• Aucun résultat trouvé

Il n’existe pas réellement d’exigence sur le moment où une consultation doit débuter. Dès lors que la Couronne a identifié une conduite susceptible d’avoir des effets préjudiciables sur un ou plusieurs droits d’une Première Nation, l’obligation de consultation s’enclenche. Ceci dit, l’étape de préconsultation permet déjà de faire participer les groupes autochtones dans la mesure où la Couronne est très fortement invitée à discuter des modalités de la consultation avec eux afin d’identifier les droits et les effets préjudiciables potentiels qui pourraient les impacter. Ainsi faisant, la consultation représente davantage un processus au long court, parallèle au processus principal d’autorisation dans lequel la Couronne et les groupes autochtones concernés discutent d’un projet afin d’analyser ses effets et les alternatives à celui-ci, ses conditions de réalisation et les indemnités éventuelles. S’il n’existe pas non plus d’exigence relative à la durée et la forme de la consultation puisque ces données sont établies au cas par cas, les cours de justice se réservent le droit de critiquer celles-ci quand elles paraissent déraisonnables. Dans l’affaire Nation Gitxaala233 la Cour

d’appel fédérale a estimé que les délais impartis pour la consultation, soit le délai pour rencontrer les Premières Nations concernées et le délai dont elles disposaient pour faire part de leurs préoccupations, ainsi que le format de réponse autorisé ont façonné un processus de consultation « bien en deçà des normes minimales prescrites par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada234 ».

Le gouvernement incite dans les lignes directrices à uniformiser, autant que faire se peut, les mécanismes de consultation, au détriment d’une approche au cas par cas, afin de systématiser l’approche de la Couronne et de faciliter le processus. Cependant, la Couronne doit tenir compte des exigences légales ou contractuelles, définitives ou transitoires qui existent déjà et qui prévoient des approches spécifiques selon la région ou le groupe autochtone concerné. En effet, de nombreux traités reconnaissant des droits à des groupes autochtones prévoient aussi des obligations de consultations et d’accommodements

233 Gitxaala Nation v Canada, supra note 198. 234 Ibid., au para 244.

100 spécifiques. Souvent, ces accords, ententes ou cadres de référence235prévoient des consultations tripartites avec la nation autochtone concernée, la province et le gouvernement fédéral. Ainsi, même si la consultation existe en droit indépendamment de traités ou ententes, la forme de celle-ci peut varier selon les dispositions qui ont été prises à son égard. Les ententes ou traités sont souvent élaborés afin de garantir qu’une consultation sera tenue sur certains projets ou territoires spécifiques et peuvent ne contenir aucune condition de déroulement particulière. Que ces conditions soient écrites ou non, la Couronne peut rencontrer les groupes autochtones concernés et élaborer avec eux le calendrier et l’organisation générale de la consultation.

L’ampleur des consultations devant être mises en œuvre est conditionnée par la gravité des effets potentiels, plus les effets risquent d’être importants plus les consultations seront ambitieuses, mais elle est aussi conditionnée par la solidité de la revendication envers les droits pouvant être violés. En somme et schématiquement, une revendication sur un droit faible allié à des effets potentiels peu importants favorisera une consultation a minima comprenant des avis, l’accès à de l’information pertinente et une discussion pour répondre aux questions, mais sans nécessairement rechercher des alternatives au projet. À l’inverse, une revendication forte liée à des effets préjudiciables graves débouchera sur un programme plus ambitieux impliquant diverses études et recherches, des visites du site et une correspondance accrue, mais aussi l’élaboration de mesures d’atténuation, la possibilité de modifier le projet ou d’obtenir un dédommagement financier voire, le rejet du projet.

C’est à la Couronne d’évaluer, avant la fin du processus réglementaire, si elle s’est correctement acquittée de son obligation. À défaut, elle doit résumer les questions non réglées et les reporter au stade de l’approbation réglementaire afin d’y apporter une solution. À noter que les jurisprudences faisant état du défaut de la Couronne (fédérale ou provinciale) de s’être acquitté pleinement et honorablement de son obligation de

235 Gouvernement du Canada; Affaires autochtones et du Nord Canada; Communications, « Cadre de

référence relatif au processus de consultation entre les Mi’kmaq, la Nouvelle-Écosse et le Canada » (31 août 2010); Gouvernement du Canada; Affaires autochtones et du Nord Canada; Communications, « Entente relative au processus de consultation sur les mesures provisoires » (6 août 2009).

101 consultation démontrent que des progrès peuvent encore être faits dans cet exercice d’auto- évaluation.

L’obligation de consultation ne découle en principe sur des accommodements que si ceux- ci, à l’issue de la phase consultation, apparaissent nécessaires. En définitive, la consultation des groupes autochtones doit permettre de recenser, le cas échéant, les accommodements à mettre en place afin de respecter les droits des communautés concernées. Si ces accommodements se traduisent souvent par l’ajout de conditions de réalisation à un projet afin d’atténuer voire de supprimer les effets préjudiciables, cela est parfois impossible et passe alors par une indemnisation. L’indemnité peut prendre plusieurs formes et peut consister dans le remplacement d’un habitat, l’octroi de formations ou d’emplois aux membres de la communauté concernée, l’échange de terrain ou, en dernier lieu, une compensation financière.

Cependant, dans certains cas, si un projet génère beaucoup trop d’effets préjudiciables et qu’il est difficile, voire impossible, de les atténuer, la recherche d’un terrain d’entente entre la Couronne, les groupes autochtones et les promoteurs peut passer par l’abandon du projet, ou à tout le moins, sa relocalisation. Il faut garder à l’esprit que les accommodements ne sont pas systématiques et qu’ils doivent être négociés entre les groupes autochtones et la Couronne à l’appui de l’expertise du promoteur, dans le cas des projets développés par des tiers. Ainsi, l’obligation de consultation ne présente pas réellement de garantie et cela représente un facteur qui joue sur son effectivité.

102

Titre 4. Conditions juridiques de l’effectivité de la consultation ; une « consultation