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CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.4 Endommagement des métaux par fatigue

1.4.2 Mécanismes d’amorçage de fissures de fatigue

Plusieurs mécanismes différents ou leur combinaison peuvent mener à l’endommagement en fatigue d’un matériau mais dans tous les cas le facteur clé est la plastification locale agissant à l’échelle microscopique qui entraîne ultimement l’apparition d’une fissure (Hertzberg, 1996; Cardou, 2006; Doquet, 2009). Avant de passer aux mécanismes spécifiques, il est nécessaire de mentionner que la définition d’une fissure amorcée ne fait pas encore aujourd’hui l’objet d’un consensus dans la littérature. Pour un métallurgiste, la taille d’une fissure amorcée est reliée directement à la taille de la microstructure; en général la taille d’un ou de quelques grains (Hertzberg, 1996). D’un autre côté, l’ingénieur en analyse non- destructive considère qu’une fissure est amorcée lorsque la technique d’inspection arrive à la détecter (Doquet, 2009, Leap et al., 2011). Un ingénieur en structure pourrait de son côté

considérer qu’une fissure est amorcée lorsqu’elle atteint une longueur suffisante pour valider l’utilisation de la mécanique linéaire de la rupture (LEFM) pour les calculs de propagation. Il est donc nécessaire de bien définir dans une étude ce qu’on entend par amorçage d’une fissure.

Les fissures de fatigue s’amorcent classiquement à la surface des pièces pour plusieurs raisons comme indiqué en introduction de cette thèse. C’est pratiquement toujours le cas dans le domaine LCF et souvent pour une bonne partie du domaine HCF également. Dans ces cas, la déformation plastique cyclique se localise après un certain nombre de cycles dans les grains de surface les plus favorablement orientés pour le glissement. On observe alors la formation de bandes de glissement persistantes (BGP). Elles apparaissent dans les plans de glissement orientés pour maximiser la cission résolue (Pineau et Bathias, 2008). On dit des bandes qu’elles sont persistantes pour indiquer l’irréversibilité du glissement qui s’y produit; le matériau s’endommage (Hertzberg, 1996). Ces bandes produisent des extrusions et intrusions à la surface; semblables aux marches d’un escalier (Baïlon et Dorlot, 2000). Ces structures causent une concentration de contraintes supplémentaire (Doquet, 2009). Éventuellement, le mouvement et le réarrangement des dislocations dans les BGP font naître une microfissure de surface trangranulaire ou quelques fois intergranulaire sous forte charge (Pineau, 2008). En traction pure, la microfissure fait un angle d’environ 45 ° avec l’axe de chargement. La direction de cette microfissure est dans ce cas directement reliée à celle d’un plan de glissement favorable du grain où elle s’est amorcée. Les chercheurs appellent cette combinaison de plusieurs mécanismes le stade 1 (Pineau et Bathias, 2008, Doquet, 2009). Ensuite, la microfissure se propage alors à travers quelques grains tout en étant d’abord grandement influencée par la microstructure (fissure courte) pour éventuellement se propager perpendiculairement à l’axe de traction principal de façon pratiquement indépendante par rapport à la microstructure (stade 2 ou fissure longue). La Figure 1.10 illustre les propos précédents.

Figure 1.10 Mécanisme d’amorçage de fissure classique en fatigue : a) intrusions et extrusions b) stades de fissuration et c) aspect des intrusions et

extrusions à la surface d’une éprouvette de cuivre.

Reproduit et adapté avec l’autorisation de Pineau et Bathias (2008, p.27)

D’un autre côté, dans le domaine VHCF l’amorçage se fait classiquement à l’intérieur de la pièce sur des défauts microstructuraux comme des carbures grossiers, des inclusions non- métalliques, des pores ou tout simplement de gros grains favorablement orientés pour le glissement cristallin (Bathias, 2008; Sohar et al., 2008). Le faciès de rupture typique qui en résulte est dit en « œil de poisson » (Bathias et Paris, 2004; Hong et al., 2012; Lai et al., 2012). Une zone de rugosité plus importante est généralement observable sur le faciès près du défaut microstructural responsable de la rupture au centre de « l’œil » (Chapetti, Tagawa et Miyata, 2003). Cette zone, généralement appelé ODA (optically dark area) ou GBF (granular-bright facet), a été attribué par certains à la zone où la propagation est affectée par la présence d’hydrogène (Murakami et al., 2000) et par d’autres à un mécanisme de décohésion des carbures (Shiozawa et al., 2006). La Figure 1.11 montre une surface de rupture typique observée au microscope électronique à balayage (MEB) pour les métaux sollicités en fatigue dans ce domaine.

Figure 1.11 a) Faciès en « œil de poisson » typique de la fatigue gigacyclique, b) inclusion se trouvant au centre de « l’œil » (acier 4240,

images MEB). Tirée de Bathias et Paris (2004, p.7, chapitre 4)

En fatigue à très grand nombre de cycles les charges ne sont pas assez élevées pour causer de la plasticité cyclique significative. La résistance en fatigue est donc liée aux défauts les plus pénalisants qui causent une concentration de contraintes très locale. La probabilité de trouver ces défauts dans le volume intérieur étant beaucoup plus grande que celle de les trouver à la surface immédiate, l’amorçage est pratiquement toujours observé à l’interne. Lai et al. (2012) souligne que les microfissures internes ne se propagent pas aux mêmes vitesses que les fissures de surface notamment car elles sont dans un environnement sous vide. Alfredsson et Olsson (2012) font remarquer que le chargement local à une inclusion est toujours multiaxial même si macroscopiquement la charge est appliquée selon un axe seulement. Plusieurs auteurs soulignent qu’il y a généralement une compétition entre l’amorçage interne et l’amorçage externe à grand nombre de cycles et que l’allure de la Figure 1.9 est en fait le résultat du croisement de deux courbes S-N distinctes chacune associées à des mécanismes différents (Sohar et al., 2008; Ravi Chandran, Chang et Cashman, 2010; Hong et al., 2012, Lai et al., 2012). Shiozawa et al. (2006) ont montré qu’une rupture interne en « œil de poisson » peut également survenir à des nombres de cycles plus typiques de la fatigue mégacyclique (≈105 à 106 cycles) pour des aciers traités en surface. Le mécanisme d’amorçage est cependant différent dans ce cas car le défaut interne agit comme un simple concentrateur de contraintes local selon eux. Il n’y a pas de zone ODA dans ce cas particulier.