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CHAPITRE 2 CONTEXTE DE L’ÉTUDE

2.1 Mise en contexte de la problématique

La présente étude porte sur les pièces traitées superficiellement par induction telles qu’utilisées chez le partenaire industriel du projet (PWC). Il convient d’abord de décrire la gamme de fabrication typique pour ces pièces. L’acier brut subit d’abord un durcissement global au four qui permet l’obtention de propriétés (microstructure, microdureté, etc.) relativement uniformes partout dans la pièce. Dans le cas des engrenages, un premier usinage d’ébauche permet de tailler les dents tout en laissant une certaine surépaisseur qui sera enlevée par la suite. Notons que la surépaisseur utilisée à cette étape est assez large actuellement car elle a été déterminée historiquement par l’industriel en fonction de l’expérience acquise sur les roues cémentées qui présentent généralement des distorsions plus importantes. Le traitement superficiel par induction est ensuite appliqué sur la pièce résultante causant la formation d’une phase martensitique très dure en surface, la génération de contraintes résiduelles et de distorsions et la production d’une légère oxydation de surface si le traitement est fait à l’air libre. Les engrenages ainsi traités subissent en général un revenu au four tout de suite après l’induction afin de rendre la martensite moins fragile. Une partie des contraintes résiduelles est potentiellement relâchée du même coup. Finalement, un procédé d’usinage final, généralement la rectification, est utilisé pour enlever la surépaisseur laissée par l’usinage antérieur et permet ainsi d’enlever la mince couche oxydée, de reprendre les distorsions et d’améliorer le fini de surface aux endroits critiques pour la tenue en fatigue.

Le chapitre précédent a montré que les études publiées dans la littérature rapportent un effet important des paramètres d’induction sur les contraintes résiduelles obtenues après traitement. Par contre, ces études portent principalement sur des chauffes mono-fréquence et sur des géométries simples. Il y a un manque de données évident concernant les contraintes résiduelles obtenues par des recettes de traitement plus complexes en multi-fréquences simultanées et séquentielles qui sont rendues possibles avec les générateurs plus récents comme celui de l’ÉTS. De plus, l’effet bénéfique d’une préchauffe qui est relaté dans la littérature n’a pas été vérifié pour des géométries complexes comme les roues dentées. Ces données seraient utiles pour à la fois cibler les meilleurs types de traitement et pour fournir des points de comparaison avec d’éventuels modèles de prédiction. La littérature ne permet pas non plus de statuer hors de tout doute sur le type de recette d’induction le plus approprié pour augmenter la résistance en fatigue des engrenages. De plus, la presque totalité des résultats de contraintes résiduelles présentés dans cette dernière ont été obtenus par diffraction de rayons X. Or, il serait intéressant d’appliquer d’autres méthodes basées sur des principes différents afin de permettre une validation ou tout simplement pour fournir un autre moyen de vérification.

Il est reconnu dans l’industrie que le traitement superficiel par induction améliore les performances en fatigue des engrenages. Cependant, comme dans le cas des autres traitements superficiels, la contribution relative de l’augmentation de dureté et des contraintes résiduelles de compression à la résistance en fatigue n’est pas clairement établie. Un des points clés pour garantir l’effet des contraintes résiduelles sur la fatigue est leur stabilité au fil des cycles. En effet, si ces dernières sont relâchées rapidement lors des premiers cycles de chargement leur effet sur le comportement en fatigue sera probablement faible. Or, la stabilité cyclique des contraintes résiduelles a été étudiée largement pour des traitements comme le grenaillage mais pratiquement pas pour l’induction. Les mécanismes entraînant la formation de contraintes résiduelles étant différents dans ce cas, il est probable que le comportement cyclique le soit également.

Les engrenages en aéronautique sont généralement conçus selon une philosophie appelée

safe-life où l’on considère que le matériau est initialement dépourvu de défaut. On retire la

roue du moteur à la fin de sa durée de vie considérée comme étant sécuritaire (entre 30 à 100 millions de cycles). Il faut noter qu’en service il y a une compétition et parfois une synergie entre les différents modes d’endommagement de l’engrenage (fatigue de flexion, fatigue de contact, usure, etc.). Une fissure de fatigue n’est pas admissible dans ce contexte car elle nuit au bon fonctionnement de la pièce (perte de rigidité de la dent, surcharge de la dent suivante, vibration excessive, etc.) et risque d’entrainer la défaillance du système de transmission. Ainsi, le dimensionnement des engrenages aéronautiques se réduit généralement à prévenir l’amorçage d’une fissure de fatigue. De plus, lors de la mise en service d’un engrenage dans un moteur d’aéronef le chargement est globalement élastique (les déformations plastiques sont négligeables à l’échelle macroscopique) en régime de fonctionnement normal et les durées de vie extrêmement importantes. Globalement, le domaine de sollicitation de ces composantes est donc la fatigue à grand nombre de cycles (HCF) ou même à très grand nombre de cycles (VHCF).

Un travail de maîtrise complété dans le cadre du même projet CRIAQ que la présente thèse a porté sur l’étude expérimentale de la résistance en flexion de roues dentées traitées par induction (Austin, 2011). Dans cette étude, neuf recettes d’induction incluant des chauffes complexes en bi-fréquences ont été testées et comparées en fatigue de flexion. Néanmoins, les roues dentées n’ont pas été fabriquées avec de l’acier de grade aéronautique et n’ont pas subie de rectification suite au traitement par induction. Le fini de surface de ces roues au creux de dent était donc de moins bonne qualité que celui des roues réelles utilisées dans les turbomoteurs. De plus, les recettes d’induction ont été comparées à deux niveaux de charge dans le domaine de fatigue à faible nombre de cycles (LCF). En réalité, la grande majorité des tests se sont terminés aux alentours de 104 à 105 cycles. Pour ces raisons, les conclusions de cette étude sont limitées par rapport à l’utilisation réelles des engrenages induits en service. D’autres essais de fatigue à grand nombre de cycles sur des engrenages en acier de qualité aéronautique ayant subi la même gamme de fabrication que les pièces réelles sont donc nécessaires.

Pour la fatigue de flexion, la méthode actuellement utilisée chez le partenaire industriel pour déterminer la limite d’endurance en flexion combine un calcul empirique basé sur les normes traditionnelles présentées au premier chapitre à de coûteuses campagnes expérimentales sur des bancs d'essai pour s'assurer que les engrenages auront la durée de vie désirée dans le turbomoteur. Les industriels ne savent pas présentement comment considérer les contraintes résiduelles et les gradients de propriétés (microstructure, microdureté, etc.) dans le calcul des engrenages traités par induction. Ceci est vrai pour les deux principaux modes de défaillance des engrenages : la fatigue en flexion des creux de dent (tooth bending fatigue) et la fatigue de contact des flancs de dent (pitting). Un des grands défis posés actuellement par les engrenages induits est de pouvoir prédire s’il y a risque d’amorçage sous la surface connaissant le chargement appliqué et le traitement par induction. Or, l’amorçage en fatigue interne qui apparaît parfois pour les pièces traitées en surface n’est pas couvert par les normes AGMA ou ISO qui sont utilisées en industrie.

La revue de littérature a permis d’identifier d’autres approches existantes pour prédire l’amorçage en fatigue de flexion des engrenages. Cependant, dans la majorité des cas l’amorçage de fissure interne n’est pas non plus couvert par les modèles proposés. Les contraintes résiduelles et plus spécifiquement leur stabilité sous sollicitation cyclique ne sont pas considérées dans plusieurs études. Notons que toutes les études ayant inclu les contraintes résiduelles mesurées par DRX en creux de dent ont utilisé les corrections pour enlèvement de matière classiques pour les plaques qui sont clairement inappropriées pour cette géométrie complexe comme il sera démontré dans cette thèse. De plus, les modèles proposés sont pratiquement tous du type 2D (calculs à mi-épaisseur de la denture) et ne peuvent donc considérer les variations de contraintes résiduelles et de profondeur durcie le long de l’épaisseur qui sont typiques en induction à cause des effets de bord. Il faut noter également que les critères de fatigue utilisés jusqu’à maintenant dans la littérature sont soit inadaptés au domaine de fatigue à grand nombre de cycles, soit inappropriés vu la multiaxialité du chargement, soit inapplicables pour des pièces comportant des gradients de propriétés ou tout simplement imprécis par rapport aux critères plus récents. En résumé,

aucune approche proposée dans la littérature n’est pleinement satisfaisante dans le cadre de la fatigue de flexion à grand nombre de cycles des engrenages traités par induction.