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Les missions dans les territoires français et à l’étranger

P RESENTATION DE P IERRE L HANDE

E. L’héritage culturel ancestral basque

3. Les missions dans les territoires français et à l’étranger

Ces missions sont accomplies sur un temps relativement court pour chacune d’elle. Pierre Lhande a été mandaté sur place en qualité d’ambassadeur173 au sens large par sa hiérarchie. Nous ne nous attardons pas sur cette facette de son apostolat qu’il faudrait traiter dans une problématique autre. Signalons la publication de trois ouvrages où Pierre Lhande donne des informations sur ses itinéraires et sur la

172 Les lettres des auditeurs et les articles datés aux A.J.P.F. Ces courriers sont repris en partie dans le corpus des Radio-sermons et feront l’objet d’une étude succincte dans le chapitre III.

Cette pratique épistolaire n’a pas débuté avec l’intervention de Pierre Lhande à la radio. D’après Guy Robert, « Paroles timbrées et interrogations : le courrier des auditeurs », dans Cahiers de l’Histoire de la Radiodiffusion (C.H.R.), d’avril-juin 2011, n° 118, Paris, Comité d’Histoire de la Radiodiffusion, p. 61-78, les courriers des auditeurs ont afflué dès les années 1924, après que Marcel Laporte, surnommé « Radiolo », premier speaker à Radiola/Radio-Paris, soit intervenu pour présenter les émissions sur la station. Il eut tellement de succès, que l’éditeur Grasset lui a demandé de publier ses Mémoires où la « nouvelle catégorie épistolaire » tient une large place puisque l’auteur consacre la troisième partie de son livre à l’étude des lettres des auditeurs qu’il a reçues et qu’il commente. Voir Marcel LAPORTE, Mémoires de Radiolo, Paris, Grasset, 1925, p. 113-208.

173 Sa notoriété de prédicateur, la qualité de ses enquêtes menées en région parisienne et qui avait alerté l’opinion publique et le fait qu’il maitrise plusieurs langues ont probablement pesé dans le choix d’envoyer Pierre Lhande en mission sur ces terres lointaines.

richesse des échanges avec les populations durant ses voyages de 1930 à 1934174 ; il évoque cette expérience dans plusieurs « radio-sermons » de façon très personnelle, vivante et instructive.

Victime d’une aphasie brutale en avril 1934, il n’est plus en capacité de continuer de prononcer les « radio-sermons ». Il continue à écrire des articles à la revue Études et à préparer des interventions ponctuelles à la radio175, puis, ses forces physiques déclinant, il se retire au Pays Basque à Tardets, à l’institution Saint François où il s’éteint le 17 avril 1957 après de longues années de souffrances.

Sur le point de clore cette présentation, nécessairement réductrice et qui se veut être un portrait esquissé et non une biographie176, le témoignage qui suit donnera un regard éclairé et fraternel sur ce que fut la richesse du parcours peu commun du Père Lhande. Il est concis, puisque il s’agit d’un article destiné à la communauté de Jésuites de la Province de Toulouse, sous la forme de notice, mais il est riche d’enseignements. Cet hommage a été publié au mois de mai 1957, peu après les obsèques de Pierre Lhande, suivies de son inhumation au cimetière de Sauguis, honoré par des membres de l’Église du diocèse et par le Pays Basque. Cette notice nous donne des informations complémentaires sur les étapes importantes de l’apostolat de Pierre Lhande et plus précisément à partir de son entrée au Noviciat de la Compagnie de Jésus. De surcroît, elle nous dévoile pudiquement et fraternellement, l’essentiel de quelques aspects de la personnalité de l’homme et du religieux. C’est pourquoi il paraît important de citer la copie de ce document dans son intégralité177.

174 Pierre LHANDE,La France rayonnante. Argentine, Chili, Uruguay. MCMXXX,Paris, Beauchesne, 1931 ; ID., Notre épopée missionnaire. Madagascar 1832-1932, Paris, Plon, 1932 ; ID., L’Inde sacrée. Grandeur et pitié d’un monde, Paris, Plon, 1934. 175 Quelques documents consultés aux A.J.P.F. en témoignent, ainsi cette photocopie

d’une préparation de « causerie » dactylographié en 1938, en Annexes, p. 344-351. 176 Nous faisons allusion ici aux termes du Père Longhaye, « Les faits extérieurs

manquant, c’est moins une vie à raconter qu’une physionomie à reproduire : le récit doit occuper moins de place que le portrait », citation de référence, p. 53, note (40) de cette thèse.

177 Voir l’avis de décès et l’hommage rendu dans Notice extraite des Nouvelles de la Province de Toulouse, mai 1957.

À Tardets Sorholus, non loin de la maison familiale, tout près du Saison qui coule au pied du Pic d’Éreten, dans le cadre merveilleux de ses romans, le P. Lhande s’est éteint vers 1 heure du matin le mercredi 17 avril 1957. Dès que la nouvelle du décès fut connue, ses compatriotes et ses amis défilèrent nombreux devant sa dépouille mortelle. Tous avaient été attentifs au curieux contraste d’une vie, qui après avoir connu la célébrité, s’achevait à 80 ans dans un effacement quasi total. Mais le charme du Père Lhande était revenu au moment de sa mort. On se pressait pour toucher ses vêtements, réciter une prière, méditer sur la profonde leçon d’une vie brisée par la maladie mais héroïquement et chrétiennement acceptée. Le 22 avril dans une église trop petite eurent lieu les obsèques en la présence d’une cinquantaine de prêtres et de deux Vicaires Généraux du Diocèse de Bayonne. Les chanteurs Euskariens178 lui dirent un « Au revoir » émouvant. Le Pays Basque pleurait le départ du chantre inspiré de la petite patrie, mais accueillait avec joie dans sa terre le corps du plus cher de ses enfants. Dans le lointain, le sommet de la montagne de La Madeleine étincelait au soleil. C’est là que le « Petio Prêtre » aimait aller en pèlerinage. Et c’est dans ce lieu sacré, sorte de « Colline Inspirée » du Pays Basque français que le jeune homme vint prier et confier au Ciel ses tourments et ses rêves. Après les heures difficiles de l’adolescence et un essai malheureux au séminaire de Bayonne le « Petit Prêtre » vint un jour au Noviciat de la Compagnie de Jésus. « Tout ce que je suis, dira-t-il plus tard, je le dois à la Compagnie, c’est elle qui m’a guidé ». En 1900 il fit ses vœux à Rodez. Mais il partit bien vite pour l’exil, en Belgique, car il faisait noir sur la France. C’était le temps du « Petit père Combes ». Il fit sa formation littéraire avec un maître humaniste le P. Longhaye. Il étudia la théologie à Enghien pour être ordonné prêtre le 28 août 1910. Ensuite il alla dans la Péninsule ibérique. Puis il fut professeur à Sarlat et au Caousou. C’est à Toulouse qu’on lui confia la chaire de littérature Euskarienne à la Faculté de Lettres de l’Université de cette ville. La guerre de 1914 arrêta ce beau départ, mais pour lui permettre en 1925 de revenir à Paris. C’est dans la Capitale qu’il allait donner toute sa mesure. L’étape la plus féconde de sa carrière allait se dérouler sur quatre plans avec un égal bonheur, jusqu’en 1939.

Il fut à la fois Romancier, Rédacteur aux Études, Prédicateur, Missionnaire. Le Romancier Basque.

Je ne sais ce que pensent les critiques littéraires des romans du P. Lhande. En tout cas les Basques les aiment et se reconnaissent en eux. Ce n’est peut-être qu’un écrivain régionaliste, mais dans son pays, on n’oubliera pas si tôt les livres qui ont pour titre : « Autour d’un foyer basque » remanié par la suite pour devenir « Le pays basque à vol d’oiseau ». L’étude sur l’Émigration basque en Amérique, qui montre le même amour pour la race et la petite patrie. Il a chanté encore le Pays basque dans ses romans « Luis », « Mirentchu », « Yolanda », « Bilbilis », « Le Moulin d’Hernani », « Mon petit prêtre ». Mais le monument le plus cher à ses compatriotes est le « Dictionnaire Basque – Français » publié en 1926 avec la collaboration des Mrs les Abbés Aranart et Lafitte. Il publia aussi un ouvrage sur le plus grand poète basque Etchahun de Barcus ce qui valut au P. Lhande d’être élu membre de l’Académie de Bilbao.

Le Rédacteur à Études.

Nous renvoyons sur ce point le lecteur à l’article du P. Henri du Passage dans le centenaire de Novembre 1956. Les Études eurent la primeur de « Luis », « Mirentchu », « Les Mouettes », « Les lauriers coupés », « Mon Petit Prêtre ». Car à cette époque, la revue bimensuelle, disposait d’assez d’espace pour accueillir volontiers des pages plus fantaisistes. La plume du P. Lhande Rédacteur à Études allait lui fournir une contribution de cette veine.

Le Prédicateur.

Le Père Lhande fut le premier à prêcher à la radio : « L’Évangile par-dessus les toits », « L’Évangile par-dessus les frontières », « Huit fresques de Saints », « Les Béatitudes », « Paraboles », « Le Bon Pasteur » et ses Carêmes à la radio. C’est incontestablement la partie de son œuvre la plus grande et la plus originale, avec sa célèbre étude sur la Banlieue Parisienne. Le P. Avril lui-même a maintes fois exalté le talent du P. Lhande Prédicateur à la radio : cet homme irremplaçable.

Le Missionnaire.

Nous ne voulons pas tellement parler ici de ses voyages à l’étranger : ce furent à notre avis beaucoup plus des visites culturelles que des tournées missionnaires proprement dites. En Argentine, le Père alla diffuser le prestige français en une série de conférences en basque et en espagnol (car il possédait, disait-il, aussi bien la langue de Cervantes que celle du Paradis terrestre). Il ira aussi aux Missions ; son voyage à Madagascar lui permit d’écrire son livre « Madagascar » (1932). Et son voyage aux Indes et au Maduré lui donne l’occasion d’écrire « L’Inde sacrée » (1934). Mais ce que nous voulions souligner et retenir ici, c’est l’œuvre du missionnaire de l’intérieur si nous parlons le langage moderne. Comment fut-il éveillé aux problèmes missionnaires de la Banlieue Rouge ? L’idée lui vint à la suite d’un reportage sur la banlieue dont la misère spirituelle obsédait le Cardinal Verdier. Le P. Croizier, dit-on, de l’Action Populaire lui fit découvrir la « Zone » ce fameux domaine des chiffonniers. Il en fut bouleversé, stupéfié. Le premier article daté du 5 septembre 1925 fit choc. Sur le grave sujet de la misère et de l’ignorance le Père Lhande allait employer un talent inouï. Le succès allait être la récompense de ses études et de ses enquêtes.

En 1931, « Le Christ dans la Banlieue » sera parvenu à la 135e édition. « Le Dieu qui bouge » à la 60e et « Le Christ sur les Fortifs « suivait de près ses aînés. Ce cri d’alarme fait entendre : « Toute une couche de la population française ignorait Dieu ! » Et des expériences apostoliques dans ces milieux déchristianisés suscitèrent une génération d’apôtres qui n’est pas près de s’éteindre. Le Père parlait mais il agissait aussi : Sous son impulsion, entre 1925 et 1930, 52 églises ou chapelles étaient construites dans la banlieue parisienne, 80 terrains acquis, 90 locaux de patronage, 40 dispensaires, 12 écoles, 8 jardins d’enfants et 14 pouponnières étaient créés. C’est sans doute sa figure d’apôtre des milieux populaires et son ardeur de pionnier que les jeunes générations retiendront le plus volontiers. Elles n’accepteront pas facilement les attaques d’un Paul Jury contre la personne et l’œuvre du « Petit Prêtre ».

Celui qui portait ce nom n’avait rien de petit, ce fut un « homme aux mains liées » et paya lourdement dans sa chair l’efficacité de son apostolat. Ses talents et ses dons lui furent retirés un à un. Et il a accepté tout avec joie. Il fut conduit par le chemin des forts, celui qui passe par des souffrances et les abandons du Calvaire mais qui mène à la joie et

à la grâce de la Résurrection. Il y a dans cette vie et cette mort de Jésuite un signe secret, une délicate attention de Dieu179.

Suit un Extrait d’une lettre de S.E. le Cardinal Gerlier au R.P. Provincial :

Bien que les circonstances ne nous aient pas permis de nous revoir depuis un certain nombre d’années, j’avais gardé pour le Père Lhande un attachement profond et plein de reconnaissance. Peut-être avez-vous su que nous avions organisé ensemble les premiers Radio-Sermons, j’ai même conservé le souvenir du titre du tout premier, qui fut donné à l’occasion du 1er janvier et qu’il avait intitulé « Bon an ! Dieu soit céans ». Ce travail commun, à une époque où il représentait une nouveauté, et bien d’autres circonstances où nous avions pu collaborer pour diverses œuvres avaient établi entre nous des liens d’amitié fraternelle. J’avais souffert avec lui quand j’ai senti que les épreuves si lourdes de sa santé l’obligeaient à interrompre son activité qui fut si bienfaisante à l’Église et aux âmes. Et voici qu’aujourd’hui il disparaît ! Mais avons-nous le droit de le regretter, alors que nous savons qu’il va recevoir la récompense d’une admirable vie religieuse. S’il était encore permis de plaisanter en évoquant des choses si tristes, je vous rappellerais la gaieté avec laquelle il aimait raconter qu’il avait été invité poliment à quitter le Grand Séminaire de Bayonne pour la bonne raison qu’on le trouvait en train de faire de la poésie aux heures où il aurait dû être penché sur la théologie. Je crois même qu’il s’est plu à raconter cela un jour aux séminaristes de Bayonne, pour réconforter ceux qui pourraient connaître une aventure analogue.

179 Cette notice est signée A.G. Après renseignements, il s’agirait des initiales d’un jésuite de la Province de Toulouse attaché à la fonction de secrétaire.

C

HAPITRE

II