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Au titre de l’article 22(1) de la LONÉ206, il est en principe possible d’interjeter appel de toutes les décisions et ordonnances de l’ONÉ. Mais la nature même des principes pousse à y développer des exceptions. En effet, l’article 22(4)207 précise que les rapports, ou parties de rapport, émis par l’ONÉ ne peuvent être assimilés à des décisions ou ordonnances au sens de l’article 22(1). La conséquence de ce défaut d’assimilation conduit à rendre impossible l’appel d’une recommandation de l’ONÉ contenue dans le rapport qu’il remet au gouverneur en conseil. Mais s’il est impossible d’en faire appel, il est a priori possible d’en demander une révision judiciaire. Cette possibilité découle d’une interprétation a

contrario de l’article 18.5 de la Loi sur les cours fédérales208 [LCF] qui prévoit l’impossibilité pour une décision ou une ordonnance « de faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention […] » dès lors qu’il est possible d’en faire appel. Il est donc possible d’en conclure que l’appel étant impossible pour la recommandation de l’ONÉ, il est alors loisible de la soumettre au contrôle judiciaire. Cependant, ce raisonnement209, tout pertinent qu’il soit, se heurte à deux difficultés a priori insurmontables. La première étant la nature même des recommandations, qui, comme cela a déjà été relevé, sont spécifiquement exclues de la catégorie des décisions et ordonnances de l’ONÉ. Elles ne peuvent donc, en principe, pas tomber sous l’application de l’article 18.5 de la LCF. De plus, comme cela a été relevé plus haut, les recommandations et rapports de l’ONÉ n’ont en principe pas de force légale, puisqu’il s’agit de décisions formelles, et ne peuvent donc être contestés en justice, quel que soit le recours choisi.

Toutefois cela n’a pas pour conséquence d’empêcher toute forme de recours. Il suffit de s’attaquer au « bon » acte. En effet, le seul acte susceptible d’être contesté puisque

206 LONÉ, supra note 65. 207 Ibid.

208 Lois sur les cours fédérales, LRC (1985), F-7, 1985 [LCF]., art. 18.5, 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art.

28.

209 Nigel Bankes, « Pipelines, l’Office national de l’énergie et la Cour fédéral » (2015) 3:2 Publ Trimest Sur

Règlem L’énergie, en ligne : Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie <http://www.energyregulationquarterly.ca/fr/case-comments/pipelines-the-national-energy-board-and-the- federal-court#sthash.UnOruG47.dpbs> (consulté le 17 janvier 2017).

83 détenteur de la force juridique requise est le décret du gouverneur en conseil imposant une ligne de conduite à l’ONÉ. Ainsi, l’article 28 de la LCF prévoit explicitement la possibilité d’un contrôle judiciaire des décrets du gouverneur en conseil :

28. (1) La Cour d’appel fédérale a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux suivants :

[…]

g) le gouverneur en conseil, quand il prend un décret en vertu du paragraphe 54(1) de la Loi sur l’Office national de l’énergie ;

[...]

(2) Les articles 18 à 18,5 s’appliquent, exception faite du paragraphe 18.4(2) et compte tenu des adaptations de circonstance, à la Cour d’appel fédérale comme si elle y était mentionnée lorsqu’elle est saisie en vertu du paragraphe (1) d’une demande de contrôle judiciaire.

(3) La Cour fédérale ne peut être saisie des questions qui relèvent de la Cour d’appel fédérale.

Le contrôle judiciaire est opéré par la Cour d’appel fédérale. L’appel est en soi exclu, car le décret du gouverneur est assimilé à une décision de l’ONÉ qui tombe sous le joug de l’article 22(1) de la LONÉ. Il s’agit cependant d’un vrai recours contre les décisions de l’ONÉ dans la mesure où l’annulation éventuelle d’un décret du gouverneur en conseil, puisqu’il conditionne l’existence de la décision de l’ONÉ, entraine l’annulation subséquente de la décision d’octroyer un certificat210. Néanmoins, la route vers une contestation fructueuse d’un décret du gouverneur en conseil reste ardue et sinueuse, car la compétence discrétionnaire entourant l’émission du décret impose que le contrôle s’effectue en vertu du caractère raisonnable de ces actes. Pour rappel, un contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne permet à la Cour qui en est saisie de se prononcer sur le bien-fondé d’une décision et ne lui permet certainement pas de substituer son analyse à celle de l’autorité publique. Elle doit, toute déférence et retenue requises, déterminer si la décision détient les attributs de la raison. Or, « la norme de la décision raisonnable procède du principe que pour être raisonnable une décision doit appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit211 » et dans le cas d’un décret du gouverneur en conseil pris en vertu de l’article 52212 de la LONÉ « la décision […]

210 Gitxaala Nation v Canada, supra note 198., para. [127]. 211 Ibid., para. [146].

84 repose sur le fondement le plus large possible, un fondement qui peut comprendre les considérations d’intérêt public les plus larges possible213 ». Ainsi le contrôle du caractère raisonnable du décret sur un critère aussi vaste que l’intérêt du public peut s’avérer très ardu, car à moins que le décret soit manifestement contraire à l’intérêt dudit public, ce qui relève davantage d’un cas d’école, la qualification de cet intérêt demeure du domaine de l’interprétation. De plus, cette interprétation se fonde sur des critères aussi variés que la santé, le bien-être, l’économie, la protection de l’environnement, etc. Parvenir à démontrer l’absence d’intérêt pour le public se révèlera être un véritable exercice de style.

Titre 5. Analyse des conditions juridiques de l’effectivité de la participation du public