• Aucun résultat trouvé

Le projet Énergie Est représente un excellent exemple de controverse liée au partage de compétences. En effet, les 82 maires de la communauté métropolitaine de Montréal se sont publiquement opposés au projet Énergie Est en conférence de presse, estimant, à l’appui d’un rapport rendu par sa commission sur l’environnement, que les bénéfices de ce projet étaient bien inférieurs aux risques encourus270. Ensuite, une pétition d’origine citoyenne, appuyée par plusieurs partis politiques québécois, a été mise en ligne afin d’empêcher la réalisation du projet271.

Le refus de Transcanada de reconnaître la compétence du Québec en matière d’évaluation environnementale concernant le projet Énergie Est, estimant que seul le gouvernement fédéral est compétent dans cette matière a conduit le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (le ministre) québécois à contourner le régime classique de la Loi sur la qualité de l’environnement272 afin de saisir le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (le BAPE) en dehors de son champ habituel de compétence pour qu’il se prononce sur l’opportunité du projet273. Cette démarche, bien que légalement contestable, devait permettre d’assurer la tenue d’audiences par le BAPE malgré le refus de OÉE ltée de se soumettre à la procédure

270 Jeanne Coriveau, « C’est «non», scandent les maires de la CMM », Le Devoir (22 janvier 2016), en ligne :

Le Devoir <http://www.ledevoir.com/politique/montreal/460805/denis-coderre-confirme-que-la-cmm-s- oppose-au-projet-energie-est> (consulté le 20 juin 2016). Voir aussi ; « Oléoduc Énergie Est de TransCanada : la CMM s’oppose au projet », en ligne : Communauté métropolitaine de Montréal <http://cmm.qc.ca/fr/actualites/derniere-nouvelle/oleoduc-energie-est-de-transcanada-la-cmm-soppose-au- projet/> (consulté le 20 juin 2016).

271 « Pétition E-150 - Pétitions électronique », en ligne :

<https://petitions.parl.gc.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-150> (consulté le 2 mars 2016).

272 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2 [LQE].

273 Le Ministre a ainsi fait usage de l’article 6.3 de la LQE qui lui permet de mandater le BAPE afin qu’il

enquête sur toute question relative à la qualité l’environnement. Or, les projets de pipelines de plus de 40 kilomètres sont en principe assujettis à la procédure dite « lourde » de la LQE, soit celle prévue à l’article 31.1 et qui impose l’obtention d’un certificat d’autorisation en plus de la tenue d’audiences publiques. En réponse à cette initiative du Ministre, le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) a déposé un recours en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure du Québec afin d’obtenir une injonction interlocutoire visant à empêcher la poursuite du projet Énergie Est tant que qu’OÉE ltée ne se soumettrait à la procédure de l’article 31.1. La demande a été rejetée par la Cour, estimant, à l'instar du gouvernement, que le processus parallèle mis en place n’empêcherait aucunement de soumettre, par la suite, le projet à la procédure classique.

125 québécoise d’évaluation des impacts sur l’environnement et donc d’assurer un semblant de participation citoyenne.

Devant la pression exercée par les groupes écologistes, le gouvernement du Québec a finalement imposé la procédure régulière à OÉE ltée. Même si cette dernière a mentionné dans une lettre274 sa volonté de se soumettre au processus provincial d’évaluation selon une « approche collaborative » et volontaire confirmant ainsi son refus de reconnaître la compétence de la province dans la matière. Cela a tout de même soulevé d’autres difficultés, concernant notamment le sérieux et la qualité de l’étude d’impact sur l’environnement, dans la mesure où celle que devait soumettre la pétrolière au BAPE a dû être complétée pour le 6 juin 2016 soit en l’espace de six semaines. Il s’agit d’un délai extrêmement court qui risque d’entacher la légitimité du processus. À titre de comparaison, il avait fallu plus d’un an et demi pour produire l’étude d’impact du projet de pipeline Saint-Laurent qui mesurait 238 kilomètres soit trois fois moins que le tronçon d’Énergie Est qui doit passer au Québec275. Cependant, en ce moment même, seule la première partie de l’étude d’impact a été réalisée tandis que la seconde est toujours en cours de production. L’ensemble de ces évènements a contribué à accentuer l’impression selon laquelle les québécois ne sont que peu voire pas écoutés par leur gouvernement et ont remis en cause la légitimité du processus de participation du public.

Malgré la soumission d’OÉE ltée à la procédure régulière d’évaluation des impacts sur l’environnement, l’accent porté sur le fait que la compagnie se soumet de bonne grâce à un processus, somme toute, obligatoire, laisse pensif quant à la suite des évènements. En effet, si la participation du public est essentielle, les conditions dans lesquelles celle-ci intervient importent tout autant, car une consultation ne peut avoir de consultation que le nom et doit être réalisée sur le fond. Ce sujet d’actualité illustre en lui-même les tensions générées

274 Louis Bergeron, Lettre de Transcanada, avril 2016.

275 Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, Résumé du rapport d’étude d’impact sur

l’environnement - Pipeline Saint-Laurent, Volume 7, 2016; « Oléoduc: le PQ estime le délai trop court pour

une étude d’impact valable », La Presse (mai 2016), en ligne : La Presse <http://www.lapresse.ca/environnement/economie/201605/02/01-4977215-oleoduc-le-pq-estime-le-delai- trop-court-pour-une-etude-dimpact-valable.php> (consulté le 21 juin 2016).

126 autour de l’acceptabilité des projets de pipelines interprovinciaux, particulièrement accrues par la difficulté de déterminer clairement les mandats de chacun des acteurs concernés.