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Les conditions juridiques de l’effectivité de la participation du public

Le processus de participation du public au Québec est celui qui obtient le résultat le plus faible en termes de conditions juridiques de l’effectivité puisqu’un score de quatre sur huit (4/8) lui est accordé. L'une de réponse étant sans objet, il convient d'attribuer un résultat sur huit et non sur neuf.

CONDITIONS JURIDIQUES DE L’EFFECTIVITÉ OUI NON S/O Lorsque des mécanismes de participation du public existent

dans le processus d'examen des projet de pipelines interprovinciaux à l'étude, sont obligatoirement et systématiquement enclenchés par les autorités publiques ? Sont-ils ouverts à tous ? (mécanismes de sélection) Si non, existe un recours ou un contrôle judiciaire à cet égard ?

Le champ de la participation du public est-il ouvert ou limité : o Les participants peuvent-ils intervenir sur tous

les aspects du projet ?

o Ont-ils accès à une information suffisante et de

qualité ?

La participation est-elle organisée suffisamment en amont ? Les participants bénéficient-ils d'une aide financière et/ou matérielle adéquate ?

Les mécanismes de participation permettent-ils de recueillir adéquatement les préoccupations du public ?

Les autorités publiques doivent-elles tenir compte des préoccupations du public au moment de rendre une décision sur un projet ?

La décision des autorités publiques est-elle susceptible d’un recours judicaire ?

120 Le fait que l’audience ne soit déclenchée que s’il y a une ou plusieurs demandes dans ce sens ne rend pas la participation systématique, ce fait, associé à celui que le ministre dispose d’une totale discrétion pour refuser une demande d’audience, et ce, sans obligation de motivation, empêche l’attribution d’un point supplémentaire. Cependant, à l’inverse de la participation fédérale, la participation québécoise est ouverte à tous ceux qui le désirent à condition de démontrer que leur participation est pertinente. Comme il n’y a là aucune exigence dérisoire, cela permet de comptabiliser un point de plus. À défaut de pouvoir en faire appel, il est effectivement possible de soumettre le refus du ministre d’autoriser la tenue d’une audience à un contrôle judiciaire. En dernier lieu, aucune aide spécifique n’encadre les audiences du BAPE.

L'accès à l'information est, somme toute, satisfaisant, malgré la possibilité offerte au ministre de demander des informations supplémentaires au promoteur tout au long du processus. Le promoteur est en effet tenu d’organiser des activités d’information et de consultation auprès du public après avoir déposé son projet auprès du gouvernement. De plus l’ensemble de la documentation qu’il fournit (description du projet, étude d’impact, etc.) est rendu public avant l’audience et expliqué par le promoteur et des experts lors de la première phase d’audience.

Le contenu de la participation lors de l’audience est en principe libre. Cependant, le public ne peut se prononcer que sur l’étude d’impact réalisée par le promoteur, à laquelle il lui est impossible de participer et dont l’étendue est définie par le ministre. De plus, la possibilité offerte au ministre de demander des informations complémentaires sur le projet au promoteur à l’issue du processus d’audience et sans obligation d’en organiser une nouvelle suppose que le public peut ne pas participer sur l’ensemble du dossier. La possibilité d’organiser une médiation environnementale qui permet alors aux intéressés de négocier des alternatives au projet directement avec le promoteur atténue un peu ces écueils. Cependant même lors d’une médiation, le public intervient quand même sur une information préparée par le promoteur et potentiellement incomplète. Ainsi, même si la participation est libre en principe, elle intervient sur un contenu orienté. De plus, la

121 consultation du public intervient tardivement, alors que le projet soumis à consultation est déjà bien avancé.

Le double pouvoir discrétionnaire, dont dispose à la fois le ministre et le gouvernement québécois, allié à la nature purement consultative du BAPE ne laissent aucun doute sur le sort des préoccupations des québécois. Le gouvernement peut évidemment choisir d’en tenir compte afin de répondre à une pression sociale, mais le fait qu’il puisse aussi totalement les ignorer impose de ne pas accorder de point sur la base de la participation du public au processus décisionnel. En dernier lieu, la difficulté de contester une décision du gouvernement, mis en lumière par Jean Baril, doit conduire à tempérer l'attribution du point sur cette base, pour les mêmes raisons que dans le cadre du processus canadien. En effet, l’existence de recours judiciaires ne garantit pas leur effectivité comme cela a été démontré largement.

Ainsi processus de participation du public au Québec ne remplit que la moitié des conditions juridiques de l’effectivité identifiées et met en lumière les nombreuses lacunes dont il souffre. La mise en œuvre de la participation au Québec ne permet pas au public de participer réellement au processus décisionnel. Seul le poids politique de ce dernier peut éventuellement faire influer le cours d’une décision, poids politique qui pourra s’exprimer au travers des mécanismes de participation, mais d’un point de vue purement juridique il n’existe aucun levier.

Ainsi, contrairement aux deux autres processus participatifs à l'étude, qui démontrent une mise en œuvre honorable, le processus québécois n'obtient qu'un résultat moyen démontrant son manque d'ambition. Ironiquement et eu égard au contexte politique, la controverse sociale engendrée par le projet Énergie Est a pourtant été fort bien relayée et a, à plusieurs reprises, entravée le déroulement du processus. Cela prouve, que lorsque le cadre juridique fait défaut, les moyens para-légaux demeurent à même de prendre le relai.

C'est d'ailleurs cette controverse sociale qui alimente le débat sur la portée des voix québécoises face au gouvernement canadien dans le dossier des pipelines interprovinciaux.

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Titre 2. Partage constitutionnel des compétences : la participation du

public québécois face au gouvernement canadien 

La question du partage de compétences (Chapitre 2.) entre les provinces, spécifiquement celle de Québec, et le gouvernement fédéral a son importance dans l’analyse de l’effectivité de la participation du public. En effet, différents publics interviennent dans les différents processus liés aux pipelines interprovinciaux. Le public qui participe dans le cadre de la procédure québécoise d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement soulève des préoccupations qui ne peuvent, légitimement, être ignorées par les autorités publiques fédérales. Cependant, la question de la portée des préoccupations provinciales est intimement liée à celle des compétences respectives des provinces et du gouvernement fédéral. Car, jusqu’à quel point la constitution canadienne et les tribunaux fédéraux permettent aux Québécois d’être préoccupés ? Déterminer le poids des considérations provinciales dans le processus fédéral d’autorisation des projets de pipelines interprovinciaux permet par la même occasion d’évaluer la somme des préoccupations des Québécois qui peut être prise en compte par les autorités fédérales (Chapitre 3.).

De plus, la question du partage des compétences pose une autre question, celle de connaître l’issue d’une opposition entre le Québec, s’il s’opposait à un projet de pipeline, et le Canada, si celui venait à autoriser ledit projet. Cette question est particulièrement d’actualité dans le contexte de controverses actuel lié au projet Énergie Est (Chapitre 1.).

À noter que la constitution canadienne n’opère pas de distinction entre les compétences provinciales et municipales, puisqu’il appartient à la province de déléguer les compétences aux municipalités. Ainsi en traitant de la question du partage de compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, cela permet de traiter en même temps celle des compétences municipales. De plus, au Québec, les municipalités n’ont pas de rôle particulier à jouer dans l’autorisation des pipelines interprovinciaux et n’organisent pas participation du public sur ce sujet, il n’y a donc pas lieu de traiter de cet aspect dans ce mémoire.

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