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3.1 Les mesures de compensation

3.1.1. Quelques expériences internationales

Dans certains pays, la réglementation exige explicitement le recours aux mesures de compensation :

* Le Wetland Banking (Etats-Unis) a été mis en place dans le cadre du Clean Water Act (1972) et du US Army Corps of Engineers regulations.

Dans les années 1990, de plus en plus de personnes se sont installées près des côtes et des berges, augmentant la pression du développement des zones humides, pression qui va à l’encontre de lois visant la protection de ces zones. Pour désamorcer ce conflit et les menaces qui pèsent sur la protection des zones humides, le gouvernement a développé un mécanisme de marché qui cherche à assurer la conservation des zones humides à un coût minimum (à la fois économiquement et politiquement). Ce mécanisme est le wetlands mitigation banking. Les développeurs de projets qui nuisent aux zones humides doivent obtenir des permis (wetland permits)45 afin de compenser (protéger, améliorer ou restaurer) les dommages résiduels inévitables dans des zones humides d’importance écologique équivalente46. Ces permis sont obtenus auprès d’une banque d’échanges (mitigation bank)47. L’achat de crédits doit correspondre au montant des investissements à réaliser en matière de conservation, cet achat étant une condition préalable à la délivrance du permis d’exploitation.

Actuellement, plus de 70 banques d’échanges fonctionnent aux Etats-Unis. De 1993 à 2000, 95 km2 de zones humides ont été aménagés en échange de la restauration de 165 km2 (NRC, 2001). Toutefois, d’importantes contraintes empêchent de tirer pleinement profit de ce dispositif, notamment les méthodes d’évaluation des zones à échanger qui se fondent sur des mesures élémentaires comme la superficie (en hectares) et la fonction d’habitat. Pour limiter les impacts négatifs que pourraient avoir des échanges « déséquilibrés » de zones humides, des contraintes limitant le libre échange des crédits ont été instaurées par les autorités réglementaires. On voit à travers cet exemple la nécessité de recourir à un système précis d’évaluation de la qualité et du type des zones humides.

45 Ils doivent fournir des compensations après avoir : 1) montré que les dommages sont inévitables, 2) cherché à

minimiser les dommages qui ne peuvent pas être évités.

46 Les dommages sont quantifiés à l’aide d’indices de fonctions écologiques.

47 Ces banques d’échanges sont constituées d’institutions privées ou mixtes qui créent ou restaurent un ensemble

de zones humides qui constituent alors une « banque de zones humides ». Cette banque rassemble les offres de

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Conservation Banks, suit le même principe que pour les zones humides (Wetland Banking) mais s’applique aux espèces et à leur habitat. Les achats de crédits (species-specific credits) sont effectués auprès des conservation banks (essentiellement privées).

Exemple de Conservation Banking avec la firme International Paper et le pic à face blanche Afin d’éviter les incitations perverses à l’encontre des espèces en danger, induites par les lois, le US Fish and Wildlife Service a mis en place un programme : le ‘Safe Harbour’. Ce programme permet aux propriétaires terriens de travailler avec l’Etat pour : identifier les espèces en danger (ainsi que le nombre d’individus de chaque espèce) présentes sur leur terre ; établir un Plan de Conservation de l’Habitat ; et parvenir à un accord limitant leur responsabilité vis-à-vis de ces espèces. Dans ses grandes lignes, cet accord stipule que les propriétaires qui accroissent le nombre d’individus de l’espèce considérée sur leur terre au- delà du niveau de référence (niveau établi dans l’accord) peuvent obtenir des crédits ; un crédit correspondant à un groupe d’individus de l’espèce pouvant être échangé, comme nous le voyons dans l’exemple suivant.

En 1998, l’International Paper (IP) a profité de ce programme. En effet, cette firme a recensé 18 groupes de pics à face blanche sur ses terres. Pour compenser leur disparition (consécutivement à l’usage des terres pour la fabrique de papier), elle a donc cherché (et trouvé) une terre propice à l’accueil de cet oiseau : la Southlands Forest Preserve.

En 2005, 15 groupes de pics à face blanche se trouvaient dans cette zone, permettant à IP de compenser des dommages causés. A terme, son objectif est que cette zone accueille au moins 18 groupes, ce qui lui permettra de compenser l’ensemble des dommages causés aux groupes présents sur ses terres. D’après elle, cette zone peut accueillir 30 groupes, ce qui lui permettrait de vendre les crédits supplémentaires (soit, 12 crédits).

Sachant qu’un crédit peut valoir entre 150 000 et 250 000 $, le pic à face blanche pourrait lui procurer des gains à hauteur de 1,8 à 3 millions de dollars. Elle pourrait également bénéficier de ressources financières supplémentaires en développant la zone hébergeant cette espèce. A travers cet exemple, on s’aperçoit qu’une espèce qui était auparavant considérée comme une charge potentielle devient une opportunité potentielle.

* Le Mécanisme de compensation pour les forêts tropicales (Brésil) a été mis en place par la loi de régulation des forêts tropicales (1) et la loi instaurant le Système National d’unités de conservation (2) :

(1) Selon cette loi (code forestier brésilien de 1965), les propriétaires (de plus de 50 ha) ont l’obligation de préserver au moins 20% de la végétation indigène qui se trouve sur leur terre, où seules des pratiques forestières soutenables sont autorisées. Le propriétaire a le choix entre geler 20% de sa propriété en forêt primaire ou acheter l’équivalent en superficie sur des terres se trouvant aux alentours de la zone initiale. Si cet achat n’est pas possible autour de la zone initiale, il peut le réaliser ailleurs mais avec un surplus de superficie de 30%.

(2) Selon ce système, les entreprises qui ont obtenu l’autorisation de développer leur projet, doivent (pour compenser les impacts du projet) payer au minimum 0,5% des

48 Voir par exemple le site Environmental Defense Fund : http://www.edf.org/page.cfm?tagID=418

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* La Loi Fédérale pour la protection de la Nature et des Paysages (Suisse) repose sur le principe de reconstitution ou de remplacement des biotopes protégés où les dommages sont inévitables. L’article 18 de cette loi concerne la protection de la faune et de la flore dans ces biotopes.

* Le « No net loss of ficheries habitat » (Canada), sous le cadre législatif du Canadian Fisheries Act (1986, 1998) interdit la destruction des milieux aquatiques (restrictions des activités dommageables). Lorsque les dommages ne peuvent pas être évités ou réduits, des mesures compensatoires doivent être prises, comme par exemple : la création d’un habitat similaire près du site de développement ou l’augmentation de la capacité productive d’habitats situés près du site.

* La protection de la végétation locale (Australie), instaurée par la Native Vegetation Act (1991, 2003), vise à encourager et promouvoir la gestion de la végétation locale et empêcher le défrichement, à moins que celui-ci n’améliore ou ne maintienne les résultats environnementaux. Etant donné que le défrichement des terres modifie l’état de la zone, en pratique l’amélioration ou le maintient des résultats environnementaux ne peut en général être obtenu que par compensation. Il s’agit par exemple, de clôturer une autre zone pour exclure les animaux de pâturage afin de permettre sa régénération ; de contrôler les herbes envahissantes afin de régénérer la végétation locale ; de planter des arbres locaux…

* En France, le système de compensation est peu mis en œuvre. Or, la Loi Grenelle 1, dans son article 2049, a rappelé l’importance de la compensation des impacts résiduels.

La création de la CDC Biodiversité50 de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a pour objectif de faciliter ces actions en devenant le premier opérateur de la compensation. Lancée en février 2008, CDC Biodiversité est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, présidée et gérée par la Société Forestière de la CDC. Elle intervient auprès des entreprises, des collectivités, des maîtres d’ouvrage et des pouvoirs publics, dans leurs actions (volontaires ou réglementaires) en faveur de la biodiversité : depuis la restauration, reconquête, gestion, valorisation jusqu’à la compensation.

Elle prend en charge les engagements de compensation en s’en portant garant : elle contractualise en son nom avec des spécialistes locaux (gestionnaires d’espaces naturels, experts, écologues…) et pilote toutes les étapes d’une mesure compensatoire.

49 « Maintenir et développer la biodiversité sauvage et domestique exige des mesures de protection, de

valorisation, de réparation et de compensation des milieux, associées à la constitution d’une trame verte et bleue, outil d’aménagement du territoire qui permettra de créer des continuités territoriales, ainsi qu’un suivi et une évaluation de la mise en œuvre et des résultats de ces dispositifs. (…)Lorsqu’il n’existe pas d’autre solution que la réalisation d’un programme ou d’un projet susceptible de nuire à la biodiversité, une compensation visant à rétablir les effectifs des espèces ou variétés menacées et les superficies des milieux auxquels il a été porté atteinte dans le cadre des trames vertes et bleues sera rendue obligatoire selon des modalités définies par décret. » CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

de leurs impacts par ceux qui portent atteinte à la nature et le refus de toute nouvelle perte nette de biodiversité peuvent être des leviers pour financer et réaliser les infrastructures écologiques du pays et permettre un développement économique réellement respectueux de la nature. Notre rôle sera de mieux mobiliser les financements concourant à un meilleur état de la biodiversité et d’assurer la bonne fin écologique des projets ».