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CHAPITRE IV : LA RELATION DE COOPÉRATION DANS LA GESTION

4.2 Les conditions à la coopération

4.2.3 La mise à disposition de ressources

Tel que précédemment exposé dans la matrice des types de limites organisationnelles de la police, les pénuries, ou encore la négociation de ressources, représentent un facteur important dans la création de liens de coopération dans le milieu des organisations d’application de la loi. En ce sens, les ressources peuvent s’avérer un élément important dans le degré d’implication et

dans les responsabilités respectives des corps policiers et agences à la fois dans leur capacité

immédiate à intervenir ou encore dans des opportunités futures de prêter assistance448. L’accès

aux ressources a été souligné par l’ensemble des participants aux entrevues comme étant central à l’exécution de leur mandat. Un policier mentionne à cet égard que la mission de la GRC « c’est d’aider la population canadienne. [La GRC] va déplacer des gens d’autres secteurs pour répondre à une demande. Alors je pense qu’on répond d’une manière efficace et efficiente aux risques et

aux demandes sur la frontière449 ». Toutefois, les propos d’autres policiers de la GRC peuvent

compléter cette idée alors que l’accès aux ressources peut être perçu comme une difficulté : Pour les entraves [à la coopération avec les autres acteurs frontaliers

et policiers], c’est souvent au niveau des ressources. Nous avons un gros territoire, c’est 810 km, on ne peut pas être partout en même

temps. Donc, ce sont des entraves pour n'importe quel corps policier

de ne pas avoir les ressources nécessaires pour pouvoir œuvrer pleinement et pouvoir couvrir tout le territoire qu'ils doivent faire450.

Des recherches précédentes sur la coopération policière ont souligné qu’aux endroits « où les ressources ont été mises à disposition, l’émergence de liens pouvait généralement être attendue

chez l’ensemble des unités impliquées.451 » Néanmoins, la mise à disposition de ressources pour

les acteurs de la sécurité à la frontière est directement reliée aux responsabilités et mandats de ceux-ci. Par exemple, un policier de la SQ indiquait qu’en matière de patrouille il n’y a « pas de

spécial pour la frontière452 ». Il convient de rappeler que la SQ est déjà visée par une grande

variété de responsabilités, que ces ressources sont parfois limitées, puisqu’elle est à certains endroits prestataire des services policiers pour les municipalités, ce qui fait en sorte que la frontière n’est pas un aspect qui la concerne directement. En effet, selon ce policier, la frontière fait partie d’un territoire municipal qui se trouve déjà sous leur surveillance :

On s'y rend très régulièrement, quotidiennement même, par différentes façons, par la route provinciale, par les chemins forestiers. Donc, on n’a pas de mandat ou des préoccupations par rapport à la surveillance de la frontière. S'il y avait un phénomène qui était en émergence […] on va prêter une oreille beaucoup plus attentive, on va regarder si ce phénomène nous affecte453.

448 Giacomantonio, Policing integration, 109.

449 Entrevues menées auprès de la Gendarmerie royale du Canada. 450 Entrevues menées auprès de la Gendarmerie royale du Canada. 451 Giacomantonio, Policing integration, 110, (traduction libre). 452 Entrevues menées auprès de la Sûreté du Québec.

Par ailleurs, en matière de gestion du port d’entrée terrestre et du mandat relié aux aspects relatifs à l’immigration, un membre de l’ASFC soutient qu’au moins à l’échelle locale, « les ressources suffisent à traiter la grande majorité des dossiers […] nous n’avons pas besoin de

solliciter de l’aide ou des ressources d’autres agences ou d’autres divisions.454 » Malgré quelques

opinions divergentes au sujet de l’apport en matière de ressources dans l’établissement de liens de coopération entre corps policiers et agences, des initiatives ont eu lieu dans une perspective d’intégration des acteurs en région frontalière. C’est notamment le cas du projet Concept, discuté précédemment au Chapitre I. Ce projet pilote avait été mis en place en 2010 dans la région de Lacolle en Montérégie par la GRC, en soutien avec l’ASFC et la SQ. Cet exemple s’avère particulièrement intéressant dans le contexte étudié étant donné qu’il s’agissait d’une nouvelle

approche afin de réunir les ressources humaines et matérielles des agences d’application de la loi du Québec et du Canada455. Les principaux objectifs visés par ce projet pilote étaient :

 obtenir la collaboration de la collectivité concernant la sécurité frontalière grâce à ses activités de sensibilisation et de promotion;

 être le complément des interventions déjà existantes menées par les Équipes intégrées de la police des frontières, ceci en assurant la présence de policiers en uniforme pour réduire les activités transfrontières illégales;

 mettre en place, évaluer et surveiller le fonctionnement de nouvelles technologies et techniques456.

Lorsque questionnés sur cette initiative, les propos ressortis par les participants aux entrevues ont présenté diverses visions au sujet de la collaboration, notamment en ce qui avait trait à la tenue de patrouilles conjointes par les membres de ces trois partenaires. À ce sujet, un membre de l’ASFC soutient qu’il y a des centaines de kilomètres de frontière terrestre à couvrir et la réalité

fait en sorte que les agents se trouvent à devoir « composer avec la présence d’un protocole

d’entente entre le Canada et les États-Unis qui est celui des tiers pays sûrs, alors je pense qu’il est utopique de croire que peu importe le nombre d’agents qui patrouillent on va empêcher des gens de traverser une frontière qui à bien des endroits est sans contraintes physiques.457 »

Parallèlement, un autre membre de l’ASFC a souligné la divergence d’opinions au sein de l’Agence quant à la possibilité que les agents frontaliers puissent patrouiller : « Si vous posez la question au syndicat [des douanes et de l’immigration] ils vous diraient sûrement que les agents

454 Entrevues menées auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada. 455 Sécurité publique Canada, « Projet Concept ».

456 Sécurité publique Canada, « Projet Concept ».

de l’ASFC devraient patrouiller la frontière. Moi, personnellement, je crois au modèle actuel, il n’est pas parfait et cela revient toujours à une question de ressources, mais cela fonctionne.458 »

En ce qui a trait aux corps policiers, un policier de la SQ voyait positivement le projet Concept, mais que la continuité de ce type d’initiative revenait grandement à une question de ressources :

Des décisions ont été prises et puis on a mis fin à ce projet, je ne sais pas pourquoi. C'est sur que c'est un investissement, on n’est pas sur la frontière du Mexique, il faut se le rappeler. Peut-être que l'investissement par rapport aux cas qui ont été trouvés, il a été jugé que cela ne valait pas la peine. Néanmoins, je peux dire qu'il y a eu plusieurs cas qui étaient très intéressants, qui ont été découverts ou qu'on a eu à gérer459.

En marge du projet pilote, un rapport d’évaluation a été produit en juillet 2012 afin d’avoir une idée plus concrète sur les avancées et les aspects à travailler. Dans ce rapport, il est notamment indiqué que si le projet était reconduit, il était recommandé « qu’une entente de collaboration écrite soit établie et mise en œuvre entre la GRC et l’ASFC pour exposer la structure de gouvernance du projet ainsi que pour clarifier les rôles, les responsabilités et les rapports

hiérarchiques460 », ce qui illustre l’importance d’une lecture et d’une compréhension adéquate

des mandats de chacune des agences. Cependant, dans sa forme de projet pilote, le projet Concept n’a pas été reconduit et certaines des initiatives amorcées dans le cadre de celui-ci ont été intégrées à certains niveaux au sein des ÉIPF. Il est indiqué, dans le rapport d’évaluation, que « tous les coûts supplémentaires liés au projet Concept ne seront plus engagés dans l’avenir si le projet devient un programme.461 » Par le fait même, le financement et la mise à disposition de

ressources ont une incidence directe sur les rapports de coopération entre ces partenaires. Enfin, une autre recommandation avait été que « la GRC envisage la possibilité d’intégrer davantage les

modèles semblables au projet Concept et les EIPF462 ». En d’autres termes, il s’agissait de

réitérer « la nécessité de regrouper les ressources sous un même toit, dans la mesure du possible,

afin de permettre d’échanger et de communiquer des renseignements de façon adéquate.463 » Dès

lors, ce dernier point identifie une autre composante clé de l’établissement de relations de coopération, soit en matière de communication et d’échange d’information.

458 Entrevues menées auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada. 459 Entrevues menées auprès de la Sûreté du Québec.

460 Gendarmerie royale du Canada, « Projet pilote CONCEPT Rapport d’évaluation horizontale ». 461 Gendarmerie royale du Canada, « Projet pilote CONCEPT Rapport d’évaluation horizontale ». 462 Gendarmerie royale du Canada, « Projet pilote CONCEPT Rapport d’évaluation horizontale ». 463 Gendarmerie royale du Canada, « Projet pilote CONCEPT Rapport d’évaluation horizontale ».