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Divergences dans l’établissement des priorités et les tendances à intervenir

CHAPITRE III : MESURES DE GESTION DE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE AU

3.1 Rapport entre les acteurs et l’immigration irrégulière en région frontalière

3.1.1 Divergences dans l’établissement des priorités et les tendances à intervenir

Afin de comprendre et d’établir la vision des policiers fédéraux et provinciaux et agents douaniers de l’immigration irrégulière, il a été demandé lors des entrevues aux participants d’expliquer l’importance que revêt cette problématique pour leurs organisations. L’établissement de priorités peut varier en fonction de l’organisation et de l’individu, ce qui s’avère avoir une influence directe sur les tendances à intervenir chez ceux-ci pour des cas d’immigration irrégulière. Par contre, que ces policiers et agents veillent à appliquer la loi constitue le souci principal pour la plupart des professionnels de ces organisations. À cet effet, un policier de la GRC s’est positionné sur l’importance que son organisation accorde à l’immigration irrégulière et a mentionné l’idée suivante :

En fait, nous, on n’a pas une vision sur l'immigration clandestine en tant que telle. Nous, notre vision est de protéger la frontière et oui c'est très important pour la GRC. L'immigration n'est pas notre travail dans le sens qu'on n’a aucun travail de décideur au niveau de

l'immigration. Nous, notre travail est vraiment de s'assurer que la personne n'est pas une menace pour le Canada314.

Cette vision a été réitérée par l’ensemble des policiers de la GRC lors des entrevues. La vision de ceux-ci est d’abord axée autour des enjeux en matière de sécurité nationale et de protection de l’intégrité de la frontière. En ce sens, le fait qu’il s’agisse de cas d’immigration irrégulière ne modifie pas les tâches que les policiers fédéraux vont accomplir en matière de vérification d’antécédents criminels, risques de danger pour la sécurité nationale, entre autres : « Voir un individu dont tu ne connais pas l'origine, les motivations de cette personne-là et tout ça. Tout est pris au sérieux, aucun cas n'est pris à la légère. On l’enseigne à nos gens, je pense qu'ils sont très conscients, c'est une priorité.315 » À titre de compétence d’ordre fédéral, le discours de la GRC au sujet des cas d’entrées illégales laisse comprendre qu’il s’agit d’une priorité pour leur organisation. Néanmoins, des distinctions doivent être mentionnées, puisque c’est un travail qui se fait conjointement avec d’autres acteurs :

Ce qu'il se passe par la suite au niveau de l'immigration, ce n'est pas de notre ressort. Nous c'est de s'assurer que ce ne sont pas des criminels, qu'ils ne sont pas dans le crime organisé, qu'ils ne sont pas associés à des groupes terroristes, qu'ils ne sont pas rentrés avec des couteaux, des armes longues et tout ce qu'on peut s'imaginer. C'est ça notre travail de policier. Ensuite, chaque étape, chaque palier et chaque agence gouvernementale a sa responsabilité là- dedans316.

Cette dernière citation d’un policier de la GRC établit le lien de leur organisation avec le travail effectué par l’ASFC. Selon les entrevues menées auprès de membres de l’Agence, ils conviennent que l’immigration est au cœur du mandat de leur organisation depuis ses origines. C’est un volet qui parmi plusieurs, considérant que l’ASFC applique plus de 90 lois fédérales à la frontière. L’immigration irrégulière implique beaucoup de partenariats, principalement la GRC pour le côté canadien et les agences américaines également. En revanche, pour les policiers de la SQ, les opinions étaient moins trachées que celles de l’ASFC ou de la GRC à l’égard de la gestion de l’immigration irrégulière en termes de priorité. Un policier de la SQ a exprimé le fait que l’immigration irrégulière ne serait pas une priorité pour son organisation, mais

314 Entrevues menées auprès de la Gendarmerie royale du Canada. 315 Entrevues menées auprès de la Gendarmerie royale du Canada. 316 Entrevues menées auprès de la Gendarmerie royale du Canada.

« qu’actuellement, c’est davantage une prise de conscience par rapport à […] cette réalité317 », considérant que la SQ a plusieurs mandats à remplir au Québec et que leurs tâches s’avèrent moins spécialisées que celles de la GRC au Québec, par exemple :

On applique à peu près tout… du chien qui n’a pas de laisse, en passant par la Loi sur le cinéma, en passant par la Loi sur les alcools, en passant par la Loi sur le taxi, le Code criminel, les lois sur les drogues, la Loi sur le système pénal, on en applique une panoplie. Donc [la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] en est une de plus qui s'ajoute. […] Je pense que pour un directeur de police qui est en zone frontalière ça doit faire partie de ses priorités, et ce qui doit en faire partie, c'est de préparer ses policiers à être capables d'intervenir en pareille matière.

Cependant, l’immigration irrégulière n’est pas nécessairement une réalité courante dans toutes les zones frontalières du Québec. Cet aspect a été souligné par un autre policier de la SQ, ce qui fait en sorte que les policiers ne vont pas nécessairement porter attention à ce type d’activité, et donc ce ne sera pas une priorité pour ceux-ci : « Ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas […], mais nous autres on n’en entend pas parler parce que ce n'est pas majeur. On a déjà eu une rencontre avec les services frontaliers à ce niveau, mais c'était plus à titre informatif, ce n'est pas une réalité qu'on vit.318 » Dans le même ordre d’idées, il a été également mentionné qu’il ne s’agit pas de la responsabilité de la SQ de veiller à la frontière et aux cas d’immigration irrégulière, sauf que dans les zones frontalières où cela peut s’avérer une réalité, la nécessité d’intervenir et de s’intéresser à ce phénomène est présente : « Ce n’est pas notre mandat, mais c’est notre réalité à la frontière. Moi je pars souvent faire les chemins non gardés, mais il n’y a pas de patrouilles affectées à la frontière ni d’assignations319 ». En outre, la SQ intervient puisqu’il s’agit tout de même d’infractions qui ont été commisses, puis parce que certains cas peuvent être reliés à d’autres formes d’activités criminelles, alors que l’objectif des policiers de la SQ est de veiller à la sécurité de la région dans laquelle ils travaillent. En ce sens, les objectifs peuvent diverger dans l’accomplissement des tâches que les membres de ces organisations d’application de la loi doivent mener en région frontalière.

317 Entrevues menées auprès de la Sûreté du Québec. 318 Entrevues menées auprès de la Sûreté du Québec. 319 Entrevues menées auprès de la Sûreté du Québec.