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Chapitre 2 : La neurogenèse adulte hippocampique

B. La neurogenèse adulte dans le règne animal

1. Chez les invertébrés

Le cerveau des insectes était considéré comme particulièrement inflexible et stable une fois à l’âge adulte. Néanmoins, Cayre et coll. ont montré que 25% des interneurones sont continuellement ajoutés à l’âge adulte dans les corps pédonculés, structures impliquées dans l’intégration multisensorielle des signaux en provenance des antennes, des yeux et des palpes, et dans l’apprentissage et la mémoire chez différentes espèces d’Orthoptères et de Coléoptères (Cayre et al., 1994, 1996, voir pour revue 2002). La présence d’une neurogenèse adulte a également été montrée chez la drosophile dans le cortex médullaire des lobes optiques (Fernández-Hernández et al., 2013). Cependant, il n’a pas été montré de neurogenèse adulte chez l’abeille, le papillon monarque ou encore chez le criquet migrateur. La raison de ces différences entre espèces d’insectes reste inconnue (voir pour revue Cayre

et al., 2002). Néanmoins, certains auteurs suggèrent que la persistance de la neurogenèse

adulte chez certains insectes pourrait être liée à leur complexité comportementale (Bieber & Fuldner, 1979), même si cette hypothèse n’est pas complètement satisfaisante puisque certains insectes avec des comportements sociaux complexes, comme l’abeille ou la fourmi, ne présentent pas de neurogenèse adulte. Cayre et al. montrent que l’absence de neurogenèse chez le criquet induit un déficit d’apprentissage associatif olfactif et de rétention, suggérant que les nouveaux neurones participent à l’intégration de signaux olfactifs et à l’adaptation à l’environnement (Scotto-Lomassese et al., 2003; Cayre et al., 2007).

Chez les crustacés, la neurogenèse perdure à l’âge adulte à travers l’addition de différents types cellulaires dans la voie olfactive, suggérant une certaine plasticité de ce circuit cérébral (voir pour revue Cayre et al., 2002; Sandeman et al., 2011). Cet ajout de nouveaux neurones a été montré chez le crabe dans la voie centrale olfactive (Schmidt, 1997) et chez l’écrevisse où de nouveaux interneurones sont incorporés dans les deux noyaux bilatéraux contenant les neurones associés aux lobes olfactif et accessoire, structures qui reçoivent des signaux olfactifs mais également des signaux visuels et tactiles (Sandeman & Sandeman, 2000). Les auteurs montrent également que l’environnement dans lequel évoluent les écrevisses module le niveau de la neurogenèse. Ces données suggèrent un rôle des nouveaux neurones dans l’adaptation à l’évolution constante de leur environnement (olfaction, vision, stimulations tactiles, interactions sociales, etc.).

2. Chez les vertébrés non mammifères

Chez les poissons et notamment ceux de l’ordre des gymnotiformes dont le poisson zèbre le cerveau continue d’être modifié à l’âge adulte via l’addition de nouvelles cellules, que ce soient des neurones ou des cellules gliales (voir pour revue Cayre et al., 2002; Zupanc, 2008;

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Schmidt et al., 2013). Les zones de forte prolifération sont localisées à la surface des régions ventriculaires du télencéphale, une dans la partie dorsale et une dans la partie ventrale. La zone ventrale de prolifération s’étend du BO à la commissure antérieure et la zone dorsale tout le long de la surface des ventricules (voir pour revue Kaslin et al., 2008; Kizil et al., 2012). A la surface du troisième ventricule, les noyaux bilatéraux de neurones impliqués dans le contrôle d’un organe électrique utilisé lors d’interactions sociales chez le « knifefish », montrent un fort taux de prolifération de cellules neuronales (Zupanc & Zupanc, 1992). Il a également été montré une prolifération cellulaire dans la couche moléculaire du cervelet à la surface du quatrième ventricule et une migration des nouveaux neurones produits dans la couche granulaire (Zupanc & Horschke, 1995; voir pour revue Kizil et al., 2012). Il est intéressant de noter qu’en parallèle de la prolifération neuronale, il y a également un fort taux d’apoptose suggérant une régulation fine du nombre de nouveaux neurones formés (Zupanc, 1999, 2008). Chez le poisson rouge, il existe une neurogenèse dans le système visuel et plus particulièrement dans le tectum optique, les cellules produites dans l’aire germinale de la partie caudale du tectum migrant ensuite vers la partie rostrale du tectum (Raymond & Easter, 1983; voir pour revue Kizil et al., 2012). Cette neurogenèse semble modulée par les fibres afférentes du nerf optique en provenance de la rétine suggérant ainsi une modulation par l’environnement (Raymond et al., 1983). Plusieurs études montrent que le niveau de neurogenèse peut être régulé par la hiérarchie sociale au sein d’un groupe (voir pour revue Zupanc & Sîrbulescu, 2011).

Il existe très peu d’études de la neurogenèse adulte chez les amphibiens. Mais chez la grenouille adulte, des nouvelles cellules sont continuellement générées dans la cavité préoptique de la zone ventriculaire et sont ensuite recrutées par le noyau préoptique de l’hypothalamus (Chetverukhin & Polenov, 1993). Il existe également une neurogenèse dans le télencéphale, le thalamus, l’hypothalamus et le cervelet (Raucci et al. 2006; (voir pour revue Kaslin et al., 2008). Le taux de neurogenèse peut être modulé en fonction de la saison chez la grenouille et la salamandre suggérant un lien entre la neurogenèse et l’adaptation à l’environnement (voir pour revue Kaslin et al., 2008).

Chez les reptiles, tortues et lézards, une neurogenèse adulte forte a été montrée dans le télencéphale et plus particulièrement dans la paroi des ventricules latéraux, le noyau sphérique, le BO, le cortex, le septum et le striatum (Pérez-Cañellas & García-Verdugo, 1996; Pérez-Cañellas et al., 1997; voir pour revue Font et al., 2001; Garcı́a-Verdugo et al., 2002; Kaslin et al., 2008). Les nouveaux neurones naissent dans les parois des ventricules latéraux pour ensuite migrer vers les différentes régions du télencéphale où ils s’intègrent dans les réseaux neuronaux préexistants. Néanmoins, le rôle fonctionnel de la neurogenèse adulte chez les reptiles n’est pas clair même s’il semble qu’elle soit impliquée dans la plasticité olfactive, l’apprentissage et la mémoire (voir pour revue Font et al., 2001). De plus, le taux de neurogenèse peut être modulé par la photopériode ou la température chez le lézard suggérant

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également un lien entre la neurogenèse et l’adaptation à l’environnement (voir pour revue Kaslin et al., 2008).

Chez les oiseaux (Canaris, diamants mandarins, mésange), il existe une neurogenèse adulte tout au long de la vie au niveau de la paroi des ventricules latéraux. Ces nouveaux neurones migrent sur une courte distance dans le télencéphale, notamment dans l’hippocampe aviaire et le HVC (acronyme utilisé comme nom propre), structure impliquée dans la production du chant (voir pour revue Alvarez-Buylla, 1992; Garcı́a-Verdugo et al., 2002; Nottebohm, 2002; Kaslin et al., 2008). L’utilisation de la microscopie électronique a permis de montrer que les nouvelles cellules produites sont des neurones qui reçoivent des synapses au niveau du soma et des dendrites (Burd & Nottebohm, 1985) et sont capables de répondre à la présentation d’un son par l’émission de potentiels d’action (Paton & Nottebohm, 1984). Comme chez les poissons, la relation entre l’addition de nouveaux neurones dans le cerveau adulte des oiseaux et la mort d’autres neurones en fonction de la saison suggère une régulation de la neurogenèse en fonction des modifications environnementales (Barnea & Nottebohm, 1994; Kirn et al., 1994; voir pour revue Nottebohm, 2002). Certains comportements des oiseaux ont été mis en relation avec la neurogenèse adulte. Par exemple, la complexité sociale d’un groupe d’individus ou la mémorisation du chant des oisillons augmentent le taux de neurogenèse (Barnea et al., 2006; Barkan et al., 2007). De même, le comportement de mise en réserve de nourriture à l’approche de l’hiver, qui implique un apprentissage spatial, induit une augmentation du volume de l’hippocampe aviaire par l’ajout de nouveaux neurones dans cette structure (Barnea & Nottebohm, 1994, 1996; Patel et al., 1997; Hoshooley & Sherry, 2007; voir pour revue Barnea, 2009; Sherry & Hoshooley, 2010). Certains auteurs montrent également un lien entre la neurogenèse adulte dans le HVC et l’acquisition, la production et le maintien du chant chez les oiseaux chanteurs (Wang et al., 1999; Scharff, 2000; voir pour revue Nottebohm, 2002). L’ensemble de ces données suggère comme chez les insectes, que la neurogenèse adulte pourrait jouer un rôle dans les processus d’adaptation à l’environnement chez l’oiseau ainsi que dans certains types d’apprentissage.

3. Chez les vertébrés mammifères

Comme nous l’avons vu précédemment, la neurogenèse adulte a été initialement mise en évidence chez le rat et le chat par Altman (Altman, 1962, 1963, 1969; Altman & Das, 1965, 1966), données ensuite confirmées chez le rat et le primate par Kaplan (voir I.A, page 30 ; Kaplan & Hinds, 1977; Kaplan, 1981; Kaplan & Bell, 1984). Depuis, la neurogenèse adulte a été démontrée dans le cerveau de nombreuses autres espèces de mammifères dont les rongeurs (souris, cochon d’inde, campagnol des prés, écureuil, rat taupe), le scandentia, un petit mammifère arboricole, le hérisson, la taupe, le renard, l’éléphant, la loutre, les chauve-souris, le lapin, la vache, le chien, le mouton (Cameron et al., 1993; Gould et al., 1997;

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Martín et al., 2003; Amrein et al., 2004a, 2004b, voir pour revue 2011, 2015; Ngwenya et al., 2011; Patzke et al., 2014; Lowe et al., 2015), mais également chez le singe et chez l’Homme (Eriksson et al., 1998; Gould et al., 1998, 1999b, 2001; Kornack & Rakic, 1999, 2001; Pencea

et al., 2001; Bédard & Parent, 2004; Spalding et al., 2013; voir pour revue Bergmann et al.,

2015; Ernst & Frisén, 2015).

Nous centrerons la suite de l’exposé sur la neurogenèse chez les mammifères adultes.