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2.1 Les subventions et les fonds

2.1.5. Les réformes / suppressions des incitations perverses

Une mesure d’incitation à la préservation et à l’utilisation durable de la biodiversité peut consister à réformer ou à supprimer les incitations perverses, telles que les subventions qui soutiennent des activités néfastes pour la biodiversité.

La Convention sur la diversité biologique définit les incitations perverses comme étant « (…) une politique ou une pratique qui encourage, directement ou indirectement, une utilisation de la ressource qui entraîne la dégradation de la diversité biologique. Ainsi, ces politiques ou pratiques suscitent des comportements non durables qui réduisent la diversité biologique, souvent en raison d’effets secondaires inattendus alors qu’elles étaient conçues au départ pour servir d’autres objectifs » (CDB, 2000, p. 13).

Les politiques entraînant une extension géographique de secteurs économiques tels que l’agriculture, la foresterie ou la pêche, sont les plus susceptibles d’avoir cette propriété.

La question de la réforme ou de la suppression des incitations perverses a déjà fait l’objet d’un rapport (Stenger, 2004). Ce dernier dresse « une vue d’ensemble des différentes mesures incitatives en vigueur dans la politique forestière française qui peuvent s’avérer perverses

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conséquences inévitables) qui peuvent s’ils surviennent s’avérer localement néfastes pour la diversité biologique. Après examen de diverses mesures, les auteurs ont réalisé un tableau de synthèse (ci-dessous) mettant en avant les impacts négatifs (directs ou indirects et plus ou moins importants) que ces mesures peuvent avoir sur la biodiversité.

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Source : Stenger A. (Ed.), 2004.

G : gène ; Es : Espèce ; Ec : Ecosystème ; P : Paysage

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Les taxes (ou impôts) sont des « versements obligatoires, effectués sans contrepartie au profit des administrations publiques. Les impôts n’ont pas de contrepartie en ce sens que, normalement, les prestations fournies par les administrations au contribuable ne sont pas proportionnelles à ses versements » (OCDE, 1999).

Les redevances (ou droits) sont des « versements obligatoires, comportant une contrepartie et effectués au profit des administrations publiques ou d’organes extérieurs à celles-ci, tels qu’un fonds pour l’environnement » (OCDE, 1999). Il existe ici un lien entre le montant du droit ou de la redevance et le service rendu.

L’idée qui sous-tend l’utilisation d’instruments fiscaux pour protéger la biodiversité est que l’on peut répercuter les coûts sociaux des pertes de biodiversité sur le prix des activités qui en sont responsables. Réciproquement, cela implique que les activités qui présentent des avantages pour la collectivité devraient bénéficier d’une imposition globale réduite.

Le recours à ce type d’instruments a généralement pour objectif de couvrir les coûts liés à la préservation par les recettes qu’ils procurent (par exemple, la perception de droits d’entrée dans un parc national permet d’en assurer l’entretien) ou de réduire les écarts de prix qui vont à l’encontre des solutions favorables à l’environnement.

Ainsi, le gouvernement des Pays-Bas a introduit en 1995 une taxe sur les prélèvements d’eau souterraine, afin de lutter contre la dessiccation du milieu (l’une des causes les plus importantes de perte de biodiversité dans ce pays) causée par les prélèvements excessifs d’eau (Bellegem et al., 2002). La plupart des provinces imposent en sus des redevances de prélèvement de moindre importance. Outre le fait qu’elles internalisent certains des coûts associés à la dessiccation, ces taxes et redevances haussent le coût relatif de l’eau des réserves souterraines par rapport à celui de l’eau de surface, dont le prélèvement est moins nuisible à l’environnement. Sans cet écart de prix, le coût d’utilisation de l’eau de surface aurait tendance à être supérieur à celui de l’eau souterraine mais du fait des taxes et redevances, le différentiel de prix s’inverse au point que l’utilisation de l’eau de surface devient économiquement préférable.

Exemples d’avantages fiscaux en France

En France, les avantages fiscaux concernent essentiellement le secteur forestier. Il ne s’agit pas simplement d’inciter à augmenter la surface boisée, mais surtout à mieux gérer le patrimoine forestier existant, à favoriser la conservation de la biodiversité. Ils sont généralement associés à des mesures réglementaires, notamment lorsque ces dernières sont jugées trop strictes, et permettent ainsi d’atténuer les conséquences négatives que peuvent engendrer les réglementations sur les activités économiques des agents visés.

La sylviculture étant considérée comme une activité agricole par le ministère des finances, la fiscalité forestière37 emprunte de nombreuses règles fiscales à l’agriculture. Cependant, les délais de production du matériau bois étant particulièrement longs, les pouvoirs publics ont pris certaines dispositions particulières pour encourager l’investissement forestier.

37 Pour en savoir plus, voir Le Guide fiscal de la forêt privée (Engel, 2003), destiné aux sylviculteurs et

gestionnaires. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

* Le régime Serot-Monichon permet d’atténuer l’incitation à la vente anticipée des bois pour couvrir les frais de succession. Pour cela, un avantage fiscal39 est accordé à l’héritier de la forêt objet de la mutation, s’il s’engage à la soumettre pendant 30 ans à une gestion durable, sous le contrôle de l’administration. Ce régime vise donc à encourager les propriétaires forestiers à conserver leurs forêts dans le long terme tout en leur appliquant des méthodes de gestion durable. Il permet ainsi de maintenir la surface de terres boisées en France et assure la préservation de la biodiversité puisqu’il implique des garanties de gestion durable des ressources forestières.

* L’exonération de taxe foncière sur les (re)boisements40 incite les propriétaires forestiers à (re)planter des arbres sous des contraintes de durabilité. Cela doit ainsi favoriser le maintien des espèces inféodées au milieu forestier.

En France, l’imposition sur le revenu des propriétaires forestiers est fondée sur le revenu cadastral. Les boisements et reboisements bénéficient d’une exonération partielle d’impôt sur le revenu dont la durée varie selon les essences.

* Le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt consiste à encourager les propriétaires forestiers à échanger leurs parcelles afin de gérer des forêts de plus grande taille de manière durable. Pour cela, les propriétaires qui engagent des investissements tels que l’acquisition de forêts disposent d’avantages fiscaux41. Ce dispositif impacte de manière positive sur la biodiversité puisqu’il exige des garanties de gestion durable des ressources forestières.

Par ailleurs, l’achat de terrains boisés ou à boiser de 5 hectares minimum donne lieu à une réduction de l’impôt sur le revenu (DEFI FORET), de même que la réalisation de travaux forestiers sur une unité de gestion d’au moins 10 hectares d’un seul tenant et gérée en application d’un Plan Simple de Gestion ou d’un Règlement Type de Gestion (DEFI TRAVAUX). Une restriction de l’utilisation des sols peut également entraîner une réduction des taxes et des impôts sur le patrimoine en général.

Remarque : Depuis 1995, le Programme des dons écologiques d’Environnement Canada permet aux propriétaires fonciers (individus et entreprises privées) d’assurer à jamais la protection de parcelles en faisant don42 de terres écosensibles à un organisme voué à la protection de l’environnement ou à un organisme gouvernemental. Les donateurs ont non

38 Ce régime de réduction des droits de mutation à titre gratuit (héritage, donation) constitue un régime

d’exception au droit commun de la fiscalité des successions et des donations (article 793 du code général des impôts).

39 Exonération de 75% des droits de mutation, la même règle étant applicable pour le calcul de l’impôt sur la

fortune afférent aux biens en question.

40 Exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pendant les 30 premières années (quelle que soit

l’essence et la durée de révolution) à partir de l’année suivant le changement de nature de culture.

41 Réduction annuelle de l’impôt sur le revenu à hauteur de 25% du montant de l’investissement réalisé, dans une

limite de 5 700 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, et de 11 400 € pour un couple marié soumis à imposition commune.

42 Un « don écologique » peut être le don d’une terre ou d’un intérêt foncier partiel, c'est-à-dire une

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aussi d’avantages fiscaux.

En ce qui concerne les redevances, elles visent les usagers tels que les chasseurs (via les permis de chasse), les pêcheurs (via les permis de pêche) et les touristes (via les droits d’entrée sur un site).

Les droits d’entrée (ou droits d’accès à une zone) sont instaurés localement et généralement perçus par les propriétaires, ce qui incite ces derniers à préserver les habitats afin d’y attirer les utilisateurs potentiels. Ces redevances permettent également de compenser les coûts d’opportunité et d’éviter la conversion des habitats à d’autres usages tels que des usages industriels ou agricoles.

Les redevances présentent l’avantage de ne concerner que certains agents (à savoir, les utilisateurs et les propriétaires) qui sont normalement les plus intéressés par la conservation de ces habitats puisqu’ils en font l’usage. Toutefois, lorsque leur montant n’est pas fixé en fonction du consentement à payer des agents, elles peuvent être inefficaces : si le montant fixé est trop élevé, il peut inciter les utilisateurs à se comporter en « passager clandestin » ; et s’il est trop faible, il peut limiter la propension des propriétaires à entretenir leur terrain.