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Les outils économiques de préservation de la biodiversité en forêt Rapport bibliographique

SYNTHÈSE 95 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

3- La mise en place d’institutions

Il s’agit de créer ou de renforcer des institutions dans le but spécifique de gérer la biodiversité. Elles doivent faciliter la création de mesures d’incitation et en assurer le suivi, le respect et l’évaluation.

L’ONF, gestionnaire des forêts publiques, possède de nombreux savoir-faire en matière de gestion multifonctionnelle et durable des forêts et des espaces naturels. Il agit afin que ses partenaires participent à la résolution des grands enjeux du développement durable (lutte contre les changements climatiques, développement des énergies renouvelables, conservation de la biodiversité, qualité de l’eau, prévention contre les risques naturels...) tout en assurant au meilleur niveau la fonction essentielle de production de bois.

Il gère notamment les réserves biologiques forestières, qui sont des institutions permettant de mettre en place une réglementation spécifique sur une partie du territoire. Elles concernent les forêts non domaniales bénéficiant du régime forestier (c'est-à-dire gérées par l’ONF) et appartenant aux communes, départements, régions, ou établissements publics. Il s’agit de gérer la forêt afin d’y préserver la faune et la flore et à ce titre, toute action susceptible de leur nuire peut y être interdite ou réglementée.

Un propriétaire foncier a aussi la possibilité de demander la mise en valeur écologique de son terrain qui devient alors une réserve libre ou un refuge. Il s’agit ici de protéger la faune et son habitat, les animaux présents sur ce territoire ne pouvant plus être chassés.

Dans certains cas, les institutions facilitent les actions de préservation de la biodiversité. Par exemple, aux Etats-Unis, le US Fish and Wildlife Service a amélioré la conservation du pic à face blanche (Costa et Kennedy, 1996).

Le pic à face blanche est une espèce menacée aux Etats-Unis, son habitat se limitant à un type particulier de forêt (les forêts de pins jaunes à feuilles longues) dont il ne reste que quelques parcelles dans les états du Sud. Bien que motivés pour fournir un plus grand habitat à cet oiseau, les propriétaires privés ont été découragés de le faire en raison de leurs responsabilités dans le cadre de la Loi sur les espèces menacées. En effet, si ces propriétaires améliorent l’habitat de l’oiseau et qu’il en découle une augmentation de sa population, ils sont alors

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Pour pallier à cet effet, le US Fish and Wildlife Service a établi une « exception de refuge » pour les propriétaires créant volontairement un habitat pour cette espèce. En vertu de cette nouvelle loi, la responsabilité juridique des propriétaires face à toute espèce d’oiseau sur leur propriété n’augmentera pas en raison d’améliorations de l’habitat.

Cela a permis une augmentation significative du nombre de couples reproducteurs de cette espèce, et de plus en plus de propriétaires postulent pour participer à cette mesure.

Cet exemple montre également que la coopération des agences gouvernementales avec le secteur privé est un élément important de succès, le programme étant devenu beaucoup plus efficient à partir du moment où les intérêts des propriétaires ont été pris en compte.

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Les incitations financières24 sont des instruments de marché qui prennent une place croissante dans les débats pour les stratégies de conservation de la biodiversité. Ils offrent de nouvelles perspectives pour atteindre les objectifs en termes de biodiversité à moindre coût et peuvent être utilisés en complément des mesures réglementaires traditionnelles.

« Les incitations englobent toute mesure faisant appel au système des prix et aux forces du marché pour atteindre un objectif » (OCDE, 1996).

« Fondamentalement, les incitations doivent faire en sorte que la diversité biologique devienne pour les agents concernés un atout et non une charge » (OCDE, 1994).

“Market-based instruments seek to address the market failure of ‘environmental externalities’ either by incorporating the external cost of production or consumption activities through taxes or charges on processes or products, or by creating property rights and facilitating the establishment of a proxy market for the use of environmental services” (European Environment Agency).

1- Introduction

Le concept d’incitation économique est lié à l’idée que les individus sont des êtres rationnels qui cherchent à maximiser leur bien-être. Les pouvoirs publics sont amenés à appliquer des mesures d’incitation lorsque cette recherche de maximisation a des retombées négatives sur d’autres individus ou sur la communauté dans son ensemble ; on parle d’externalités. Lorsque les marchés sont incapables d’inclure ces externalités dans les signaux donnés par les prix, on parle alors de défaillance des marchés.

Il existe donc des externalités (ou des défaillances du marché) lorsque les actions d’une ou de plusieurs personnes ont des impacts (positifs ou négatifs) sur d’autres personnes et que ces dernières, en cas d’externalité positive, n’indemnisent pas les personnes à l’origine de cette externalité ; et en cas d’externalité négative, ne sont pas indemnisées par celles-ci.

L’une des raisons d’une utilisation non-soutenable des biens et services issus de la biodiversité et de leur perte est la défaillance du marché pour ce type de biens et services qui sont souvent des biens publics. Traditionnellement, la réponse à cette défaillance est la fourniture de ces biens et services par le secteur public qui limite les quantités disponibles afin d’éviter toute surconsommation et donc, l’érosion de la biodiversité.

Depuis les dernières décennies, l’instrument prédominant au sein de la communauté européenne pour atteindre les objectifs d’utilisation durable des ressources naturelles a été l’usage de réglementations issues de lois environnementales.

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monétaire (monetary efficiency). Ainsi, étant donné que la plupart des mécanismes réglementaires sont coûteux pour les secteurs public et privé, les approches fondées sur le marché ont reçu une attention croissante dans la mesure où elles constituent une alternative moins coûteuse.

Pourquoi les instruments de marché sont moins coûteux que les réglementations ?

Contrairement aux mesures réglementaires qui sont le plus souvent vécues comme des contraintes, les instruments de marché consistent à rendre avantageux les comportements favorisant la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité et à rendre moins avantageux ceux qui exercent des pressions et qui correspondent à des utilisations non durables de la biodiversité.

Il s’agit par exemple de :

- sanctionner les comportements ayant des effets négatifs sur la biodiversité ;

- encourager et soutenir les comportements et les activités économiques vertueux, par exemple en aidant financièrement et/ou techniquement la réalisation de projets ;

- responsabiliser les acteurs vis-à-vis des ressources en clarifiant les droits de propriété et d’usage.

L’objectif est d’intégrer les externalités :

- positives, en rémunérant les services rendus par les agents à la collectivité quand ils protègent la biodiversité ;

- négatives, en imposant des coûts aux agents quand ils détruisent la biodiversité. Les instruments de marché sont plus efficients d’un point de vue économique que les mesures réglementaires25 car ils utilisent les forces du marché qui permettent aux actions les moins coûteuses d’être réalisées en premier.

Cependant, le succès de ces instruments dépend notamment du signal prix qui est envoyé (il faut trouver le bon niveau de prix qui permette le changement de comportement souhaité). Par ailleurs, ils ne doivent pas interférer avec le succès des réglementations déjà en place et les coûts de transaction doivent être assez bas.

Dans le cadre de la préservation de la biodiversité, l’utilisation restreinte des instruments de marché résulte du fait que :

- les causes de la perte de biodiversité sont nombreuses, rendant les stratégies pour s’y attaquer assez complexes ;

- donner un prix de marché aux espèces vivantes pose des problèmes d’éthique aux défenseurs des ressources naturelles.

25 Cela signifie que des objectifs plus ambitieux peuvent être atteints avec un même budget ou, que pour un

objectif donné, des économies substantielles peuvent être réalisées.

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ª Les instruments fondés sur les prix établissent ou modifient les prix pour refléter les services des écosystèmes.

Ce sont des incitations directes positives (subventions, allègements fiscaux) ou négatives (taxes, redevances) qui donnent aux activités un prix qu’elles n’avaient pas et permettent d’incorporer les coûts et les bénéfices externes de ces activités.

Normalement, les individus répondront en adoptant le comportement qui leur coûtera le moins (ces instruments modifient donc la courbe de demande) ; et si ces signaux prix sont correctement établis, cela devrait mener à une meilleure utilisation des ressources.

L’inconvénient des instruments fondés sur les prix est qu’ils ne peuvent pas garantir l’ampleur des changements de comportement. En effet, dans la mesure où ils s’appuient sur un signal prix plutôt que sur la rareté, il subsiste encore un risque de surexploitation.

ª Les instruments fondés sur les quantités établissent des objectifs quantitatifs pour atteindre ou maintenir les services des écosystèmes.

Ce sont des incitations indirectes (Biodiversity offsets, paiements pour services environnementaux) qui créent un marché, par exemple en distribuant des permis permettant de réaliser une activité associée à l’utilisation de certaines ressources ou à des dommages environnementaux.

La fixation d’un nombre limité de permis permet, en théorie, de contrôler le montant total des ressources utilisées ou des dommages. Dans la mesure où les permis sont échangeables, cela permet plus de flexibilité qu’un système de taxes : ceux pour qui les changements de comportement sont les moins coûteux et les plus faciles à entreprendre peuvent vendre leurs permis à ceux pour qui ces changements sont les plus coûteux.

Prix Versus Quantités

Dans un contexte d’information complète et de parfaite certitude, il serait indifférent d’utiliser un instrument quantité ou un instrument prix. L’avantage qu’il y a d’utiliser l’un ou l’autre dépend du degré d’information disponible et de l’incertitude.

Selon Weitzman (1974), l’avantage qu’il peut y avoir à utiliser l’un de ces instruments plutôt qu’un autre dépend de l’élasticité prix des fonctions de coûts et de bénéfices :

- les instruments fondés sur les quantités sont plus appropriés lorsqu’un petit changement dans le coût se traduit par un changement important de bénéfices ou des comportements ;

- les instruments fondés sur les prix sont plus appropriés lorsqu’un grand changement dans les coûts modifie assez peu les bénéfices ou les comportements.

Le succès de ces instruments dépend d’un certain nombre d’hypothèses sur les comportements humains ; par exemple l’hypothèse que des individus rationnels vont chercher à maximiser leur bénéfice. De telles considérations supposent aussi généralement une situation d’information parfaite et des coûts de transaction faibles.

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simple fait qu’elle existe, dans ses applications futures, qui restent à découvrir, ou encore dans son rôle de stabilisation des écosystèmes, difficile à évaluer. Dans de telles conditions, l’utilisation d’instruments économiques pour corriger les externalités devient difficile. Ainsi, si ces instruments sont utilisés pour préserver la biodiversité, il vaut mieux qu’ils le soient à des échelles locales et combinés avec des réglementations (car ces instruments ne fournissent pas toujours une solution complète au problème).

Un autre type d’instrument : les mécanismes financiers

Ces instruments26 ne créent pas de marché mais augmentent le pouvoir des marchés existant en fournissant des ressources financières (réduction des taxes lors d’investissements « verts », fonds de capital-risque…) pour conserver et utiliser durablement la biodiversité. Ils présentent l’avantage d’intégrer des considérations relatives à la biodiversité dans les entreprises qui ne s’en préoccupent pas forcément.

Les fonds « verts » investissent généralement dans des entreprises qui fournissent des produits et services issus de la biodiversité, celles-ci étant tenues d’avoir des pratiques compatibles avec la conservation de la biodiversité. Il existe deux catégories de tels fonds : les fonds communs de placement ouverts (ces fonds d’investissement achètent des actions de sociétés répondant à des critères de durabilité ; ils se développent rapidement et sont les plus nombreux) et les fonds de capital-risque27.

Au cours de la dernière décennie, le marché des investissements « écologiques » s’est développé avec des incidences positives sur la biodiversité. Par exemple aux Pays-Bas, le groupe ING a créé une banque dédiée à l’épargne et aux placements écologiques : la Postbank Groen. Aux Etats-Unis, la ShoreBank Pacific se concentre sur les marchés de la biodiversité ; elle consent des prêts à des entreprises28 situées dans des collectivités rurales de la forêt pluviale tempérée de la région de la côte Colombie-Pacifique des Etats de Washington et de l’Oregon.

Plusieurs programmes ont été établis pour piloter des investissements en biodiversité : DOEN-Foundation and Fauna and Flora International (FFI) investissent dans des PME qui pourraient améliorer leur performance en relation avec la biodiversité afin de les aider à s’étendre et à innover. Le travail effectué est assisté par la mise en place d’un Biodiversity Financing Facility par l’European Bank for Reconstruction and Development en collaboration avec l’European Biodiversity Resourcing Initiative (EBRI).

Actuellement, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)29 est la principale source internationale de financement pour les activités de conservation de la biodiversité.

26 La littérature qualifie parfois ces instruments de « renforçateurs du marché » (OCDE, 2003).

27 Le Terra Capital est le premier fonds d’investissement exclusivement axé sur la biodiversité pour l’Amérique

latine. Les investissements sont réalisés dans des PME des secteurs de l’agriculture biologique, la sylviculture durable, les produits forestiers non ligneux, l’aquaculture durable ou l’écotourisme.

28 Ces prêts sont notamment accordés à des fabricants de produits bois issus de forêts exploitées de manière

durable.

29 Le FEM a été créé en 1991 pour financer différents coûts des projets qui protègent l’environnement mondial.

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