• Aucun résultat trouvé

L’œuvre sur le terrain auprès des déshérités en banlieue parisienne

P RESENTATION DE P IERRE L HANDE

E. L’héritage culturel ancestral basque

1. L’œuvre sur le terrain auprès des déshérités en banlieue parisienne

Ainsi que nous l’avons précédemment évoqué, l’action de Pierre Lhande ne se traduit pas exclusivement par le discours intellectuel et spirituel. Elle s’exprime aussi concrètement par une action à vocation humaniste127 effective, auprès des populations ouvrières souvent démunies, principalement en banlieue parisienne. Si cette facette de son apostolat ne constitue pas l’objet premier de notre recherche, il est important d’en évoquer les grandes lignes avant d’aborder l’étude du contenu des Radio-sermons, car cette action entreprise sur le terrain est intimement liée à notre sujet. Pierre Lhande consacrera effectivement une grande place à cette question, au cours de sa prédication à la radio.

126 PierreLHANDE, L’Évangile par-dessus les toits, Le Bon Pasteur, op. cit., p. 191-192. 127 Humaniste est proposé ici sous l’acception de quelqu’un qui aide à relever son prochain, au nom du respect de la dignité de la personne humaine. Rappelons que cette attitude est dans la droite ligne des idées de la pensée sociale de l’Église, qui s’est développée à partir de l’Encyclique Rerum Novarum promulguée par le pape Léon XIII.

C’est, en premier lieu, par le biais de ses chroniques dans la revue Études, que Pierre Lhande révèle les conditions de vie de grande précarité des populations les plus déshéritées découvertes en banlieue parisienne. C’est ainsi qu’il décrit aux auditeurs la genèse de son apostolat :

À mon insu j’avais, en tâtonnant, posé le doigt sur le bouton secret qui allait déclencher et faire s’ouvrir devant moi une porte close, jusque-là ignorée ; et derrière cette porte allaient bientôt se révéler, presque à l’infini, des avenues toujours s’élargissant vers un monde nouveau. Une légende dorée, comme on a dit, mais une légende véridique, non de fantaisie, montait dans notre histoire. Bientôt toute la France chrétienne, d’abord étonnée, puis vite conquise, allait tourner ses regards chargés d’espérance vers ces terres inconnues où ne régnaient jusque-là que misère et désolation128.

La continuité de sa mission se poursuit en second lieu, grâce au canal de la radio, par une opération médiatique à plus grande échelle, pour transmettre le message évangélique, en sa qualité de prêtre, mais également pour informer de vive-voix les auditeurs de la situation préoccupante d’une partie de la population et, en cas d’urgence, pour les appeler au secours, en lieu et place du sermon habituel129. En touchant le plus grand nombre de personnes, la prédication à la radio s’inscrit dans la continuité de l’initiative de son combat pour lutter contre la misère, qu’elle soit physiologique, sociale, morale, spirituelle, commencée sur le terrain en 1925.

De nombreux documents relatent les différentes facettes de l’engagement de Pierre Lhande dans cet apostolat. Retenons quatre sources principales pour traiter cette question de façon concise : 1° la première émane des écrits de Pierre Lhande ; 2° la deuxième provient de l’ouvrage d’Annie Fourcaut : Bobigny,

banlieue rouge ; 3° la troisième relève des travaux de Matthias Gardet : Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert ; 4° la quatrième est une

réception de l’œuvre de Pierre Lhande par Yves Poncelet, dans une communica- tion sur Les catholiques français et l’héritage de 1789130.

128 Pierre LHANDE, L’Évangile par-dessus les toits, Le Bon Pasteur, op. cit., p. 191-192. 129 Cette question sera plus précisément détaillée dans le chapitre II.

130 Yves PONCELET, « Un éclairage à l’approche du cent cinquantenaire. L’œuvre du Père Lhande (1927-1934) » dans Pierre COLIN (dir.), Les catholiques français et l’héritage de 1789, Actes du colloque de l’Institut Catholique de Paris, Paris, Beauchesne, 1989, p.165-185.

1° Les principaux témoignages sur le sujet provenant du Père Lhande sont essentiellement consignés dans trois types de documents : a) dans les articles rédigés dans la revue Études, b) dans la trilogie Le Christ dans la banlieue131, c) dans le corpus des Radio-sermons.

Notre choix se portera sur le dernier recueil des Radio-sermons, intitulé

L’Évangile par-dessus les frontières, la première partie étant essentiellement

réservée à la prédication132. En effet, la deuxième partie de cet ouvrage est consacrée à un document bien distinct, qui s’intitule Par-dessus les barrières, Le

Christ dans la banlieue133. Elle se présente sous la forme d’un document

synthétique, semblable à un état des lieux, très positif, qui récapitule brièvement les tâches réalisées dans la banlieue parisienne dans un contexte de crise économique majeure.

Les avant-propos et les trois parties qui la constituent dessinent les contours d’un bilan des œuvres accomplies en partenariat avec les autorités religieuses et civiles. Si aucune date n’est précisée, Pierre Lhande donne des indications : dès les premières lignes il fait par exemple référence aux « chantiers du Cardinal »134.

Dès l’avant-propos, Pierre Lhande retrace succinctement l’historique des réalisations des travaux effectués à la périphérie de Paris. Il rappelle brièvement quel a été l’impact de ses enquêtes sur le terrain qui pointaient la misère sociale et spirituelle des habitants de la banlieue parisienne et qui ont contribué à la mise en œuvre des « Chantiers du Cardinal ». Il insiste sur l’action efficace du Cardinal

131 Cette trilogie comprend le volume n° 1 : Le Christ dans la banlieue. Enquête sur la vie religieuse dans les milieux ouvriers de la banlieue de Paris, Paris, Plon, 1927, le volume n° 2 : Le Christ dans la banlieue. Le Dieu qui bouge, Paris, Plon, 1930, Le Christ dans la banlieue. La Croix sur les Fortifs, Paris, Plon, 1931.

132 Pierre LHANDE, L’Evangile par-dessus les frontières, Paris, Spes, 1934. La transcription des « radio-sermons » de la série des prédications à la radio par Pierre Lhande est la dernière. Elle se termine le 25 mars 1934 sur l’antenne de Radio- Luxembourg. Le Père Lhande n’a pu poursuivre son apostolat de prédicateur à la radio à la suite de problèmes de santé.

133 Voir Pierre LHANDE, L’Évangile par-dessus les frontières, op. cit., p. 131-249. La première partie est réservée à la transcription des Radio-sermons, prononcés depuis la station de Radio-Luxembourg.

Verdier, l’instigateur de cette vaste entreprise. Ce bilan descriptif des « chantiers » réalisés ou en bonne voie de l’être, est loin de ressembler à un procès-verbal administratif. Pierre Lhande reprend l’histoire depuis le début de chaque opération, site par site. Ses récits, vivants, sont souvent teintés d’humour et son enthousiasme se devine, malgré les anecdotes liées aux difficultés rencontrées, pour des raisons multiples. L’aspect festif domine généralement. Ainsi, dans l’exemple suivant, il fait allusion aux cérémonies d’inaugurations de structures. En quelques mots, il convie les lecteurs à participer, symboliquement, à la fête d’inauguration qui met en valeur le travail accompli :

Nous ne pouvons, hélas ! conduire tous nos lecteurs à pareille fête. Il nous faudrait, pour cela, entre autres conditions, pouvoir mobiliser quelques bonnes centaines d’autocars. Soyons plus modeste. L’auteur du Christ dans la Banlieue135, s’offre pour guide, le long de ses quelques pages, en vue d’une promenade imaginaire à travers quelques secteurs des plus intéressants136.

Au cours de l’analyse approfondie des textes de L’Évangile par-dessus les

frontières, au chapitre II, nous remarquerons dans ce recueil, les références au bilan

de constructions terminées, ou sur le point de l’être, tels les églises, les chapelles, les patronages, entre autres. Il parait évident, à la lecture de ces textes à la tonalité enthousiaste, choisis pour figurer dans cet ouvragel137, que le prêtre Pierre Lhande, a été heureux d’avoir œuvré pour l’édification de l’Église catholique. Le nombre croissant de ces construction l’a rempli d’allégresse et il est possible que ce succès ait généré chez lui, un excès d’enthousiasme sur cette question. Elle a effectivement été relevée par des tiers, parfois surpris devant ses transports de joie devant les tâches accomplies.

Ainsi, dans le Radio-sermon Le Bon pasteur, dans lequel il rend plus particulièrement hommage au Père Léonce de Grandmaison ainsi qu’à Albert de Mun, nous avons une illustration du bilan effectué de certaines réalisations où il s’est impliqué personnellement :

135 Il s’agit de Pierre Lhande lui-même.

136 Voir L’Évangile par-dessus les frontières, Paris, Spes, 1934, p. 136.

137 Nous ignorons si le choix des textes est du fait de Pierre Lhande, de son éditeur, ou à la suite d’une décision collégiale.

J’ai sous les yeux un questionnaire que je viens d’adresser à presque tous les défricheurs de nos paroisses suburbaines et auquel tous ont répondu. Ce sont autant de bulletins de victoire, modestes par le ton, triomphants par les chiffres. Partout, c’est un terrain nouvellement acheté pour une fondation future. Partout c’est une chapelle de secours, une salle de patronage, un presbytère, un dispensaire, une maternité, un ouvroir, une école qui ont surgi de terre comme par enchantement. En ces deux seules dernières années : 22 chapelles bâties, 25 terrains achetés, 14 patronages construits, 8 demeures de missionnaires, une vingtaine d’œuvres d’assistance pour malades, bébés ou meurt-de- faim : consultations, pouponnières, soupes populaires. […]138.

Cette énumération des chiffres, qui est beaucoup plus longue et nécessairement réduite ici parait aller dans le sens où seul le résultat comptable est considéré. Mais il faut poursuivre la lecture du « radio-sermon », ce qui donne une toute autre perception de la réalité :

Au Nouveau Village de Bobigny, là où je ne trouvai, voici deux ans, qu’un beau carré de choux de 3000 mètres, achetés il y a quinze ans, par la prévoyance du vénéré Monseigneur Fages, vicaire général de Paris, s’élève aujourd’hui une spacieuse et riante chapelle, dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours. […]. Autour de l’édifice, un prêtre d’une ardeur peu commune, M. Louis Canet, curé de Bobigny, a fait surgir de terre des constructions pour œuvres et patronages avec une rapidité digne d’un pays que l’on appelle : la Ville-Champignon. De tous côtés, sur une périphérie de 5 à 6 kilomètres, en ce pays de Bondy et de Drancy jusque-là abandonné, les habitants accourent, avec un mélange de curiosité et de ravissement, vers cette Église inconnue qui, la première, sortant de la Cité brillante, vient les visiter dans la misère de leur lotissement. Ils étaient quinze petits, il y a deux mois, à l’ouverture des patronages ; ils sont aujourd’hui deux cents […]139.

Il faudrait citer encore beaucoup d’autres témoignages de Pierre Lhande pour évaluer l’ampleur du succès. Nous nous limiterons à mentionner ce dernier, extrait du même « radio-sermon » :

[…] Bientôt il a fallu donner à tout ce peuple un pasteur à lui. Et comme toujours, l’Archevêque de Paris a choisi pour cette tâche un prêtre de l’élite de son clergé, un vicaire de Sainte-Clotilde, chevalier de la Légion d’honneur, qui a abandonné de plein gré l’aristocratique boulevard Saint-Germain pour la forêt de Bondy. Au jour de l’inauguration de son église, le 26 février dernier, il présentait à Son Éminence le Cardinal Archevêque de Paris un bouquet peu banal de bienvenue : 40 catéchumènes, variant de quelques mois à 16 ou 18 ans d’âge, qui allaient recevoir du Prélat la grâce du baptême […]140

138 PierreLHANDE,L’Évangile par-dessus les toits, Le Bon pasteur, op. cit., p. 197. 139 Ibid., p. 198.

À la lecture de ce bilan, nous observerons d’ores et déjà qu’il ne s’agit pas uniquement et froidement d’une affaire de chiffres récapitulant les constructions d’édifices. Il témoigne aussi et surtout de l’adhésion des habitants aux projets et de leur soulagement de ne pas être abandonnés.

2° La deuxième source provient de l’ouvrage d’Annie Fourcaut, Bobigny, banlieue

rouge141. Comme le titre l’indique, son auteur a surtout focalisé sa recherche sur l’histoire spécifique de cette ville à la périphérie de Paris. Mais la description des conditions de vie à Bobigny à cette époque peut s’appliquer de manière générale à celle de la banlieue parisienne déshéritée. Cette étude donne un éclairage extérieur sur les questions générales de société, principalement politiques, de la période de l’entre-deux-guerres, qui est au cœur de notre problématique. Son intérêt provient également des références faites à Pierre Lhande à de nombreuses reprises. L’auteur s’appuie régulièrement sur des citations extraites de ses ouvrages ou de ses articles. Un autre atout majeur a justifié notre choix. Il repose sur la complémentarité qu’offre le regard d’historienne sur le contexte politique et économique de l’époque. Son point de vue permet d’ouvrir la réflexion et favorise ainsi la compréhension des enjeux pluriels et les attitudes des différentes parties en présence. Nous reprendrons quelques passages de Bobigny, Banlieue

rouge, pour traiter de la réception des écrits de Pierre Lhande qui trouve un large

écho dans cet ouvrage où la question du communisme en banlieue est abordée :

La question de la déchristianisation a alimenté de façon décisive le thème de la banlieue rouge. Le phénomène est ancien, et bien antérieur au peuplement ouvrier de la banlieue. Cependant, c’est bien à partir de 1925 que l’on assiste, à la suite du père Lhande, à l’éclosion d’un véritable genre littéraire : le récit de l’apostolat missionnaire en banlieue142. Le père Lhande est un jésuite, proche de l’Action populaire de Vanves, et qui porte donc un intérêt particulier aux milieux ouvriers. Moderne, il a prêché les premières conférences de Carême à la radio. En 1925, il inaugure ses enquêtes sur la

141 Annie FOURCAUT, Bobigny, banlieue rouge, Paris, Coédition : Les Éditions Ouvrières Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1986, p. 30. Nous avons repéré une dizaine de pages où il était question de l’œuvre du Père Lhande en banlieue : p. 13, 25, 30, 59, 61, 62, 70, 105, 127, 148.

142 Il est question de ce nouveau « genre littéraire : le récit de l’apostolat missionnaire en banlieue » créé par Pierre Lhande. Voir Pierre VALLIN, Études, Histoire d’une Revue. Une aventure jésuite. Des origines au Concile Vatican II (1856 à 1965), n° spécial, Paris, Assas Éditions, 2000, p. 38.

banlieue à Paris ; trois séries seront publiées dans la revue Études entre 1925 et janvier 1927 ; elles sont ensuite rassemblées dans un livre devenu célèbre, Le Christ dans la banlieue, publié en 1927.

Pourquoi intervient-il dans le débat sur la banlieue à cette date ? Il le dit lui-même clairement : il s’agit pour l’Église catholique de contribuer à lutter contre l’expansion du communisme en banlieue ; et ceci à un moment (entre 1924 et 1928) où existe dans l’opinion la psychose d’un complot communiste en région parisienne, qui menacerait la capitale et de là le pays tout entier. La victoire électorale du Cartel des Gauches en juin 1924 joue aussi un rôle important : la droite du Bloc national trouve là un terrain d’attaque contre Herriot et les Ministères du Cartel, accusés de faiblesse coupable vis-à- vis du communisme, particulièrement en banlieue143.

Le travail de recherche d’Annie Fourcaut met en évidence, entre autres, le rôle crucial de Pierre Lhande dans le déclenchement des mesures prises par les autorités suite aux enquêtes qu’il a menées en banlieue parisienne pour lutter contre la pauvreté matérielle, spirituelle et consignées dans sa trilogie du Christ dans la

banlieue144 qui a remué les consciences et a été en grande partie à l’origine des « Chantiers du Cardinal »145. Annie Fourcaut écrit :

En 1925, le père Lhande fait paraître dans la revue Études ses premières enquêtes consacrées à l’Église en banlieue. L’émoi est d’autant plus vif que la réaction des communistes vient renforcer les craintes de l’opinion modérée. Le 13 mai 1924, l’Humanité avait publié un retentissant article de Paul Vaillant-Couturier, véritable texte fondateur de la notion de banlieue rouge : « Paris encerclé par le prolétariat révolutionnaire ».

Annie Fourcaut précise que si Pierre Lhande a été un des éléments qui a provoqué l’éveil des consciences, il n’a pas agi seul pour trouver des solutions, face au désarroi d’une population en grande détresse. Bobigny représente ici l’exemple- type de la cité à sauver de deux fléaux par l’Église catholique : la pauvreté et la chute vers le communisme. Aussi, les actions se multiplient pour lutter contre cette perspective de déchristianisation, qui se révèlerait désastreuse pour l’Église catholique :

143 Annie FOURCAUT, Bobigny, banlieue rouge, op. cit., p. 62. 144 Ibid.

145 Un encadré sur Pierre Lhande est particulièrement mis en valeur. Il est indiqué qu’il fut l’une des personnalités qui ont participé à la mise en œuvre de cette grande entreprise. Voir Arielle de SAINTE-MARIE et Albéric de PALMAERT, Les Chantiers du Cardinal, Histoires d’églises en Île-de-France, Rennes, Éditions Ouest-France, 2011, p. 19.

À partir de 1925, Bobigny, comme de nombreuses autres communes de banlieue, est touchée par le mouvement missionnaire qui vise à christianiser les banlieues ouvrières ; ce mouvement est né dès le lendemain de la séparation, qui permet d’ouvrir de nouveaux lieux de culte sans autorisation de l’État. Le père Lhande, homme d’œuvres et de relations, soutenu par la hiérarchie parisienne en est le chantre et l’animateur. La stratégie : construire des églises et des chapelles, avec un réseau d’œuvres attenantes, pour faire pièce au communisme et occuper tous les terrains146.

Annie Fourcaut indique que de nombreux intervenants pluridisciplinaires – dont Pierre Lhande fait partie – constatent l’ampleur du phénomène nouveau de surpopulation, qui se développe à la périphérie de Paris :

D’autres courants s’intéressent également à la banlieue. La droite, avec le Redressement français d’Ernest Mercier et l’Union des intérêts économiques du sénateur Billiet, les catholiques, avec l’apostolat dont se fait l’avocat le Père Lhande, les médecins et les hygiénistes qui y enquêtent, tel Henri Sellier à Suresnes qui tente d’implanter en France l’expérience anglaise des cités-jardins. Des journalistes, des écrivains, des prêtres, des sociologues s’y livrent à des enquêtes et décrivent leur expérience […]147

L’auteur souligne le caractère missionnaire évident d’évangélisation de la population par Pierre Lhande. Elle attire également l’attention sur l’intérêt de ses reportages, qui sont des informations précises sur la réalité du terrain. Ils constituent de véritables états des lieux des conditions de vie des habitants mal logés de la périphérie parisienne. Elle note la préoccupation du prêtre sur le risque du péril lié au communisme pour l’Église catholique :

Le Père Lhande, jésuite apôtre de la reconquête des banlieues, propose une géographie fort exacte de l’extension de lotissements dans son remarquable témoignage : Le Christ dans la banlieue, publié en 1927. Il assimile lotissement et « ceinture rouge », et décrit avec précision l’extension du cataclysme : « En arrière de la zone s’étend la vraie “ceinture rouge”, celle des clubs, des comités, des “jeunesses communistes”. Celle-ci est à peu près ininterrompue sur toute la périphérie de la Seine, Seine-et Oise et Seine-et- Marne. Les beaux quartiers suburbains du bois de Boulogne, les cités prospères de Neuilly, de Vincennes, de Saint-Mandé, de Nogent, du Perreux l’écartent bien, en deux endroits, de Paris, mais elles se reforment plus loin : à Suresnes, à Puteaux, à Courbevoie, à Houilles et Argenteuil, au Plant-Champigny, aux Joncs Marins, (en arrière du Perreux) à Neuilly-Plaisance, à Chennevières et Ormesson. Partout ailleurs, elle serre de près la « zone ». De Kremlin-Bicêtre au sud jusqu’à Billancourt à l’ouest, puis de Levallois-Perret au nord-ouest jusqu’à la plaine Saint-Denis au nord […]148.

146 Annie FOURCAUT,Bobigny, banlieue rouge op. cit., p. 105. 147 Ibid., p. 13.

Cette énumération, qui est incomplète ici, met en évidence le contraste flagrant qui existe entre l’opulence des équipements des communes riches et la précarité des infrastructures des plus pauvres. La liste s’allonge au fil des années, ce qui contribue encore à accroître les difficultés. Cette situation intolérable est dénoncée par Pierre Lhande :

Depuis plusieurs années, tout est bâti, peuplé, surpeuplé. L’afflux de nouveaux venus et des émigrants est donc forcé de se porter plus loin, là où il y a encore des champs, du