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a / Le laboratoire CYCERON :

Dans le document GANIL, Matière à Histoire (Page 135-138)

La première décennie est également marquée par l’installation sur le site du GANIL du laboratoire CYCERON. Après évaluation par une commission de la DGRST en décembre 1981, le site de Caen avait été retenu par Jean-Pierre Chevènement pour l’établissement d’un centre de recherche par TEP, c’est-à-dire par Tomographie par Emission de Positons. Le projet caennais présentait en effet de nombreux atouts, notamment la possibilité d’une implantation proche à la fois de nombreux établissements hospitaliers comme le CHRU, le Centre François Baclesse ou le Centre Esquirol, apportant les compétences médicales nécessaires, et du GANIL, permettant de bénéficier d’un support logistique essentiel dans de nombreux domaines techniques. Il existait à la même époque une grande détermination des collectivités régionales à impulser en Basse-Normandie la recherche et la formation dans le domaine des Sciences de la vie.

Après décision ministérielle en août 1983 et mise au point du montage juridique et financier de l’opération en décembre 1984, le CEA s’est vu confier la maîtrise d’œuvre des études techniques et de la réalisation qui a débuté en janvier 1986 avec l’ouverture du chantier du bâtiment. En mars 1987, le bâtiment est livré par la société RUFA ; en avril 1987, le cyclotron est installé et la mise en place du laboratoire de chimie commence ; en juin 1988, la caméra à positons est livrée, et les premiers examens commencent en avril 1989. Le coût global de l’investissement est de 60 millions de francs partagés entre les collectivités régionales, à savoir la région Basse-Normandie, le département du Calvados et la ville de Caen, et les organismes nationaux de recherche, le CEA, le CNRS et l’INSERM. Le fonctionnement du centre CYCERON est assuré dans le cadre juridique d’un Groupement d’Intérêt Public, un GIP, associant des partenaires ayant vocation en matière de recherche et de formation dans le domaine des sciences de la vie, des partenaires à vocation médicale et le GANIL dont le support technique et logistique demeure important43.

Mais comment tout ceci fonctionne-t-il ? La technique de TEP permet de localiser, en chaque point d’un organe, une substance marquée par un radioélément, administrée à un sujet vivant, et de suivre dans le temps l’évolution de cette substance. Elle fournit ainsi une image quantitative du fonctionnement de l’organe étudié, en renseignant sur la capacité de cet organe à fixer, assimiler, transformer la substance qui lui a été fournie. La TEP se distingue donc d’autres techniques tomographiques, comme le scanner ou l’I.R.M., qui ne donnent qu’une description de l’anatomie de l’organe examiné. La TEP est basée sur l’existence de radioéléments qui se désintègrent par émission de positons, particules tout à fait semblables aux électrons mais porteurs d’une charge électrique opposée. Lorsque cette émission se produit dans un milieu matériel, tel un organe vivant, le positon après un parcours très bref de 1 à 3 mm se combine à un électron du milieu et disparaît. Cette annihilation d’une paire positon-électron est quasi instantanée et elle se traduit par l’émission dans des directions opposées de 2 photons gamma semblables aux photons constitutifs de la lumière mais d’énergie plus élevée. La détection de tels photons gamma émis en coïncidence permet de localiser le point d’annihilation et donc, celui-ci étant pratiquement confondu avec le point d’émission du positon, de dresser la cartographie du radioélément dans l’organe vivant étudié.

Les équipements essentiels du centre CYCERON, nécessaires à la réalisation d’examens par TEP, sont :

Ä Le cyclotron, pour produire des radioéléments émetteurs de positons. Tout comme au GANIL, le cyclotron utilise l’action d’un champ électrique et d’un champ magnétique perpendiculaires pour délivrer les faisceaux : sous l’action de tels champs convenablement choisis, des ions introduits au centre

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Fonctionnement et études machine pour l’année 1988, Documentation GANIL

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d’une enceinte à vide décrivent une trajectoire en spirale divergente tandis que leur énergie cinétique s’accroît. Arrivés à la périphérie, ils sont extraits de cette enceinte et envoyés sur la cible. Le cyclotron de CYCERON, type CYPRIS 325, a été spécifiquement conçu et construit par la société française CGR MeV, qui avait déjà œuvré pour le GANIL, pour la production de 4 radioéléments qui sont l’oxygène 15, l’azote 13, le carbone 11 et le fluor 18, tous des isotopes des éléments chimiques de base. A cette fin, le cyclotron peut délivrer deux types de faisceaux, chacun à une énergie fixe prédéterminée, à savoir un faisceau de protons ou un faisceau de deutons, noyaux formés par l’association d’un proton et d’un neutron.

Ä Les laboratoires de chimie de synthèse, pour marquer par incorporation de radioéléments les molécules d’intérêt biomédical. Tous les radioéléments se caractérisent par une demi-vie très brève : 50 % du radioélément produit a disparu par émission d’un positon, au bout de 2 minutes pour l’oxygène 15, au bout de 2 heures pour le fluor 18. Le marquage doit donc être effectué très rapidement. De plus, les rendements de synthèse sont souvent faibles, ce qui impose un travail à niveau de radioactivité élevée, alors même que le niveau d’irradiation du sujet examiné est très faible. Enfin, les conditions de pureté chimique et d’innocuité biologique de la molécule marquée administrée sont celles qui s’imposent pour tout produit pharmaceutique.

Ä Un tomographe, la caméra à positons, pour localiser ces molécules dans l’organe étudié et suivre leur évolution au cours de l’examen. La caméra a été étudiée et construite par le LETI, un laboratoire du CEA situé à Grenoble. La caméra permet de dresser la cartographie de la molécule marquée grâce à des détecteurs constitués par l’association d’un cristal scintillant de fluorure de baryum et d’un photomultiplicateur qui transforme l’impulsion lumineuse émise par le cristal en impulsion électrique. Pour obtenir une bonne efficacité de détection, un grand nombre de tels détecteurs, 324 exactement, sont disposés en couronne autour de l’organe étudié. La caméra comporte 4 de ces couronnes, ce qui permet d’obtenir les images de l’organe selon 7 plans. Un important dispositif informatique est également exigé, et il doit assurer l’enregistrement des données, la reconstruction des images et la modélisation pour donner une image représentative du fonctionnement de l’organe.

Les examens par TEP sont pratiqués avec un objectif de diagnostic pour le malade ou de recherche sur la maladie. Ils sont d’une totale innocuité pour le patient : la quantité de radioéléments servant au marquage de la substance administrée est très faible et, du

fait de leur brève durée de vie, ils sont éliminés en quelques heures. Les examens effectués à CYCERON concernent essentiellement la pathologie cérébrale : accidents vasculaires cérébraux, tumeurs intracrâniennes, maladies dégénératives, états névrotiques ou psychotiques. C’est un centre de grande qualité et de grande réputation, qui a permis une nouvelle fois à la Basse-Normandie de développer sa capacité à initier des programmes de recherche dans des domaines aussi différents que la physique nucléaire et la médecine, deux disciplines pouvant malgré tout se rejoindre parfois, le Centre CYCERON en étant la preuve vivante.

Dans le document GANIL, Matière à Histoire (Page 135-138)