôle l’expression de BDNF (Smrt et al., 2010; voir pour revue Szulwach et al., 2010; Wakabayashi et al., 2014). Le miR-9, un des miRNA le plus exprimé dans le cerveau, est essentiel à la différenciation neuronale (voir pour revue Wakabayashi et

al., 2014). Il inhibe la prolifération des cellules progénitrices et favorise leur différenciation en

régulant l’expression du facteur de transcription hairy and enhancer of split-1 (Hes1) impliqué dans la capacité d’auto-renouvellement des cellules progénitrices (Zhao et al., 2009; Bonev et

al., 2012).

4. Facteurs de transcription

Les boucles d’autorégulation de l’expression de certains gènes, principalement par les facteurs de transcription, jouent également un rôle important dans la régulation de la neurogenèse (voir pour revue Ma et al., 2010). Les facteurs de transcription sont des protéines qui régulent l’expression de gènes. Ils se fixent directement sur l’ADN au niveau des séquences régulatrices dans les régions promotrices de certains gènes afin d’activer ou d’inhiber leur transcription. Plusieurs facteurs de transcription ont déjà été cités dans ce manuscrit comme régulateur de la neurogenèse parmi lesquels Sox2, essentiel au maintien de l’auto-renouvellement des cellules progénitrices et à leur prolifération (Ferri et al., 2004; Episkopou, 2005; Suh et al., 2007; voir pour revue Crowther & Song, 2014). Sox2 régule l’expression du récepteur du facteur de croissance epidermal growth factor (EGF), qui lui-même régule l’expression de Sox2 de façon positive dans les cellules progénitrices (Hu et al., 2010), induisant ainsi des effets sur la balance entre auto-renouvellement et production des cellules progénitrices. Sox2 régule également l’expression d’un autre facteur de transcription, NeuroD1, via la voie Wnt/βcatenin (Jagasia et al., 2006; Kuwabara et al., 2009). NeuroD1 joue un rôle essentiel dans la différenciation neuronale, la survie et la maturation dendritique des nouveaux neurones (Hsieh et al., 2004; Gao et al., 2009; Kuwabara et al., 2009; Roybon et

al., 2009; Aimone et al., 2014; Richetin et al., 2014). Le facteur de transcription Neurogenin-2

(Ngn2), exprimé dans les cellules progénitrices (Ozen et al., 2007), est nécessaire à leur prolifération (Roybon et al., 2009). Paired box 6 (Pax6) est un facteur de transcription qui s’exprime principalement dans la glie radiaire et qui joue un rôle important dans la balance entre prolifération et différenciation des cellules progénitrices du GD (Maekawa et al., 2005; Nacher et al., 2005). Le facteur de transcription kruppel-like factor 9 (Klf-9) est impliqué dans la survie à long terme et la croissance dendritique des neurones nouvellement formés notamment dans la croissance des dendrites tertiaires (Scobie et al., 2009; voir pour revue Mu

et al., 2010; Crowther & Song, 2014) et son absence réduit l’amplitude de la PLT dépendante de la neurogenèse (Scobie et al., 2009). Ces données suggèrent que le facteur Klf-9 pourrait être nécessaire à l’intégration fonctionnelle des nouveaux neurones. Pour finir, le facteur de transcription CREB, impliqué notamment dans la PLT, est essentiel à la prolifération des

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cellules progénitrices, à la survie et à la maturation morphologique et dendritique des nouveaux neurones (Nakagawa et al., 2002; Fujioka et al., 2004; Jagasia et al., 2009; Mu et

al., 2010; Wei et al., 2012).