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3. Synthèse et discussion

1.4 Mise en commun des résultats de l’évaluation de la sensibilité interculturelle

Pour juger globalement de l’évaluation de la sensibilité interculturelle des éducateurs sociaux, il est indispensable de porter un regard d’ensemble sur les résultats quantitatifs et qualitatifs présentés précédemment.

1.4.1 Vue d’ensemble des résultatsquantitatifs et qualitatifs

Le Tableau 24 constitue une vue d’ensemble de l’évaluation de la sensibilité interculturelle des éducateurs sociaux à partir de l’IDI et des entretiens.

Tableau 24 : Vue d’ensemble de l’évaluation de la sensibilité interculturelle (N = 24)

Degré de sensibilité interculturelle

Personne 1ère évaluation : IDI 2ème évaluation : entretien Delta

ES1 Polarisation Minimisation ≠

ES2 Polarisation Polarisation/Minimisation ≈

ES3 Minimisation Minimisation =

ES4 Minimisation Polarisation/Minimisation ≈ ES5 Minimisation Polarisation/Minimisation ≈ ES6 Minimisation Acceptation/Adaptation ≠

ES7 Minimisation Acceptation ≠

ES8 Minimisation Minimisation =

ES9 Minimisation Acceptation ≠

ES10 Minimisation Minimisation =

ES11 Minimisation Acceptation ≠

ES12 Minimisation Minimisation =

Degré de sensibilité interculturelle

Personne 1ère évaluation : IDI 2ème évaluation : entretien Delta ES14 Minimisation Minimisation/Acceptation ≈

ES15 Minimisation Minimisation =

ES16 Acceptation Minimisation ≠

ES17 Acceptation Acceptation =

ES18 Acceptation Acceptation =

ES19 Acceptation Adaptation ≠

ES20 Acceptation Acceptation =

ES21 Adaptation Minimisation ≠

ES22 Adaptation Minimisation/Acceptation ≠ ES23 Adaptation Minimisation/Acceptation ≠ ES24 Adaptation Acceptation/Adaptation ≈

Note. Le tableau est ordonné par ordre croissant de sensibilité développementale (SD). La comparaison entre

l’évaluation de la sensibilité interculturelle issue de l’IDI et celle réalisée à partir des entretiens doit être interprétée de la manière suivante : = indique une évaluation égale, ≈ indique une évaluation proche et ≠ indique une évaluation discordante.

Le croisement des résultats quantitatifs et qualitatifs pour les 24 éducateurs sociaux fait ressortir une convergence (du moins partielle) du degré de sensibilité interculturelle chez 14 d’entre eux. En effet, une parfaite correspondance apparait pour 8 participants (5 au stade de minimisation et 3 au stade d’acceptation), alors que le degré de cohérence est très proche pour 6 d’entre eux (polarisation versus polarisation/minimisation, minimisation versus polarisation/ minimisation, minimisation versus minimisation/acceptation, adaptation versus acceptation/ adaptation).

Par contre, les analyses qualitatives montrent une attitude plus ethnocentrique chez 4 éducateurs sociaux (minimisation versus acceptation, minimisation versus adaptation, minimisation /acceptation versus adaptation) et plus ethnorelativiste chez 6 d’entre eux (minimisation versus polarisation, acceptation versus minimisation, acceptation/adaptation versus minimisation), comparativement aux profils interculturels de l’IDI.

On peut donc constater qu’il existe une certaine cohérence entre les résultats de l’IDI et les perceptions et expériences vécues par les éducateurs sociaux dans l’accompagnement des usagers aux références culturelles diverses. En effet, mise à part 1 éducateur social qui dans le cadre de son travail affiche des perceptions, attitudes et pratiques d’intervention beaucoup plus ethnorelativistes que leurs profils de sensibilité interculturelle, les autres participants se situent soit au même stade, soit à un stade ethnocentrique ou ethnorelatif antérieur ou postérieur, soit à plusieurs stades voisins au même moment.

1.4.2 Discussion des résultats quantitatifs et qualitatifs

Ces résultats soulèvent des questions méthodologiques liées à la temporalité de la récolte des données et au choix des outils ayant servi à rendre compte de la sensibilité interculturelle. Je vais en rendre compte ci-dessous et laisser le lecteur les évaluer et tirer ses propres conclusions. S’agissant de l’aspect temporel, l’IDI mesure la sensibilité interculturelle des éducateurs sociaux au moment de la passation du questionnaire en 2009, alors que les témoignages sur la perception de la différence culturelle et les pratiques d’intervention en contexte multiculturel ont été récoltés une année plus tard. Étant donné que le continuum des stades n’est pas statique, il se peut que la sensibilité interculturelle des participants soit restée stable ou, au contraire, ait progressé ou régressé selon les circonstances, les expériences vécues, les formations suivies ou le contexte professionnel et politique. La temporalité de la récolte des données est donc un aspect important dont il faudrait tenir compte dans une recherche ultérieure, notamment si l’on veut vérifier le degré de cohérence entre les résultats de l’IDI et le comportement réel des participants.

Concernant les instruments de récolte des données, l’IDI et l’entretien semi-directif pourraient ne pas étudier le même concept. D’une part, l’IDI évalue comment l’éducateur social, guidé et limité par ses schémas culturels, perçoit la différence culturelle, ce qu’il en pense et comment il y réagit. Cet outil dispose de 50 affirmations qui reflètent une variété d’opinions sur les différences culturelles « provenant de personnes de diverses cultures dans le monde » (Hammer & Bennett, 2002, p. 2) par rapport à des groupes culturels avec lesquels elles sont en contact et d’une échelle graduée de réponses allant d’en désaccord à en accord, en passant par des positions intermédiaires de plutôt en désaccord, d’autant en accord qu’en désaccord et de plutôt en accord. Pour chacune des affirmations, l’individu doit indiquer dans quelle mesure elle correspond à son opinion personnelle, en fonction des groupes culturels avec lesquels il développe le plus grand nombre de contacts et qu’il connait le mieux. Il se peut ainsi que l’éducateur social se trouve à des stades de sensibilité interculturelle différents en fonction des groupes culturels cible et de la sympathie qui leur est manifestée. Par contre, l’entretien aborde des réalités plus personnelles liées à l’expérience vécue par l’éducateur social dans son travail en contexte multiculturel. En effet, le guide d’entretien comporte une quinzaine de questions portant sur la perception et la gestion de la différence culturelle des usagers et des familles qu’il accompagne au quotidien. Ainsi, l’utilisation d’une approche méthodologique mixte peut être considérée comme un atout

pour l’évaluation de la sensibilité interculturelle : d’une part, l’IDI fait ressortir des orientations concernant la différence culturelle, d’autre part, l’entretien permet d’ancrer ces attitudes dans l’expérience réelle de la différence culturelle, notamment sur la manière de percevoir et de composer avec la différence culturelle dans le travail au quotidien. Deuxièmement, le biais de désirabilité sociale est doublement présent dans cette recherche. En effet, au-delà du fait qu’il semble inhérent à tout outil de récolte de données, le biais de désirabilité est d’autant plus fortement supposé si l’on considère le thème traité dans la recherche. Traditionnellement (missions et mandats confiés par la société) et dans l’imaginaire social, les éducateurs sociaux sont censés accompagner des personnes ayant des besoins particuliers, sans distinction de sexe, race, origine, religion, culture ou condition sociale. Mais quelle est la « bonne » manière de gérer la différence (culturelle) des usagers afin de répondre de manière adéquate aux défis de l’égalité de traitement et de la non-discrimination ? Troisièmement, se pose la question de la validité de la collecte, l’analyse et l’interprétation des résultats quantitatifs et qualitatifs. D’une part, l’Institut de la communication interculturelle analyse les données issues de l’IDI et créé les profils interculturels individuels par le biais du logiciel IDIXP 2-3 (Hammer, 2002). Il est ici important de souligner que les processus sous-jacents à ces opérations demeurent inconnus par volonté des propriétaires de l’instrument, ce qui rend difficile la vérification du bien-fondé du positionnement des éducateurs sociaux sur le continuum de sensibilité interculturelle. D’autre part, les témoignages des éducateurs sociaux ont été catégorisés et analysés par mes soins à la lumière des descriptifs des stades de sensibilité interculturelle (Bennett, 2011 ; Hammer, 2007). Il s’agissait ici de donner une signification aux discours des éducateurs sociaux sur leur perception et gestion de la différence culturelle dans leur pratique, de traduire leurs réponses, de faire des inférences, tout comme d’aller au-delà de leurs propos et modes de comportement pour déterminer à quel stade de sensibilité interculturelle ils se situaient au moment de l’entretien.

Bien que la cohérence entre les résultats de l’IDI et de l’entretien doive être interprétée avec prudence, on peut ainsi constater que la perception de la différence culturelle gagne à être examinée sous différents angles par l’emploi d’une approche méthodologique mixte. En effet, cette approche offre la possibilité d’étudier la façon des éducateurs sociaux, ayant une sensibilité aux différences culturelles plus ou moins développée, de gérer la diversité culturelle dans l’intervention auprès des usagers ainsi que dans les relations avec les familles.

2. La compréhension des usagers ou des collègues « d’une autre culture »