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L’imposition de la démocratie occidentale

Conclusion du premier chapitre

Section 1. L’imposition de la démocratie occidentale

328. Nous entendons par démocratie occidentale, la démocratie à caractère libérale et pluraliste. Nous empruntons la définition de la démocratie de l'encyclopédie Universalis selon laquelle : « La démocratie est une forme d'organisation politique traditionnellement définie, selon la formule d'Abraham Lincoln, comme le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Comme dans tout système politique, « le peuple », c'est-à-dire la population des citoyens regroupée dans le cadre d'un territoire, y est gouvernée. La spécificité d'un système démocratique est que les gouvernés sont censés être en même temps des gouvernants, associés aux principales décisions engageant la vie de la cité. Et c'est parce que le peuple est à la fois sujet (c'est-à-dire soumis au pouvoir politique) et souverain (détenteur de ce pouvoir) que les systèmes démocratiques sont supposés agir dans l'intérêt du peuple. » 474

329. La démocratie libérale et pluraliste procède d’une conception individualiste selon laquelle l’individu est au centre de la société dans laquelle sa primauté et sa liberté sont

474 Daniel GAXIE, « DÉMOCRATIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 9 août 2015. URL :

exaltés. Ses fondements sont le respect dû à l’individu avec la sauvegarde de ses libertés essentielles et le pluralisme politique qui constitue l’expression politique de cet individualisme. Par ailleurs, elle suppose également que le peuple puisse choisir ses gouvernants librement et par définition il ne peut y avoir de choix véritable que s’il existe plusieurs partis pour que toutes les opinions puissent s’exprimer librement. À cet égard, la liberté d’opinion, la liberté d’expression ou la liberté de la presse et de l'information, la liberté d'association et la liberté de réunion sont des libertés individuelles essentielles, mais il faut aussi garantir l’instruction civique du peuple pour qu’il puisse agir et choisir en conscience, c'est-à-dire qu’il soit apte à voter en toute connaissance. Cela implique aussi la tenue d’élections régulières et libres permettant au peuple de renverser le gouvernement ou de le reconduire. On parle d’alternance lorsqu’il y a changement de l’équipe au pouvoir par la décision des électeurs. Ce principe de liberté suppose la possibilité du choix, la démocratie impliquant donc forcément le pluralisme politique.

330. La démocratie représentative occidentale met l’accent sur l’aspect institutionnel (Parlement et élections concurrentielles garantissant un choix libre et informé)475. Ce qui se caractérise par le fait que dans tout régime démocratique, la Constitution doit garantir les libertés fondamentales (liberté de penser, garanties contre l'arbitraire, liberté de la presse, liberté de réunion, etc.), la séparation des pouvoirs (exécutif législatif et judiciaire), le suffrage universel, l'organisation d'élections libres et régulières et le multipartisme. Des procédures de révision de la Constitution doivent également y être prévues ainsi que le contrôle de la constitutionnalité des lois et la validation des consultations électorales.476

331. La démocratie libérale pluraliste n'est pas une tradition dans l'histoire du Cambodge. Jusqu'à la période de protectorat français, au milieu du XIXème siècle, le Cambodge n'a connu, en effet, qu'une monarchie de droit divin477 avant de passer à une monarchie constitutionnelle après l'adoption de sa première Constitution478 en mai 1947. Il s'agit de la première Constitution dans l'histoire du Cambodge, qui fut le fruit d'une tractation

475 http://www.institut-gouvernance.org/fr/corpus_auteur/fiche-auteur-139.html, consulté le 8 août 2015 476 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/d%C3%A9mocratie/41420, consulté le 9 août 2015.

477 Clairement identifiable comme telle par la lecture du Kram no 9 du 17 mars 1945, GOUR (1965), op. cit. p.

41

478 D'après Claude Gille-GOUR, la Constitution de 1947 qui constitue une véritable fondation constitutionnelle

du Cambodge contemporain, présente trois caractéristiques essentielles, une Constitution copiée sur la Constitution française de 1946, une Constitution de la bourgeoisie démocrate, et une Constitution équivoque, en particulier, quant à la détermination des pouvoirs du Roi. - GOUR Claude-Gilles, Institutions Constitutionnelles et Politiques du Cambodge, Dalloz, Paris 1965, p. 51.

entre les démocrates et le Roi Sihanouk et d'un raccord entre la théorie démocratique occidentale moderne et la tradition monarchique de la souveraineté royale. Selon Claude Gille-GOUR, ce raccord a été mal fait et fit surgir deux évolutions possibles : soit l'effacement de l'ordre traditionnel au détriment des institutions nouvelles, et en conséquence, le Cambodge deviendrait une monarchie parlementaire dans laquelle le Roi ne jouerait plus qu'un rôle effacé ; soit, inversement, c'est la Constitution dans ses aspects modernes qui s'adapterait aux exigences de la tradition. Cette alternative et ce genre de conflit sont à l'origine de la crise entre le parti majoritaire et le Roi après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1947. En fin de compte, cette Constitution de 1947 sera par la suite fortement marquée par un exercice personnalisé du pouvoir479 car la tradition monarchique avait fini, en tout état de cause comme ce qui s'était déjà produit au cours de l'histoire, par s'imposer.480

332. Cette démocratie libérale pluraliste a été importé au Cambodge, en 1946, par les élites cambodgiennes, notamment des démocrates, majoritairement formés en France dans les années 1940, mais elle a connu une éphémère existence jusqu'en 1952. Cette première expérience de la démocratie libérale pluraliste s'explique par les circonstances de son introduction et l'opposition entre la tradition et la modernité dans l'exercice du pouvoir.

333. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, après la défaite de la France en 1940, les Japonais intervinrent au Cambodge481. En mars 1945, après avoir mis hors-jeu les troupes françaises, les Japonais éliminèrent par la force l'autorité administrative française sur l'ensemble du territoire indochinois. Devant ces événements, le Roi Sihanouk réagit avec grande prudence, tout en marquant, dans un premier temps, sa volonté d'assurer la continuité de l'État avec la prise en charge de l'exercice de tous les pouvoirs antérieurement dévolus au Résident supérieur français482. Puis par une déclaration du même jour, il proclama l'abolition du Protectorat français, invita toute la nation khmère à prendre acte de ce fait accompli et

479 Les réformes apportées en 1956 ont consacré un nouveau changement puisqu’elles ont mis en place un

système qui enferme la représentation nationale dans le cadre d’un parti unique et qui confère des pouvoirs importants au Chef de l’Etat, de telle sorte qu’il n’est plus possible de reconnaitre dans la Constitution de 1956 les caractéristiques propres à une monarchie constitutionnelle. - JENNAR Raoul, "Les Constitutions du Cambodge: ambitions, continuités et ruptures", in Actes du Colloque International sur la Khmérologie du 26-30 août 1996, Vol. I, Université Royale de Phnom-Penh, 1998, pp. 257 à 284.

480 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 58

481 Sous deux formes : premièrement, pour contraindre le Gouvernement français à abandonner à la Thaïlande les

provinces cambodgiennes dont la France avait obtenu la restitution en 1907, dans l'exercice de sa mission protectrice. Deuxièmement, en établissant dans le Royaume, comme dans l'ensemble de la Fédération indochinoise, une force d'occupation militaire nippone pour réaliser sa politique de "co-prospérité" (Accords Darlan-Kato du 29 juillet 1941 signé à Vichy). – NORODOM Ranariddh, op. cit, no 134, p. 122, GOUR Claude-

Gilles, op. cit, pp. 39-42. KAONN Vandy, Cambodge : 1940-1991 ou la politique sans les Cambodgiens, (essai), L’Harmattan, Paris, 1993, p. 58,

proclama l'indépendance du Cambodge483 et ce, tout étant bien entendu sous la domination japonaise. Les Japonais avaient demandé au Roi de former un gouvernement afin de placer des hommes politiques cambodgiens jugés acquis à leur cause à la tête de l'exécutif et dans le gouvernement. Cette contrainte n’a pas manqué de provoquer des rapports de force tendus entre le chef du gouvernement et le Roi. Six mois plus tard, vers mi-août 1945, le Japon capitule et transfert la totalité des pouvoirs aux souverains et gouvernements de l'Indochine. Dès le mois de septembre, les Français sont revenus en Indochine. Ils ont écarté le chef de Gouvernement nationaliste pro-japonais, SON Ngoc Thanh, vers la mi-octobre et ont restauré la monarchie khmère sur une base plus moderne. En effet, dès novembre 1945, les autorités françaises suggèrent l'adoption d'une Constitution moderne. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'une politique générale de démocratisation des anciennes institutions coloniales tentée par la France sous la pression des élites locales au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Cette initiative rencontre l'adhésion sans réserve du Roi Sihanouk484. En même temps, après de longues négociations, le 7 janvier 1946, un accord fixant un modus vivendi provisoire reconnaissant l'autonomie interne du Cambodge est signé par les représentants de la France et du Cambodge.485 Par cet accord, une structure politique du Royaume khmer est mise en place dans un nouveau cadre constitutionnel486.

334. Une commission mixte franco-khmère prévue par le modus vivendi fut mise sur pied en avril 1946 et s'attacha à la rédaction d'un projet de Constitution qui devait tenir compte de la volonté royale selon laquelle le Roi, titulaire jusqu'à là d'un pouvoir absolu, songea tout d'abord à octroyer une Constitution au sens moderne du terme, mais d'un contenu adapté aux réalités sociales du pays (en s'inspirant de la tradition khmère comme des nécessités et des tendances de la vie moderne). Un projet de Constitution a été élaboré et recueillait l'approbation du Roi, qui avait toute la légitimité pour la promulguer487. Mais, selon NORODOM Ranariddh, « cédant à la pression de la bourgeoisie intellectuelle de la capitale généralement formée en France, le Roi choisit finalement la voie audacieuse du libéralisme immédiat en consultant le peuple sur les dispositions qu'il envisage et qui intéressent la

483 Dans le Kram no 2, NS du 12 mars 1945, il est précisé que "les traités et conventions portant établissement et

organisation du Protectorat français au Cambodge sont tous et entièrement abolis à la date de la signature de la présente déclaration". – GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 40, NORODOM Ranariddh, op. cit., no 134, p.

122.

484 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 43

485 Le retour de la France au Cambodge n'a pas été confirmé sur la base d'une réactivation du Protectorat mais

sous l'emprise d'un régime expressément qualifié de provisoire par le Modus Vivendi du 7 janvier 1946. - NORODOM Ranariddh, op. cit. no 137, p. 124

486 KAONN Vandy (1993), op. cit. p. 69 487 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 47

Nation tout entière. » 488 Cette consultation a permis l'établissement d'un cadre pré- constitutionnel libéral qui favorisait l'apparition légale d'activités politiques de type démocratique.489 Les toutes premières élections pluralistes de l'Assemblée constituante du Cambodge au suffrage universel, ont été organisées le 1er septembre 1946. Par le biais de ces élections, les membres du Parti démocrate se préparaient activement à une « révolution constitutionnelle ». Ils espéraient pouvoir soustraire le Roi à l'influence de la France et à le ramener à envisager une lutte plus positive pour l'indépendance du pays. Malgré des efforts et des manœuvres du commissaire de la République française et du Roi Sihanouk, visant à barrer la route au Parti démocrate, ce dernier remporta une large victoire avec les deux tiers des sièges490. D'après NORODOM Ranariddh, cette Assemblée dominée par le Parti démocrate, s'arrogea aussitôt – et régulièrement – des prérogatives gouvernementales et imposa au pays une sorte de version « khmérisée » du texte constitutionnel français de 1946 de la IVème République. La toute première Constitution du Cambodge fut promulguée le 6 mai 1947. Elle servit de cadre de 1947 à 1952, à une expérience parlementaire jugée caricaturale491.

335. Après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1947, deux autres élections législatives, celles de 1947 et 1951, ont été organisées et jugées libres et équitables. Le Parti démocrate est sorti vainqueur sans discontinuité de ces élections492. Selon Vandy KAONN, les raisons de la victoire du Parti démocrate sont dues, d'une part, à sa popularité et à son organisation sur le terrain et, d'autre part, à l'envergure de ses dirigeants à qui la majorité de l'électorat tenait à accorder sa confiance. Elles résultent, par ailleurs, de

« la conduite impopulaire et répréhensible de l'administration royale à l'égard des meilleurs sujets du Roi qui inspirait à la classe moyenne, qui constituait une fraction importante de l'électorat, un mécontentement qui frisait souvent une

488 NORODOM Ranariddh, op. cit. no 139, p. 125

489 Une série de Kram promulgués dès le 15 avril vint établir les libertés essentielles à une vie politique moderne.

Successivement parurent une loi sur la presse, une loi sur la liberté d'association et une loi sur la liberté de réunion. Pour la première fois, un pays non seulement de la Fédération indochinoise mais encore de l'Union Française se voyait doté des libertés démocratiques essentielles. Enfin, le 31 mai fut promulguée la loi électorale, œuvre de la Commission franco-khmère, pour désigner une Assemblée nationale consultative habilitée à voter une Constitution. Elle institue le suffrage universel direct. Dans ce cadre juridique, on voit aussitôt apparaître différents courants et naitre une vie politique de type démocratique. Trois partis politiques se constituèrent, le parti libéral, le parti progressif et le Parti démocrate. – GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 48

490 Les élections du 1er septembre 1946 ont enregistré une proportion de 60% de votants, 50 sièges sur les 67

(70% des voix) que comptait l'Assemblée revinrent aux démocrates, 14 aux libéraux et 3 aux progressifs. - GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 64

491 NORODOM Ranariddh, op. cit., no 139, p. 125

492 Élections de décembre 1947 : le Parti démocrate obtient 54 sièges sur 75 et 73% des voix. Élections de

haine implacable vis-à-vis des mandarins, ces « serviteurs du Roi » suspectés d'être à l'origine des répressions politico-administratives, c'est-à-dire en d'autres termes, d'être complices de leurs protecteurs français dont les mesures à l'encontre des Khmers Issarak493 provoquaient un désarroi indescriptible parmi les villageois. »494

336. De décembre 1947, où le parti démocrate continue à détenir la majorité au sein de l'Assemblée nationale élue, au début de 1949, d'après Claude-Gilles GOUR, le système prévu par la Constitution de 1947 fonctionne à peu près correctement conformément aux exigences du régime parlementaire que les constituants avaient voulu établir. Durant cette période, les procédures constitutionnelles sont respectées. Mais, dès 1949, le système constitutionnel de 1947 s'effondre progressivement et est abandonné de fait en 1952.495

337. Les causes de cet échec sont, d'une part, l'absence d'une unité interne au sein du parti majoritaire (le Parti démocrate). Claude-Gilles GOUR indique que malgré l'obtention d'une majorité écrasante à toutes les élections, le Parti démocrate ne présentait pas d'unité. C'était une machine politique au sein de laquelle s'affrontaient des clans, des factions rivales dont la coloration politique et l'origine sociale étaient extrêmement variables. Souvent aussi des rivalités de personnes, des ambitions individuelles dominaient ces luttes internes496. D'après Vandy KAONN, ces dissensions internes ont été amplifiées par une « manœuvre politique très dangereuse du Roi qui consistait à transformer la nouvelle situation politique en un imbroglio infernal. Il provoqua des dissensions déroutantes à l'intérieur du Parti démocrate et dressa les partis politiques les uns contre les autres. »497 D'autre part, il s'agit de l'impuissance du régime parlementaire dominé par le Parti démocrate à réaliser le rétablissement de l'indépendance nationale et à assurer le maintien de la paix et de la sécurité intérieure498. En effet, le Parti démocrate était incapable de définir une ligne politique cohérente et fiable à l'égard de l'incontournable interlocuteur français visant à résoudre les problèmes des rapports avec la France. Il était aussi dans l'incapacité de régler les problèmes causés par des mouvements rebelles à l'égard des Français et de la monarchie. Enfin, dernière explication : l'absence d'appui populaire ou d'enracinement politique et social profond des

493 Mouvement khmer anti-français très composite. 494 KAONN Vandy (1993), op. cit. p. 79

495 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 60 496 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 64 497 KAONN Vandy (1993), op. cit. p. 72

partis politiques de types classiques. Le Parti démocrate, en dépit de ses succès électoraux, n'était pas véritablement représentatif des masses populaires, notamment paysannes du pays.

338. En même temps, tout cela faisait contraste avec le succès remporté par le Roi Sihanouk dans ses interventions audacieuses qui consistaient à dissoudre l'Assemblée nationale tout d'abord de façon provisoire en 1949 et 1951, puis définitivement en 1952, en renvoyant le gouvernement investi par l'Assemblée. Ces deux actes royaux peu respectueux du texte constitutionnel ont été justifiés par leur auteur par la nécessité de sortir le pays de l'impasse politique provoqué par une obstruction systématique des démocrates (une tendance des démocrates à empêcher l'expression d'une minorité) et par l'état intérieur du pays, en particulier l'insécurité.

339. Ces actes audacieux marquent le début de la « Croisade royale pour l'indépendance » et la fin du régime parlementaire à l'Occidentale.499 En effet, le Roi Sihanouk a réussi à concrétiser l'indépendance, à obtenir la soumission des rebelles et à amorcer un retour à l'apaisement politique interne grâce à une politique de neutralité. Les premières manifestations de cette politique remontent à 1953 quand le pouvoir monarchique a réussi à l'emporter en dehors du cadre constitutionnel dans la lutte qui l'opposait à l'Assemblée nationale et aux partis.500. Après le succès remporté par le Roi dans sa « Croisade royale pour l'Indépendance » en novembre 1953, suivi de la victoire écrasante du Roi lors du référendum sur l'approbation des résultats de sa « mission royale » en février 1955, le Roi affirma sa primauté politique501 qui devait aboutir en 1956 à la réforme de la Constitution.

340. La Constitution de 1947, amendée en 1956, est caractérisée par un système original très fortement marqué par la personnalité de NORODOM Sihanouk muni d'un fort pouvoir personnel avec une formule de démocratie semi-directe. Ce système, né d’un coup d’État502, va tenir de plus en plus difficilement au fil des années et a été finalement remis en question par le Coup d’État du 18 mars 1970 qui aboutit à la Constitution de 1972. Cette dernière propose un modèle considéré comme un « patchwork constitutionnel » ou « bâtard », résultant d'un collage entre le modèle américain et le modèle français. C'est une tentative de

499 NORODOM Ranariddh, op. cit., no 141, p. 126 500 GOUR Claude-Gilles, (1965), op. cit. p. 63

501 Le Roi a abdiqué en mars 1955 en faveur de son père et créé le Sangkum Reastr Niyum - SRN (la

Communauté socialiste populaire). Lors des élections à l'Assemblée nationale de septembre 1955, le SNR a remporté une victoire triomphale, qui a permis à celui qui était devenu prince NORODOM Sihanouk de réaliser des réformes projetées depuis longtemps.

502 Le 15 juin 1952, le Roi Sihanouk démet le gouvernement démocrate et prend le plein pouvoir pour trois ans.

Le 13 janvier 1953, il dissout l’Assemblée nationale et s’octroie le plein pouvoir. JENNAR Raoul (1995), op. cit. pp. 55-56

tirer le meilleur à la fois du parlementarisme à la française d’avant 1958 et du présidentialisme à l'américaine. Mais ce texte adopté alors que le gouvernement ne contrôlait plus que le quart du territoire national et était engagé dans une guerre à outrance ne fut jamais qu'une déclaration d'intentions et un cadre constitutionnel vide. Après l'effondrement du régime républicain le 17 avril 1975, s'instaure un régime tout à fait particulier, celui du Kampuchea démocratique qui publie en 1976 une Constitution qui n’a de la chose que le nom. Les Constitutions suivantes de 1981 et 1989 sont considérées comme Constitutions- programmes ainsi que leur préambule en porte témoignage. Elles font entrer le Cambodge dans la famille des démocraties dites populaires tout en exprimant les changements qu’apporte l’évolution de ce type de régime503.

341. La démocratie libérale pluraliste de style occidental et ses principes ont été importés et imposés une nouvelle fois par les grandes puissances, notamment par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité (Perm 5) à travers les Accords de Paris et leur mise en œuvre et par les ingérences étrangères pendant l'élaboration de la Constitution de 1993.

§ 1. Première étape d'imposition : les Accords de Paris et leur mise en œuvre

342. L’imposition de la démocratie libérale pluraliste au Cambodge par l’ONU et notamment par les Perm 5 remonte à l’année 1990. Dès 1980, l’Assemblée générale des