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a / La mise en service de l’ensemble accélérateur :

Dans le document GANIL, Matière à Histoire (Page 103-105)

Cette année 1982 est tout d’abord marqué par le départ de Marc Lefort et M. Signarbieux comme Directeur et Directeur Adjoint du GANIL et leur remplacement par Claude Détraz et René Joly. Claude Détraz, qui assurera deux mandats de directeur est une personnalité essentielle de l’histoire du GANIL. Né le 20 mars 1938 à Albi, cet ancien de la rue d’Ulm entre ainsi à l’Ecole Normale Supérieure en 1958, après un baccalauréat mathématiques en 1955 et une classe de mathématiques supérieures et mathématiques spéciales au lycée Saint-Louis à Paris. Il obtient une licence ès Science à la session d’octobre 1959 et entre au mois d’octobre 1960 au laboratoire Joliot-curie de physique nucléaire à Orsay. Il obtient en 1962 son diplôme d’Etudes Supérieures ; il devient alors attaché de recherches au CNRS. Il soutient au mois de septembre 1964 une thèse de doctorat d’Etat sur « l’étude de la structure des noyaux légers à couches ou sous-couches fermées par la réaction de pick-up à 155 MeV ». Pendant l’année scolaire 1964-1965, il séjourne au laboratoire Lawrence de Berkeley où il travaille, sur le cyclotron de 88 pouces tout récent, à des recherches de pick-up produites par des protons de 30 à 45 MeV. A son retour, il participe activement au CERN à des expériences sur la recherche de noyaux à grand excès de neutrons grâce à une spectrométrie de masse. Il est considéré comme un expérimentateur de grande qualité. En 1968, il effectue un stage au Max-Planck Institut für Kernphysik, à Heidelberg, et nous le retrouvons en 1970 et 1971 au laboratoire de physique nucléaire de l’Université de Colorado, où il travaille sur l’étude de l’existence et de la décomposition radioactive des isotopes déficients en neutrons, et sur l’examen des mécanismes des réactions nucléaires où plusieurs nucléons sont transférés et leur utilisation dans l’étude de la structure nucléaire. Nous le retrouvons par la suite à Orsay où il contribue à l’installation finale de l’accélérateur Tandem Empereur. Il participe ensuite à la genèse du projet GANIL : il fait partie du premier groupe de travail qui présente le cahier des charges de la physique nucléaire des années 80 et la proposition des deux cyclotrons en cascade, rapport que nous appelons premier « livre bleu ». Il suit par la suite attentivement le projet par le biais du comité scientifique et s’intéresse tout particulièrement au projet LISE et aux travaux de Rémy Anne sur le sujet. Il est en quelque sorte à l’origine de ce grand projet qui fera la réputation du GANIL. Il remplace

donc Marc Lefort le 1er juillet 1982 et il est nommé pour 5 ans d’exploitation du GANIL102. C’est le moment de saluer cet homme qui a tant donné au GANIL et qui s’en va de la direction avant la première expérience. Cet homme qui a réalisé des travaux précurseurs sur les ions lourds à Orsay sur l’accélérateur Alice a mené de main de maître le projet, assisté d’un chef de projet aux qualités exceptionnelles, Marcel Gouttefangeas. Ils ont su fédérer l’ensemble d’une communauté autour d’un projet exceptionnel et très ambitieux. Ils sont passés outre les querelles existantes entre l’IN2P3 et le CEA sur les différences de statuts, et l’ensemble du personnel a suivi cette sage décision. La passion et le dévouement ont uni les hommes autour du triomphe de la science. Marc Lefort quitte avec regret le GANIL mais déclare très noblement 103:

« L’essentiel est que subsiste quelque part ce dont on a vécu. »

Revenons aux accélérateurs. Tout d’abord, le budget consacré au laboratoire pour 1982 est de 63 millions de francs, ce qui pose quelques problèmes pour la construction des salles d’expériences et les commandes des différents constituants des lignes de faisceau104. Mais ces contraintes budgétaires n’affectent en rien la réalisation finale de l’ensemble accélérateur. Le vendredi 28 mai, un faisceau d’argon a été conduit à l’entrée de CSS1 définitivement monté. Le mardi 1er juin, les éléments d’injection ont été alimentés et le 2 juin le faisceau a été conduit jusqu’à la première orbite. L’autorisation officielle de mise en route d’un faisceau accéléré a été donnée le 2 juin par la Commission de Contrôle des Installations Nucléaires et les premiers essais ont eu lieu à partir du 3 juin. Ces essais ont permis d’aboutir le 9 juin à l’extraction du faisceau de CSS1. Ce faisceau, à la sortie de CSS1, est ensuite conduit dans le premier tronçon de ligne de transfert L2 joignant CSS1 et CSS2 et passe à travers l’éplucheur. Durant l’été 1982, l’ensemble du premier étage du GANIL, Co, CSS1, éplucheur fonctionne de façon régulière pendant que les travaux se poursuivent sur l’installation de CSS2 et sur les aires d’expériences. La commande des éléments du deuxième cyclotron injecteur Co2 est également engagé, équipement identique à Co105. Le comité scientifique réfléchi également attentivement à la possibilité d’équiper le Co2 d’un nouveau type de source dit ECR et signifiant Electron Cyclotron Resonance. Cette source d’ions développée depuis 1975 au CEN de Grenoble a pour avantage de fournir des énergies plus élevées pour les ions de masses moyennes et élevées, de fonctionner en continu et d’être d’une grande souplesse de fonctionnement, et surtout d’utiliser de très faibles quantités de matière pour les éléments isotopiquement enrichis et donc coûteux. De plus, le GSI de Darmstadt prévoit d’installer rapidement ce type de source. La

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PV du Comité scientifique du GANIL du 3 juin 1982, Documentation GANIL

103

Bulletin d’informations GANIL, n°11, juin 1982, p.2, Documentation GANIL

104

Rapport d’activité 1982 du G.I.E. GANIL, Documentation GANIL

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perspective d’un ensemble opérationnel en 1986 paraît très souhaitable106. Quant au spectromètre en alpha, la construction et les tests sont terminés au CRN de Strasbourg. Après démontage, il est transporté à Caen fin juin et sa réinstallation se poursuit tout l’été. La tension monte durant tout l’automne : CSS2 est terminé, les résonateurs sont en place, le vide a été testé. Le spectromètre alpha est remonté et il a été testé. Le grand jour approche, et le 19 novembre 1982, le premier faisceau du GANIL est extrait du CSS2. Ce succès, car le faisceau possède déjà de très bonnes qualités d'optique et d'énergie, est à porter au crédit des 200 ingénieurs, techniciens, ouvriers et agents administratifs qui pendant six longues années ont œuvré aux côtés de Marc Lefort. Leurs efforts sont désormais récompensés107. Les expériences de physique vont donc commencer dès le début 1983. La première expérience est en effet réalisé le 18 janvier 1983 dans la ferveur et l’excitation que l’on peut aisément imaginer, car désormais, c’est une réalité : le GANIL fonctionne bel et bien.

Dans le document GANIL, Matière à Histoire (Page 103-105)