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La mise en œuvre des Accords de Paris : un tournant pour le retour de la paix et de la stabilité politique

C. ENTRE 1979 ET 1993 : LES BASES DE LA STABILITE POLITIQUE

2. La mise en œuvre des Accords de Paris : un tournant pour le retour de la paix et de la stabilité politique

a. 1991-1993 : Outils internationaux et choix cambodgiens

116. Les Accords de Paris ont pour but principal de ramener la paix et la démocratie au Cambodge en associant toutes les parties en conflit. Les objectifs sont de désarmer et cantonner les troupes des belligérants, de rapatrier les réfugiés de Thaïlande, de créer un environnement politique neutre et d’organiser des élections générales pour élire une assemblée constituante. Pour atteindre ces objectifs, les Nations Unies établissent un protectorat multinational sur le Cambodge, conduit par la Mission préparatoire des Nations Unies au Cambodge (MIPRENUC) de novembre 1991 à janvier 1992 puis par l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) de février 1992 à septembre 1993.

117. Le bilan de la mise en œuvre de ces Accords par l'ONU a été qualifié d'échec par de nombreux observateurs mais de « succès triomphal » par les Nations Unies, les milieux diplomatiques et certains journalistes.152 Échec, parce que les objectifs fixés n’ont pas été atteints malgré les moyens humains et matériels les plus importants de toutes les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Le retard avec lequel l’APRONUC s’est déployée a entamé sa crédibilité et a laissé le temps aux Khmers rouges de reprendre leur liberté par rapport aux engagements qu'ils avaient signés. Eu égard à la persistance d'une menace khmère rouge, l'État du Cambodge a alors refusé de désarmer ses troupes. Par ailleurs, le mandat de l'APRONUC est ambigu153 car il laisse place à une confusion entre deux types de mission très différents : maintenir une paix née d'un accord (peacekeeping) ou imposer cette paix (peacemaking)154. Cette ambiguïté a paralysé toute décision sur la question du désarmement. Sans compter les erreurs politiques et l’incapacité à prendre en compte les antécédents historiques, qui a permis à la Thaïlande de coopérer avec les Khmers rouges et d’exploiter les ressources naturelles en territoire cambodgien.

152 Le journaliste William SHAWCROSS déclarait que la mission de l'ONU au Cambodge était un "triomphe

international" alors que sa collègue, Elisabeth BECKER a qualifié l'opération de "modèle" - Raoul JENNAR, (2010), op. cit. p. 95.

153 L'échec du processus de démilitarisation s'explique par le fait que la mission n'était pas d’imposer les Accords

de Paris, mais de faciliter leur mise en œuvre par des parties consentantes.

118. Les contradictions n’ont pas manqué non plus concernant le fonctionnement d'une structure de réconciliation créée par les Accords de Paris – le Conseil National Suprême – qui inclut les quatre factions jusque-là hostiles entre elles – et dans le même temps, l’organisation d’une compétition électorale entre ces mêmes factions. Par ailleurs, la souveraineté du Cambodge formellement incarnée par le CNS, a été violée par la création, à l'initiative des cinq membres du Conseil de Sécurité de l'ONU, d'une structure ad hoc, le « Core Group »155, qui impose sa lecture des Accords.

119. Parallèlement, les effets collatéraux de l'intervention de l'ONU sont multiples, souvent inéluctables en même temps que peu maitrisés et ambivalents. Les dépenses de l'opération de l'APRONUC (plus de deux milliards de dollars américains156) ont des effets déstabilisateurs sur l'économie locale : l'écart vertigineux entre le revenu moyen par habitant (200 USD par an) et le per diem offert par l'ONU à ses officiers et fonctionnaires civils (entre 150 et 200 USD par jour) entraîne de l'inflation, une augmentation des salaires et des loyers, le détournement de la force de travail et des investissements dans la production des biens essentiels vers des activités du secteur tertiaire, offrant essentiellement des services aux étrangers vivant au Cambodge, le redémarrage de l'immobilier et l’enclenchement de la spéculation foncière et immobilière, la création de structures d'accueil hôtelières, la préparation de la réouverture d'Angkor au public, le commencement du travail de déminage157. La population mais aussi la prospérité de Phnom Penh augmente, tandis que l'économie rurale stagne, que les infrastructures du pays restent dans un état catastrophique et les services publics assistés. Très vite le Cambodge est rattrapé par le sida comme le reste du monde. Malgré l’ouverture rapide sur le monde, l’apparition de technologies de pointe, la multiplication des chaînes de télévision et des médias (fin 1993, il y a près de cent journaux158), l'APRONUC n'a pas réussi à améliorer de manière significative le respect des droits de la personne. La période de l'opération de maintien de la paix a été marquée par d'importantes violations des droits humains, parmi lesquelles le massacre par les Khmers

155 Ce "Core Group" est composé au départ des cinq ambassadeurs de ces pays. Il est élargi par la suite aux

représentants de six autres pays (Allemagne, Australie, Canada, Indonésie, Japon et d'autre pays), à l'exclusion du Viêtnam. Ce "Core Group" n'a aucun fondement légal et n'est prévu par aucune disposition des Accords de Paris. Mais il s'est imposé comme le véritable décideur politique pendant toute l'opération de l'ONU en se posant comme le gardien vigilant de la lettre de ces Accords. Les membres du Core Group se sont invités aux réunions du CNS. Ils ont imposé leur lecture des accords. – JENNAR Raoul (2010), op. cit. p. 111

156 Dont une partie dans des salaires élevés, ce qui en fait l'opération la plus coûteuse de l'histoire des Nations

Unies.

157 Dans un contexte où les conflits avec les Polpotistes continuant, les protagonistes continuaient également à

poser des mines.

158 79 titres en khmers, 6 en français, 6 en anglais, 2 en chinois et 1 en vietnamien (source : École Française

Rouges de résidents vietnamiens au Cambodge, le mauvais traitement de prisonniers. La sécurité est compromise par quelques centaines d'assassinats politiquement motivés qui ont augmenté dans les mois qui ont précédé les élections de mai 1993159.

120. Le rapatriement160 de plus de 372 000 réfugiés cambodgiens de Thaïlande est lui qualifié de succès. Selon des observateurs, le succès est à mettre au crédit de l'UNHCR161 et non pas à celui de l'APRONUC. Grâce au pragmatisme et à la flexibilité de l'UNHCR, tous les réfugiés furent rapatriés à temps pour pouvoir participer aux élections. Cependant la réintégration des rapatriés n'a pas été réalisée162. Autre succès mis au compte de l’APRONUC : « la question cambodgienne » peut être évacuée de la scène internationale, les bases de la stabilité politique et du multipartisme sont posées par le biais de l'adoption d'une nouvelle Constitution et des élections, enfin le processus de reconstruction et de redressement du pays163 a commencé malgré la poursuite de la guerre dans certaines zones.

121. Quoi qu'il en soit, l'opération de l'ONU au Cambodge n'est qu'un élément d'un processus plus long et complexe. Les Accords de Paris, conçus principalement par les cinq membres du Conseil de Sécurité164, se sont révélés dans la pratique des instruments occidentaux imposés au Cambodge prenant très peu en compte les spécificités du pays. Les dirigeants cambodgiens ont profité avec habileté et pragmatisme des lacunes et des failles de la mission de l'APRONUC pour imposer leurs choix.

122. Suite à une campagne massive d'inscription menée par les volontaires des Nations Unies et qui dure quatre mois, 4 764 430 électeurs sont enregistrés. Vingt partis sont en lice. Pendant les six semaines de campagne électorale, les candidats de tous les partis ont la possibilité de s'exprimer dans les multiples réunions publiques organisées par leur parti

159 ASIA WATCH, An Exchange on Human Rights and peace-keeping in Cambodia, New York, 23 September,

1993

160 L'article 19 de l'Accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge. 161 Haut-Commissariat de l'ONU pour les Réfugiés.

162 D'après le rapport du World Food Programme, publié en février 1994, deux ans et demi après leur retour au

pays, la réintégration en était encore à ses débuts. Un quart d'entre eux étaient réduits à la mendicité et sont contraints de commencer la deuxième migration. Parmi les squatters de Phnom Penh qui font régulièrement l'objet d'expulsion, on trouve en 1994, 25% des rapatriés. – Raoul JENNAR, (2010), op. cit. p. 106

163 Soutenu par la communauté internationale à travers le International Committee on Reconstruction of

Cambodia (ICORC) qui a été créé par la Conférence de Tokyo. Il a fallu attendre plus d'un an pour qu'il se réunisse pour la première fois, les 8 et 9 septembre 1993, à Paris. Sa deuxième réunion a eu lieu à Tokyo, les 10 et 11 mars 1994. Le rythme des réunions fournit une indication quant au niveau d'intérêt des acteurs internationaux.

164 Dans le cas du processus engagé au Cambodge, l'ONU a joué un rôle de conseiller technique tout au long des

négociations, elle n'assume pas la paternité du compromis, qui a été réalisé, pour l'essentiel, entre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Elle enregistre, puis l'entérine et enfin met en œuvre. Sa responsabilité se situe au niveau de sa capacité à remplir un rôle d'agent d'exécution.

respectif. Les électeurs ont connaissance des programmes et des candidats, en dépit de la violence politique et des intimidations. La Radio « UNTAC » se révèle le meilleur moyen de convaincre les électeurs que le secret de leur vote sera respecté. Une brèche fissure le monolithisme du système en place165. Les élections générales se déroulent pacifiquement en mai 1993 malgré le boycott et les menaces de représailles des Khmers Rouges. L’objectif de réapprendre aux Cambodgiens de tous horizons à vivre ensemble et à régler leurs différends par la compétition politique plutôt que par la guerre est en partie atteint. Alain FOREST compare ces élections à l’un de ces mouvements de retour aux origines si familiers au Cambodge166.

123. La participation de 89,56% du corps électoral, succès incontestable du scrutin, disqualifie les Polpotistes.167 Ce taux de participation, particulièrement élevé si on le compare avec celui de bien des démocraties occidentales, exprime la confiance de la population dans le scrutin et manifeste l'attente d'un système politique nouveau.

124. Les résultats définitifs des élections proclamés le 10 juin 1993, sont relativement serrés. Les candidats royalistes, portés par l'espoir réel que suscitait dans la population le retour de NORODOM Sihanouk, obtiennent 45.47% des voix (58 sièges sur 120), ceux du PPC de HUN Sen, 38,22 % (51 sièges). Loin derrière viennent les candidats du parti de SON Sann avec 3,81% des voix (10 sièges) et du parti MOLINAKA168 avec 1,37% des voix (1 siège). La majorité de Cambodgiens votent pour la première fois contre le gouvernement en place et rejettent courageusement le statu quo. Ils ont voté pour la paix.

125. Conséquence du système électoral proportionnel imposé par les Accords de Paris, aucun parti politique ne dispose de la majorité des deux tiers requise pour l'adoption de la Constitution. Le PPC, qui contrôle alors l'armée, la police et l'appareil d'État, refuse de reconnaître les résultats qui font de lui le deuxième parti. Il dénonce des « irrégularités

165 JENNAR Raoul, (2010), op. cit. p.104

166 Elles offrirent l'impression que le Cambodge était revenu à la veille des années 1960, la compétition

électorale mettant aux prises une série de nébuleuses : sihanoukiste (FUNCINPEC), dirigé depuis 1991 par le fils de Sihanouk, le prince NORODOM Ranariddh), communiste (sous le nom de Parti du Peuple Cambodgien, PPC, adopté en fin 1991 et reprenant ainsi l'appellation « Parti du Peuple », Procheachun, qui avait été celle du parti communiste jusqu'à sa dissolution par Sihanouk en 1962), ex-démocrate bouddhique, PLDB, en mai 1962). – FOREST Alain (2010), op. cit. p. 112

167 Les Khmers Rouges avaient appelé au boycott sous le prétexte qu'au moins la moitié des quatre millions sept

cent soixante-cinq mille électeurs étaient des Vietnamiens.

168 MOLINAKA (Mouvement de Libération nationale du Kampuchea), créé en août 1979, ce fut le premier

mouvement de quelque envergure unissant plusieurs centaine de groupuscules mis sur pied avant même l'effondrement du régime khmer rouge (le 7 janvier 1979) pour organiser la résistance aux dirigeants du Kampuchea Démocratique. Absorbé, par la suite, en tant que groupement militaire au sein des forces sihanoukistes, ce mouvement s’est inscrit comme parti politique aux élections de 1993. Il a eu un élu. – JENNAR Raoul, Les clés du Cambodge, Maisonneuve et Larose, Paris, 1995, p. 314

massives » dont il affirme être victime et sur lesquelles il avait mis en garde dès le début de la campagne électorale. Plusieurs indices l’amènent à penser que l'objectif de plusieurs dirigeants de l'APRONUC était en fait d'écarter le PPC du pouvoir. Il reproche le manque de neutralité de l'APRONUC et en particulier, de la Radio UNTAC. Il dénonce des manipulations de la loi électorale modifiée sans consultation du CNS.

126. La crise postélectorale169 engendre la menace d'une nouvelle guerre civile. Afin de résoudre cette crise, le prince NORODOM Sihanouk formule des propositions successives mais se heurte à une forte opposition des États-Unis et à une vive hostilité de l'APRONUC. Présidant le CNS, il réussit à imposer l'idée, suggérée par le PPC, d'un gouvernement provisoire de coalition. D'après ROS Chantrabot, la volonté du prince NORODOM Sihanouk, de se soustraire au contrôle de l'APRONUC remonte au lendemain de la signature des Accords de Paris, surtout après son retour au Cambodge, le 14 novembre 1991. Durant la période de l'APRONUC, il passe la majorité de son temps à Pékin, en retrait. Il déclare qu'il lui est possible de ramener la paix au Cambodge, sans avoir besoin d'interventions étrangères ou de la communauté internationale. À l'époque, d’après certains observateurs, il mène une autre politique, personnelle, parallèle et opposée à celle de l'APRONUC. Soit ses manœuvres visent à dégager le Cambodge de la tutelle onusienne, pour qu'il puisse enfin le récupérer sous sa coupe. Ainsi, les Khmers Rouges, l'État du Cambodge et les autres seraient obligés de l'accepter comme seul et unique chef. Soit, il cherche à récupérer tous les pouvoirs perdus durant les deux dernières décennies de guerre. En s'alliant avec le PPC, avec le soutien inconditionnel du FUNCINPEC, il se croit maître de la situation et en mesure de se retourner contre les Khmers Rouges et le FUNLPK. Dans cette perspective, l'APRONUC barre le chemin de sa reconquête du pouvoir170.

127. Sans attendre la date du 15 juin et la reconnaissance des résultats officiels des élections par l’APRONUC, l'Assemblée constituante s’installe le 14 juin 1993. Elle vote à l'unanimité une résolution171 annulant le vote du 18 mars 1970 et rétablit NORODOM Sihanouk dans ses prérogatives de chef de l'État172. Cette résolution, d'abord jugée sans base

169 Nous développerons plus en détail cette crise dans la Première partie, Titre 2, section 1. 170 ROS Chantrabot, (2000), op. cit. p. 73

171 Extrait : "1. Rendre justice à notre Samdech Euv Vénéré, en déclarant nul et non avenu le coup d'État du 18

mars 1970 (…) et de reconnaitre toujours notre Samdech Euv Vénéré comme chef de l'Etat légal du Cambodge depuis début 1970 sans interruption ; 2. Remettre à notre Samdech Euv Vénéré les pleins pouvoirs et tous les pouvoirs spéciaux inhérents à sa qualité et à ses fonctions de chef de l'État (...)". – ROS Chantrabot, (2000) op. cit. p. 77

172 D'après ROS Chantrabot, par le biais de cette résolution, on peut déduire que tous les membres de

légale, est finalement entérinée, en même temps que le résultat des élections, par le Conseil de Sécurité de l'ONU.

128. Ce fait accompli relègue l'APRONUC au second plan, le prince NORODOM Sihanouk a la liberté d'agir pour aller de l'avant. Dans la foulée, il nomme, le 16 juin 1993, son fils, le prince NORODOM Ranariddh, président du FUNCINPEC et HUN Sen, co- présidents du Gouvernement National Provisoire du Cambodge (GNPC) et les charge de le former. Dix jours plus tard, un accord intervient entre les deux dirigeants sur la composition du gouvernement et son « programme d'actions ». Le GNPC et son programme d'actions pour les trois mois à venir sont validés par le vote de confiance de l'Assemblée constituante, le 1er juillet 1993.

129. Le vote de la résolution du 14 juin et l'investiture du GNPC du 1er juillet constituent des défis majeurs pour le Cambodge. Tout d'abord, contre la communauté internationale, laquelle a limité le rôle de l'Assemblée constituante à la rédaction d’une Constitution et n'a pas prévu une administration provisoire du pays durant la période entre la proclamation des résultats officiels du scrutin de mai 1993 et la promulgation de la Constitution. C'est ensuite un défi que les Cambodgiens s'imposent à eux-mêmes en réhabilitant, sans aucune base légale, un chef de l'État et en négociant la composition d'un gouvernement de coalition bicéphale dont font partie toutes les formations représentées à l'Assemblée constituante.

130. Ces options politiques « peu orthodoxes » qui sont alors décidées sont, selon ROS Chantrabot, en gestation depuis novembre 1991. Par exemple, en novembre 1991, quand les quatre factions cambodgiennes déclarent « officiellement et solennellement que le prince NORODOM Sihanouk a été le chef de l'État légitime et de plein droit depuis 1970 ».173

131. La Constitution est adoptée le 21 septembre 1993 à une très large majorité de 113 voix contre 5 et 2 abstentions174. Elle est promulguée, le 24 septembre 1993, par le prince

connaissance, elle ne pourrait pas, non plus, se permettre de juger et corriger l'histoire, en gommant des événements d'une période vielle de vingt ans. D'un autre point de vue, pour être logique avec l'esprit de cette résolution, elle n'avait pas besoin de rédiger une nouvelle constitution, puisqu'elle avait reconnu le prince NORODOM Sihanouk comme chef de l'État légal du Cambodge, depuis 1970 sans interruption. Il suffisait donc de remettre en vigueur l'ancienne constitution du 6 mai 1947, modifiée en 1955 par NORODOM Sihanouk lui- même, cela aurait été contraire aux Accords de Paris de 1991. - ROS Chantrabot, (2000) op. cit. p. 100

173 ROS Chantrabot, (2000), op. cit. p. 71

174 Le Constituant cambodgien a accompli sa mission sous diverses influences : influence du régime antérieur,

celle de l'État du Cambodge, influence de la tradition autocratique ancestrale représentée par le prince NORODOM Sihanouk et partiellement relayée par le parti FUNCINPEC et influence occidentale résumée dans le mythe de l'État de Droit, de la démocratie promus par l'ONU et l'ancien colonisateur que fut la France. Maurice Gaillard rappelle également combien NORODOM Sihanouk était attaché à une version occidentale de la Constitution. Dans sa note du 18 juin 1993, dans laquelle il exprimait ses vues sur la future Constitution, le

NORODOM Sihanouk, qui le même jour, est couronné Roi du Cambodge, premier Roi constitutionnel du Cambodge moderne. Le Roi nomme aussitôt son fils, le prince NORODOM Ranariddh, 1er Premier ministre, et HUN Sen, 2nd Premier ministre et les charge de former le Gouvernement royal du Cambodge. Ces actes mettent fin à l'existence du CNS et marquent la fin du mandat de l’APRONUC au Cambodge et l’achèvement de l’opération de maintien de la paix. Ils signent la réappropriation par les Cambodgiens des rênes politiques et ce, à travers deux compromis typiquement cambodgiens : la restauration de la monarchie et l’élection de NORODOM Sihanouk comme Roi du Cambodge.

132. D'après certains observateurs, les Accords de Paris sont muets sur la question de la promulgation par un chef de l'État ou par le Président du CNS. L'article 1 de l'Accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge prévoit que c'est l'Assemblée constituante qui devait l'approuver et la promulguer. C'est après la formation d'un gouvernement seulement, que l'on doit procéder à l'élection d'un président ou chef de l'État. Le Cambodge, après avoir connu trois républiques retrouva une monarchie sans que son peuple ait eu le temps d'exprimer ses sentiments et sa volonté. Le parti royaliste FUNCINPEC ne représentait que 45,47% des suffrages exprimés, soit moins que la barre des 50%. Placés devant le non-respect des Accords de Paris, l'APRONUC et le Conseil de Sécurité de l'ONU ont pris le train en marche, pour sauver leur crédibilité et dans le souci de pouvoir se