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Contexte de la participation du public devant l’Office national de l’énergie

La création d’un Office national de l’énergie fut proposée en 1959 à la suite du rapport rendu par la commission royale d’enquête sur l’énergie aussi connue sous le nom de commission Diefenbaker63. Il était alors question de l’opportunité de créer un organisme chargé de réglementer les aspects du secteur énergétique fédéral. Le rôle de l’ONÉ était, à l’origine, essentiellement économique et devait permettre d’étudier la pertinence des nombreux projets énergétiques qui procurèrent par la suite un bel essor économique au

63 ONÉ national de l’énergie Gouvernement du Canada, « ONÉ - Notre contexte » (5 janvier 2015), en ligne :

32 Canada64. Le fonctionnement de l’ONÉ est depuis régi par la Loi sur l’Office national de

l’énergie65 (LONÉ). Le mandat originel de l’ONÉ fut rapidement amené à évoluer au fil des transformations que connut la société. Les préoccupations d’ordre environnemental et social firent alors leur apparition, forçant l’ONÉ à élargir son champ d’investigation lors de l’examen des projets de pipelines. La naissance du droit de l’environnement et les nombreuses prises de position internationales, suite, notamment, au rapport Brundtland66,

mais surtout suite à la Déclaration de Rio, eurent un impact significatif sur l’élargissement de son mandat, qui ne put plus, dès lors, limiter son examen aux seules considérations économiques.

Pour cause, les décisions de l’ONÉ sont prises en considération de l’intérêt général des Canadiens et cette notion a évolué au même rythme que notre société. Ainsi, l’intérêt général recouvre aujourd’hui une définition plus large que le simple profit économique et englobe les considérations environnementales et sociales. À cette fin, l’ONÉ a dû accorder un intérêt accru à la voix des Canadiens en leur offrant une tribune depuis laquelle ils pouvaient s’exprimer. À ce titre, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 199267 prévoyait déjà des mécanismes propres à mettre en œuvre la participation du public.

Cependant, la nouvelle Loi sur l’évaluation environnementale de 2012 (LCÉE 2012)68 a mis à mal ce principe reconnu internationalement et est à l’origine de nombreux débats sur l’effectivité des mécanismes de consultation et de participation du public actuellement mis en œuvre comme en témoigne l’annonce d’une réforme intérimaire69 de la loi mise en place par le gouvernement libéral élu l’année passée. Cette réforme prévoit notamment des

64 Earle Gray et Canada, Quarante ans dans l’intérêt du public : histoire de l’Office national de l’énergie,

Vancouver, Douglas & McIntyre, 2000.

65 Loi sur l’office national de l’énergie, LRC 1985, c N-7.

66 Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre Avenir à Tous (Rapport

Brundtland), Les éditions du Fleuve et les Éditions du Québec, Montréal, 1988.

67 Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, LC 1992, c 37, art. 18(3) et suivant. 68Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), LC 2012, c 19, art 52.

69 Ressources naturelles Canada Gouvernement du Canada, « Centre des nouvelles du Canada - Le

gouvernement du Canada agit pour restaurer la confiance dans les évaluations environnementales », en ligne : < https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/evaluation/examens-

33 mesures provisoires pour l’examen des projets de pipelines70. La procédure d’examen des projets de pipelines interprovinciaux souffre d’un manque de confiance auprès du public ce qui contribue à accentuer les tensions. Sous l’égide de la loi budgétaire dite « mammouth » (projet de loi C-38) qui a conduit à l’adoption de la LCÉE 2012, le gouvernement conservateur avait limité les pouvoirs de l’Office, restreint la prise en compte des espèces en péril dont la protection des habitats devait être prioritaire durant l’examen des projets et réduit le champ des consultations publiques afin d’accélérer les processus d’évaluation. De plus, les récents développements ayant conduit à la récusation des trois commissaires de l’ONÉ71 en charge de la procédure d’autorisation du pipeline Énergie Est suite à des accusations de collusion72 mettent un peu plus en lumière les doutes planant autour du processus. Ces récusations sont en effet intervenues suite à des manifestations d’origine citoyenne ayant empêché la poursuite des audiences. En conséquence, un comité de modernisation de l’ONÉ73 a été mandaté afin de réfléchir aux écueils actuels et de proposer des solutions pour les résoudre.

Dans le but de renforcer la légitimité des projets controversés et de gagner en crédibilité, la réforme intérimaire vise donc à combler le plus rapidement possible les lacunes majeures du régime juridique actuel tandis qu’une réforme de fond est attendue dans les années à venir. Néanmoins, les modifications proposées, bien que non substantielles, sont toutefois suffisantes pour permettre aux projets controversés de gagner en crédibilité. La réforme prévoit de renforcer les mesures d’évaluation de certains projets de pipelines et une participation accrue du public et des peuples autochtones. Le gouvernement se refusait

70 Ressources naturelles Canada Gouvernement du Canada, « Centre des nouvelles du Canada - Mesures

provisoires pour l’examen des projets de pipelines » (27 janvier 2017)., Notamment les projets Énergie Est et Trans Mountain, pour plus d’informations voir le document d’information publié par le gouvernement du Canada.

71 Office national de l’énergie Gouvernement du Canada, « Centre des nouvelles du Canada - Récusation des

membres du comité d’audience pour le projet Énergie Est »; Dominique Neuman, Demande de récusation des

membres du comité d’audience, demande de retrait du dossier du président et de la vice-présidente de l’Office et de certains membres du personnel et d’autres ordonnances connexes, logées par Stratégies Énergétiques (S.É.) et l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)., août

2016.

72 Zone Économie- ICIRadio-Canadaca, « Énergie Est : série de récusations à l’Office national de l’énergie »,

Radio-Canada.ca (9 septembre 2016).

73 Service Canada et Service Canada, « Moderniser l’Office national de l’énergie » (17 juin 2016), en ligne :

Aem <https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/evaluation/examens- environnementaux/moderniser-office-national-energie.html> (consulté le 10 avril 2017).

34 initialement à suspendre les processus d’évaluation en cours, ceux qui posent actuellement le plus de problèmes, et d’exiger des promoteurs qu’ils déposent une nouvelle demande d’autorisation. Cela risquait en effet de ne pas être équitable. L’ONÉ s’est d’ailleurs prononcé sur ce sujet dans l’ordonnance d’audience74 ayant conduit à la récusation des commissaires chargés de l’audience du projet Énergie Est, voici ce qu’il en dit :

Des commentaires ont été faits à l’effet que l’ONÉ devrait cesser l’examen des demandes jusqu’à ce que sa modernisation entre en vigueur dans le contexte de l’adoption d’une nouvelle loi. Lorsqu’une demande est présentée à l’Office, celui-ci doit la traiter le plus rapidement possible, tout en évitant d’être inéquitable et en respectant les délais prévus dans la Loi sur l’Office national de l’énergie. L’ONÉ ne peut pas suspendre ses travaux dans l’attente de modifications législatives qui pourraient ou non survenir à une date ultérieure. Si, un jour, de telles modifications devaient être apportées, l’ONÉ en assurerait alors la mise en œuvre.75

En faisant référence à la notion de traitement équitable, l’ONÉ met en exergue la nécessité d’offrir aux promoteurs les mêmes conditions qu’à n’importe qui d’autre. En effet, à défaut d’un tel traitement, des coûts substantiels liés au retard dans la planification et la réalisation en découleraient pour les promoteurs. Cela pourrait avoir pour conséquence de décourager les investissements futurs et d’impacter, dans le pire des scénarios, l’économie canadienne. C’est pour cette raison que la décision du comité d’audience nouvellement désigné d’annuler l’ensemble des décisions prises par le précédent comité et de reprendre l’examen du projet76 a été accueilli avec surprise. Cependant, le comité a précisé que les demandeurs n’auraient pas besoin de déposer une nouvelle demande de certificat, la première demande étant toujours valide. L’équité est ainsi sauvegardée.

Actuellement, le régime d’autorisation des pipelines interprovinciaux fonctionne sous l’égide de la LCÉE 2012 augmentée de la réforme intérimaire. Ainsi tout nouveau projet de pipeline de plus de 40 kilomètres nécessite l’obtention d’un certificat d’utilité publique77 afin de pouvoir être construit. Ce certificat est délivré à l’issue du processus d’audience devant l’ONÉ qui doit permettre de déterminer si les avantages du projet compensent suffisamment ses inconvénients et s’il est dans l’intérêt des Canadiens de le construire.

74 Supra note 71. 75 Ibid. paragraphe 4.

76 Office national de l’énergie Gouvernement du Canada, « Centre des nouvelles du Canada - L’audience

relative au projet Énergie Est reprend depuis le début ».

35 L’ONÉ est chargé d’émettre une recommandation à l’attention du gouvernement sur la pertinence de délivrer un tel certificat. C’est sur la base de cette recommandation que le gouverneur en conseil enjoint, ou non, l’ONÉ de délivrer le certificat. Tous les pipelines terrestres de plus de quarante kilomètres étant considérés comme des projets désignés, la LCÉE78 impose qu’ils soient soumis à une évaluation environnementale. La LCÉE impose au surplus que l’autorité chargée de l’évaluation des projets désignés offre au public la possibilité de participer à l’évaluation :

24. […] L’autorité responsable [L’ONÉ] veille à ce que le public ait la possibilité de participer à l’évaluation environnementale d’un projet désigné79.

Cette obligation est aussi présente dans la LONÉ et impose la tenue d’audiences publiques dans le cas de la délivrance d’un certificat d’utilité publique :

24. (1) Sous réserve du paragraphe (2), doivent faire l’objet d’audiences publiques les cas de délivrance, d’annulation ou de suspension de certificats ainsi que les demandes de cessation d’exploitation d’un pipeline.

(2) […]

(3) L’Office peut, s’il l’estime utile, tenir une audience publique sur toute autre question80 ».

Ainsi, on constate que la participation du public est une double obligation, présente dans deux lois fédérales différentes. Les audiences organisées par l’ONÉ visent à permettre au public de s’informer, d’exprimer son point de vue et d’obtenir des réponses aux questions qu’il se pose. La compilation des renseignements obtenus lors des audiences doit en principe permettre à l’ONÉ de fournir une recommandation « transparente, juste et objective81 » qui tient compte des préoccupations exprimées par le public.

Lorsqu’un projet de pipeline a fait l’objet d’un dépôt en vue d’obtenir un certificat d’utilité publique, l’ONÉ édite une ordonnance d’audience qui fixe les modalités de l’audience82. L’ordonnance indique le calendrier des différentes étapes du processus d’audience, la façon

78 LCÉE 2012, supra note 68., art. 13. 79 Ibid.

80 LONÉ, supra note 65.

81 Office National de l’Énergie, Guide sur le processus d’audience, 2013, p. 2. 82 Ibid., p. 5.

36 dont le public peut participer et les modes de présentation (oraux ou écrits)83. C’est l’édiction de l’ordonnance d’audience qui enclenche le processus84.

Titre 2. Le public devant l’ONÉ : n’est pas « public » qui veut

Les audiences de l’ONÉ ne sont pas ouvertes à tous et il faut être en mesure de justifier son implication pour pouvoir y participer (Chapitre 1.), lorsque la demande de participation est refusée, un recours est possible, mais celui-ci est très encadré (Chapitre 2.) Cependant l’ONÉ prévoit une aide financière à l’attention des participants afin de faciliter leur implication (Chapitre 3).