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Combler les lacunes des processus onésiens, vers une participation plus active du

Section 3. Processus d’autorisation québécois c autorisation fédérale : quels constats ?

A. Combler les lacunes des processus onésiens, vers une participation plus active du

Sans nécessairement reprendre point par point les différentes composantes du processus de participation du public devant l’ONÉ, mettre l’accent sur les lacunes majeures observées durant l’analyse s’avère nécessaire afin de pouvoir ensuite proposer des « remèdes ». Ainsi, les principales critiques du processus onésien relèvent des conditions de sélection des participants particulièrement restrictives, du peu de transparence qui les entoure et de la difficulté de contester un refus opposé à une demande. Outre cet aspect, le fait que le contenu de la participation soit limité de façon totalement discrétionnaire par l’ONÉ présente une autre difficulté. Enfin et toujours en vertu de la compétence discrétionnaire, celle du gouvernement cette fois-ci, le fait que la décision définitive d’autoriser un projet n’implique aucune obligation de motivation et qu’il soit très difficile d’en obtenir un contrôle judiciaire effectif pose une difficulté supplémentaire.

Dans le cas d’une participation du public à une échelle aussi vaste que celle du Canada et impliquant des participants aussi nombreux, le simple fait d’imposer des mécanismes de sélection afin de limiter l’audience n’est pas critiquable. Cela répond en effet à un besoin d’efficacité et d’efficience qui à défaut d’y être répondu engendrerait des processus d’examen des pipelines interprovinciaux longs et coûteux. Cependant, dans un tel cas il est nécessaire d’opérer un balancement entre la volonté altruiste et peu opératoire d’entendre

134 tout le monde et le faire d’imposer des mécanismes de sélection trop restrictifs, complexes et peu susceptibles d’être contestés.

Ainsi, en simplifiant le formulaire de demande de participation qui, rappelons-le, se compose d’une quinzaine de pages et en sélectionnant les participants sur une base moins exclusive, cela permettrait de faciliter les démarches. À l’image du Québec envisager une sélection qui impose de justifier son intérêt à participer, afin de limiter l’audience, demeure pertinent, mais sans toutefois imposer la soumission d’un formulaire aussi long et complexe à remplir. De plus, imposer à l’ONÉ de justifier un refus à l’appui d’une motivation pertinente permettrait aux participants écartés de mieux comprendre le fondement du refus. Ces deux aspects, sans pour autant avoir un impact significatif sur l’effectivité, permettraient déjà au processus de gagner en légitimité puisqu’il serait alors mieux compris par les participants, la transparence étant généralement l’allié de la légitimité.

De plus en offrant des garanties plus élevées de recours judiciaire effectif cela contribuerait à favoriser l’effectivité de la participation du public. À l’heure actuelle, la norme de contrôle utilisée pour les cas de refus de participation est celle de la décision correcte avec un degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’ONÉ ce qui signifie que les juges, eu égard à l’expertise de l’ONÉ dans son domaine et à son pouvoir discrétionnaire en matière de choix de procédure, se refusent à interroger le bien-fondé de la procédure de sélection. Or, la procédure de sélection est par nature procédurale. Ainsi la norme de contrôle plébiscitée par les juges revient en fin de compte à refuser de contrôler une demande de refus de participation de l’ONÉ. Pourtant la jurisprudence établit de manière systématique quelle norme s’applique à quel type de contrôle et les revirements jurisprudentiels ne sont pas si courant (la norme de contrôle actuelle est en vigueur depuis 2008), la clef ne doit pas être trouvée ici, mais davantage dans la nature de l’acte que les juges contrôlent. En obligeant l’ONÉ à motiver les refus de participation, les cours de justice auraient une possibilité supplémentaire à interroger le fond de la décision et non seulement sa forme.

135 Toujours dans un but d’efficience, la limitation du champ et du contenu de la participation à l’aide d’une liste de questions guidant les points à aborder durant l’audience est tout à fait pertinente et justifiable. En revanche, les conditions de l’élaboration de la liste de questions sont, quant à elle, questionnables. L’ONÉ bénéficie en effet d’une pleine discrétion à cet égard et bien qu’il recueille l’avis du public à l’aide d’un sondage, il n’a aucune obligation d’en tenir compte. De plus, un sondage n’offre pas la liberté d’expression d’une discussion ouverte et parfois offre seulement la possibilité de choisir parmi deux options peu désirées, la moins dommageable. De plus, toujours dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’ONÉ peut décider d’écarter certains points du débat s’il estime que ceux-ci ne sont pas d’intérêt public, intérêt public, rappelons-le, dont il définit lui-même les contours. Ainsi, conserver une liste de questions en litige afin de clarifier le débat et d’alléger le processus d’audience est une bonne option à condition que les bornes de la participation soient définies avec la collaboration du public au début de l’audience plutôt qu’avant.

Les mécanismes visant à faire gagner l’audience en efficacité sont pertinents dans leur forme, mais pas dans leur mise en œuvre puisqu’ils excluent le public de leur réalisation. En permettant au public de définir, en coopération avec l’ONÉ, les outils de l’audience, cela permettrait au processus de gagner en effectivité tout en continuant de garantir son efficience. Les mécanismes d’audiences seraient alors perçus comme légitimes et leur qualité s’en trouverait grandie par l’ajout de perspectives variées à leur délimitation.

En dernier lieu, lors de l’autorisation définitive des projets par le gouverneur en conseil l’ajout d’une dose supplémentaire de transparence et de motivation semble indispensable. Sans pour autant exiger que le gouvernement soit dépossédé de son pouvoir de décision définitif, rendre obligatoire une prise de décision qui tiendrait compte des résultats de l’audience serait un premier pas vers plus d’effectivité. Ainsi, tout en conservant le « dernier mot » le gouverneur en conseil devrait toutefois justifier sa position auprès du public, lui permettant de comprendre et d’analyser le choix effectué. De plus, à l’appui d’une motivation adéquate, les cours de justice bénéficieraient d’une prise supplémentaire dans le contrôle des décisions puisqu’elles pourraient alors évaluer si celle-ci a raisonnablement pris en compte les préoccupations du public.

136 En somme, ce qui ressort de cette analyse est que ce qui manque le plus cruellement au processus de participation du public devant l’ONÉ est… une dose supplémentaire de participation du public. Telle que conçue actuellement, la participation du public vient uniquement se plaquer sur des mécanismes rigides, développés sans l’aide du public et dont le résultat ne fait pas non plus intervenir le public. Dans cet état de fait, le public sert uniquement à aider les autorités publiques à prendre, de manière peu substantielle, une décision sur un projet. Les controverses générées par le peu de garanties offertes par les mécanismes de participation actuellement mis en œuvre et par les décisions concernant certains projets qui ignorent en grande partie les inquiétudes du public prouvent que ce régime ne convient plus aux Canadiens. Peut-être est-il temps d’envisager une participation du public qui impliquerait davantage le public dans le processus décisionnel et qui serait davantage en accord avec la conception qu’en donnent les textes internationaux en la matière.